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Modus Operandi
Comités urbains et violence dans la ville de Guatemala
Cette étude démontre l’utilité d’inscrire l’identification des facteurs de cohésion et de division dans les processus de transformation du conflit dans le contexte des violences urbaines au Guatemala. L’étude de cas repose sur l’analyse d’un projet, mis en œuvre par l’association « Grupo CEIBA », avec le soutien technique et financier du Secours Quaker américain (American Friends Service Committee). Le projet a démarré en 2009 et son cycle d’opérations s’est achevé fin 2010. Le projet consistait à installer, en premier lieu, une unité mobile de résolution de conflits, appelée « Burrita de la Paz », dans l’un des quartiers les plus violents de la municipalité de Guatemala. En l’espace d’une année, plus de 900 cas furent traités, allant de petits conflits de voisinage, à des actions de prévention des affrontements entre gangs rivaux.
La « Burrita de la Paz » est un camion fonctionnant comme un centre de médiation et de premiers secours. Un petit groupe de membres formés à cet effet, se tient disponible 24 heures sur 24 pour s’occuper des conflits violents dans le quartier.
Au début du projet, l’équipe a reçu une formation à l’analyse de conflits et à l’identification des facteurs de cohésion et de division. L’équipe a procédé à une « cartographie de la communauté » dans le périmètre, à des entretiens avec les membres de la communauté, et pour finir, au montage d’un atelier afin de développer les étapes d’un programme de paix.
Voici deux des résultats :
– 1. Une liste de « messages clefs », destinés à renforcer les réponses non-violentes aux conflits dans la communauté.
– 2. Une analyse du contexte, permettant de déterminer certains alliés potentiels à intégrer aux programmes de paix pour le dialogue et les travaux de consolidation de la paix.
Après l’achèvement de ce cycle de projet, l’organisation locale de la ville de Guatemala a rejoint un programme de paix urbaine grâce au concours de plusieurs acteurs majeurs de la communauté. Cette ‘association’ a relancé les processus de participation citoyenne, pour le travail sur les thèmes de l’insécurité et sur la modération des réponses violentes au conflit urbain. Dans cette étude de cas, nous supervisons l’application des 4 étapes différentes de ce processus.
Etape 1. Analyse du contexte :
Le processus d’analyse du contexte :
Le contexte fut analysé en deux temps. Le premier consistait à rassembler des informations pour la préparation du projet initial. Après le lancement du projet, la nouvelle équipe a développé un processus, dit de « cartographie de la communauté ». La cartographie reposait sur des informations recueillies à travers :
Après avoir renseigné les informations, l’équipe a recueilli les données de base dans un document unique. Certains des résultats sont décrits ci-dessous :
Historique succinct de la municipalité de Guatemala :
La ville de Guatemala a été classée parmi les 10 villes les plus violentes du monde en raison du taux d’homicide pour 100,000 habitants. Au Guatemala, en Amérique centrale, les conflits armés internes ont cessé en 1996 grâce à un accord de paix entre les guérillas socialistes et l’armée. Mais aujourd’hui, le nombre de meurtres journaliers liés à la violence sociale est plus élevé que pendant la période du conflit armé. Le Guatemala est un pays multiculturel composé de 22 groupes ethniques et linguistiques. La violence – après la pauvreté - est le principal problème dans la ville de Guatemala , et sur 10 victimes, 6 sont des adolescents. (www.elpais.com, 12-01-09). Les statistiques de la police montrent également que 36,85 % des homicides (de la municipalité) ont été commis par des jeunes de 15 à 24 ans. La population a compté 14,29 % de décès par arme à feu, tandis que 616 personnes furent poignardées.
La vie dans les quartiers du centre-ville :
La présente étude de cas concerne un quartier situé en Zone 5. Il s’agit de l’un des quartiers les plus pauvres de la ville de Guatemala. C’est une localité de 3 000 habitants, comportant 60 % de femmes et 40 % d’hommes. Dans la localité, la population compte 10 % de personnes de plus de 30 ans, et 50 % d’enfants de moins de 12 ans. Les jeunes, en tant que catégorie sociale démographique, représentent les 40 % restants. La plupart des femmes commencent à fonder leur famille entre 14 et 18 ans. Les principaux faits de violence sont dus à l’activité des gangs territoriaux et cinq groupes opèrent dans le périmètre (Mara 18, Mara Salvatrucha, Mara Five, Mara Breaks et Mara White Fence). Les gangs comptent chacun entre 25 et 40 membres, et ils se disputent actuellement le contrôle des territoires pour le trafic de drogue (pour le crack et la marijuana), et pour le racket des chauffeurs de bus, des commerçants et des propriétaires (AFSC-CEIBA, 2009).
