Christian Robineau, Paris, 2005
Action non-violente, intervention civile et problématique du tiers
Reflexions autour de la position du tiers dans un processus de résolution du conflit.
De nombreux auteurs et acteurs inscrivent l’intervention civile dans le champ de la non-violence, ou dans la continuité de l’histoire de l’action non-violente, comme si la chose était d’une telle évidence qu’il n’y avait pas lieu de la questionner.
Faut-il considérer l’intervention civile comme une modalité particulière de l’action non-violente ou, au contraire, dissocier radicalement les deux ?
Je plaiderai pour une réponse nuancée, en plaçant au centre de ma réflexion la notion de tiers.
Spécificités de l’action non violente
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1. Le contexte de départ est une situation de domination. Le terme « situation » ne désigne pas ici une description neutre mais la perception, par le groupe des dominés, de ce qu’il vit, cette perception n’étant pas forcément partagée par le groupe des dominants.
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2. La domination peut être une contrainte physique (militaire, politique, sociale, économique) ou une collaboration plus ou moins consentie des dominés.
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3. Le processus de l’action non-violente : 3 mouvements :
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Le premier est celui de la construction identitaire du groupe des dominés (un « nous » par rapport un « eux » ).
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Le deuxième mouvement est celui de l’action elle-même, qu’à partir du moment où le groupe des dominés prend conscience du fait qu’en retirant sa collaboration au groupe des dominants il peut, dans certaines conditions, contraindre celui-ci à faire cesser la situation de domination (non-coopération collective et action directe).
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Le 3ème mouvement : le « programme constructif » : sont mises en place, concrètement et de façon possiblement illégale, des pratiques et/ou des structures qui préfigurent ladite solution
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Un principe régit l’action :
La violence est bannie des moyens d’action légitimes. L’objectif central de l’action non-violente n’est ainsi pas de « vaincre » les adversaires, mais de les contraindre à faire cesser la situation de domination et de parvenir, si possible, à un compromis satisfaisant les deux parties.
Spécifités de l’intervention civile
les limites du champ et les notions utilisées se révélant pour le moins variables selon les auteurs.
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L’IC n’est pas :
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Une intervention militaire. elle n’utilise pas les outils spécifiques des militaires, soit les moyens armés.
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Une intervention humanitaire. Elle ne vise pas à secourir les victimes du conflit, mais à peser sur les causes de celui-ci pour tenter de le résoudre.
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Une action civilo-militaire.
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Coercitive (embargo) : Elle nécessite – et ses promoteurs la recherchent activement – une coopération avec et entre les parties en conflit.
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Il est préférable de différencier deux notions.
D’une part, l’intervention civile, au sens qui vient d’être défini. D’autre part, l’intervention non-violente.
On pourrait considérer comme interventions non-violentes celles qui, dans une situation de conflit, visent à soutenir, de manière partisane et en utilisant les méthodes de l’action non-violente (autrement dit possiblement contraignantes), le ou les groupes qui paraissent défendre le plus les valeurs de la démocratie et des droits humains. On pourrait, à l’inverse, considérer comme interventions civiles celles qui, éventuellement dans le même contexte, visent à favoriser, de manière non partisane et avec la coopération de toutes les parties en conflit, la construction d’un espace public de confrontation et de dialogue au sein duquel est recherché un compromis entre les parties.
Du troisième au tiers
Le caractère contraignant et partisan ou non de l’intervention apparaît ainsi central dans une perspective comparative. On rejoint ici un thème fréquemment abordé à propos de l’intervention civile, celui du tiers, qui semble à première vue constituer un outil de distinction pertinent. On aurait, dans l’action non-violente, deux adversaires qui s’affrontent et, dans l’intervention civile, un « tiers » qui tente d’amener deux adversaires à faire la paix.
La notion de tiers pose des questions : « tiers témoin » ou « tiers soutien » n’est il pas une « troisième partie » au conflit ?
La définition du « tiers » ne devient possible, à mon sens, que si l’on renonce à désigner comme « tiers » des individus ou des groupes, des acteurs politiques, pour faire du tiers une instance symbolique externe aux acteurs et à laquelle ceux-ci se réfèrent de différentes manières.
Action non-violente et intervention civile visent toutes deux à limiter de manière raisonnée la destructivité inhérente à tout conflit. Cette dynamique trouve source, sens et force dans la Loi : Loi anthropologique fondamentale : celle du double interdit du meurtre et de l’inceste.