Les perspectives et les opportunités de vie :
Les adolescents ont peu de perspectives en matière d’éducation, de travail ou de loisirs. Dans la zone concernée, la majeure partie de la population travaille dans l’économie informelle. Dans la plupart des foyers, les deux parents travaillent, même si leurs enfants sont encore des nourrissons, et aucune crèche ne propose de standards d’accueil appropriés ou de tarifs accessibles.
L’organisation du quartier n’était pas très solide au début du projet en 2009. La communauté comporte une église catholique et trois églises évangéliques (protestantes). L’une des églises évangéliques propose déjà un programme de parrainage d’enfants. Il y a un terrain de football mais celui-ci doit être partagé avec des jeunes issus des autres quartiers, ce qui génère encore plus d’affrontements.
La police locale s’occupe principalement de réagir aux actions criminelles, et malgré le niveau élevé de la violence armée, elle n’avait pas de programme centré sur la prévention de la violence.
Voici certaines racines du conflit identifiées par l’équipe projet au sein de cette communauté :
Développement de stratégies violentes : trafic de drogues et gangs :
D’après la théorie des conflits d’intérêts, lorsque les adolescents ont un contrôle restreint sur leur vie, ils trouvent d’autres alternatives pour exercer leur pouvoir et leur contrôle. Le désir initial de satisfaire leurs besoins se mue en besoin pressant de tester leur pouvoir sur autrui, et cela attise ainsi la violence potentielle.
Pour cette raison, la participation urbaine et la résolution des conflits s’avèrent essentielles pour faire face aux défis identifiés dans le contexte de cette brève analyse.
Travail précédent de l’Association CEIBA dans le périmètre :
Pour lutter contre ce phénomène, l’association Grupo CEIBA a initié un programme permanent de formation aux technologies de l’information à destination des adolescents et des membres de la communauté. Le programme est ouvert aux membres de la communauté et fait partie d’un programme plus vaste nommé « Université de la rue ». Ce programme s’inspire du modèle d’Education populaire et comprend diverses activités d’éducation informelle et de formation technique. La plupart des jeunes participants ont l’opportunité de se former à la conception graphique, à la programmation, au télé-conseil en centre d’appel, à la robotique, ainsi qu’à d’autres compétences alternatives. Ce programme a rendu populaire l’organisation CEIBA dans les quartiers. De nombreux jeunes de plusieurs endroits du périmètre travaillaient ensemble dans ce centre.
Etape 2. Eléments du conflit urbain : les sources de tensions ou facteurs de division
En appliquant les étapes décrites (principalement la mise en commun des idées), le groupe a pu classer plus facilement les thèmes identifiés, à l’aide d’une technique simple consistant à les faire correspondre à des thèmes plus larges.
Au cours d’une étape intermédiaire de hiérarchisation des thèmes des facteurs de cohésion et de division, l’équipe projet a improvisé une analyse en forme « d’arbre », en plaçant dans le feuillage et les branches les principaux « effets », dans le tronc, les problèmes centraux et dans les racines, les causes. Ainsi, le fait d’intégrer cette technique a rendu plus facile la classification des sujets ou thèmes du conflit et des tensions.
Pour identifier les principales sources de tensions plusieurs membres de l’équipe ont utilisé la méthode de la « narration » et toute l’équipe a identifié la source de tensions dans chacun des cas. Lorsque les principaux problèmes étaient déjà identifiés, les participants ont commencé à « découvrir » les sources liées à chacun des problèmes.
Parmi les problèmes divisant les personnes, le groupe a distingué deux principales démarcations : l’une entre les groupes, et l’autre entre les générations.
Ligne 1 : divisions intergroupes.
Principalement entre les gangs locaux de jeunes et les groupes et institutions de la communauté, les « adultes », les commerces locaux et le gouvernement. Ce problème est exacerbé par les tactiques de distribution des drogues ainsi que par un accès facile aux armes légères. Ces deux éléments constituent une importante source de pouvoir et d’argent pour le trafic de drogue et les gangs.
En parallèle, il existe des tensions entre deux groupes locaux : le Comité de développement de la communauté et le Comité unique de riverains.
Ligne 2 : sources de tensions inter-relationnelles.
Les enfants entre eux sont violents, les adultes sont violents envers les jeunes et inversement. Les violences domestiques sont très répandues, les relations entre les anciennes et les nouvelles générations de citoyens sont tendues, les femmes subissent une forte oppression, les enfants et les adolescents sont négligés, et les opportunités d’éducation et de loisirs font défaut avec seulement quelques rares exceptions.
Dans cette étude de cas, les catégories de classement des facteurs de division (et de cohésion) ne reposaient pas sur des critères concrets comme les institutions, les attitudes, les valeurs et les expériences. Différents « niveaux du problème » ont servi de base à l’identification des facteurs de division et de cohésion.
Ligne 1 : entre les groupes | Ligne 2 : autres dynamique interrelationnelles | |
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Facteurs de division |
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Problèmes centraux |
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Problèmes à la source |
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Etape 3. Facteurs de cohésion
Le processus d’identification des facteurs de cohésion fut presque le même, mais comportait une difficulté supplémentaire :
Les personnes travaillant dans le quartier sont tellement familières des situations d’insécurité et de criminalité, qu’elles ont généralement oublié qu’il existe de puissantes capacités, dons ou talents pour consolider la paix.
Nous avons découvert un discours de base pessimiste dans ces quartiers affectés par la violence. Les gens ne voient pas qu’ils sont ensemble malgré le conflit. Dans certains cas, la solidarité et la cohésion sociale était forte. Il fallait refléter ce qui fonctionnait bien, et identifier les types d’action de plus en plus acceptés par les membres de la communauté.
Le principal potentiel de paix dans le quartier vient des institutions permettant aux gens de converger au quotidien. Nous avons regroupé les facteurs de cohésion en trois catégories :
Sources de tensions | Connecteurs/Capacités pour la paix | |
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Systèmes et Institutions |
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Attitudes et Actions |
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Valeurs et Intérêts Divergents et Partagés |
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Expériences : (différentes) |
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Symboles |
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Etape 4. Définir les points de départ dans le traitement du conflit
Après les étapes 2 et 3, l’équipe a préparé une discussion finale sur la concordance entre les principaux facteurs de cohésion et l’idée initiale du projet.
Elle a conclu que le projet est entièrement lié à plusieurs facteurs de cohésion : d’une part la plate-forme de paix se concentre sur l’amélioration de la capacité à collaborer et à coordonner les actions de consolidation de la paix, d’autre part, le processus de médiation et le secours d’urgence (pour les cas où le conflit connaîtrait une escalade jusqu’à la violence physique) sont des actions concentrées sur le traitement (principalement) des facteurs de division. Mais dans les deux cas, les actions sont directement ou indirectement en rapport avec les facteurs de cohésion et de division.
Pour finir, l’équipe du projet a échangé sur la nature des principaux « messages » pour les membres confrontés à divers types de conflits au sein de la communauté, se basant sur la compréhension du contexte, les sources de tensions et les capacités pour la paix. Le débat avait comme problématiques : qui sommes-nous dans cette communauté ? Quel est notre rôle ? Quelles convictions décidons-nous de montrer à la communauté par nos actions, nos paroles, nos attitudes et le programme ?
Messages principaux :
L’équipe projet s’est également interrogée sur les « réactions » potentielles dans le cas où l’un ou plusieurs des cas suivants apparaîtrait dans la communauté :
Forte de ces conclusions, l’équipe a défini et préparé différentes sortes de réponses aux « incidents violents » pouvant potentiellement se déclencher pendant les actions du projet, afin de tenir le même message dans chacune des diverses situations :
Situation potentielle | Réponse de l’équipe |
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Un jeune assassiné | La vie est précieuse, et les membres du groupe peuvent s’arranger un minimum pour limiter l’attrait du meurtre |
Les affrontements pour le contrôle des territoires | Vous pouvez développer un sens de la propriété et de l’identité collective grâce à la coopération mutuelle |
Vengeance | La soif de vengeance peut être remplacée par la recherche d’une justice efficace, la libération, et la restauration sociale et personnelle |
Le manque d’estime de soi | Nous croyons fermement et profondément au potentiel des habitants du quartier et nous en obtenons la preuve grâce aux gestes de confiance et à un traitement équitable |
Le trafic de drogues | Tous les membres locaux de la communauté sont en mesure de considérer ce projet comme un espace de résolution des problèmes personnels et de transformation de leur communauté grâce au dialogue, mais ils doivent avoir à l’esprit que la portée de ces processus dépend de la volonté des personnes engagées et de leur participation, qui doit se concentrer sur :
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Les crèches | Les enfants sont des membres de valeur et des acteurs à part entière de la communauté, aujourd’hui et à l’avenir. Ils ont besoin d’opportunités en matière d’éducation, de soins, et d’attention |
Les responsabilités parentales | Il est bon de s’assurer que des conflits personnels parentaux ne se répercutent pas sur les enfants. La communauté, dont chaque enfant est un membre, partage la responsabilité de la garderie |
La violence domestique | La violence domestique n’est pas une affaire privée. Il vaut mieux la juguler pour éviter la prison, des séquelles plus lourdes et d’autres conséquences négatives. |