Irenees
un sitio web de recursos para la paz

Irenees.net es un sitio de recursos para la paz elaborado para promover el intercambio de conocimientos y experiencias para la construcción de un arte de la paz.
Este sitio web está coordinado por la asociación
Modus Operandi


Print

, , , , France, mayo 2014

Ces pays qui ont renoncé à l’arme nucléaire

L’expérience de l’Afrique du sud, du Brésil, de l’Argentine, de la Suisse mais aussi de l’Ukraine, du Kazakhstan et de la Biélorussie montre qu’il est possible de renoncer à un arsenal nucléaire, contrairement à l’idée selon laquelle on ne saurait « désinventer » la bombe.

Keywords: Acción en contra del uso militar de la energía nuclear | Seguridad y paz | | Argentina | Brasil | Rusia | Ucrania | Africa del Sur | Kazajstán | Biélorussie

Le monde pourrait compter neuf puissances nucléaires : les cinq Etats dotés d’armes nucléaires (EDAN) selon le Traité de non prolifération nucléaire (TNP), trois puissances nucléaires de fait qui n’ont pas ratifié le TNP (Inde, Israël, Pakistan) et la Corée du Nord qui, après avoir annoncé son retrait du TNP, a procédé à des explosions nucléaires. Nous sommes donc loin de la vingtaine de puissances nucléaires dont on craignait l’apparition au milieu des années 1960. Le Président Kennedy déclarait ainsi en mars 1963, lors d’une conférence de presse : « Personnellement, je suis hanté par le sentiment que d’ici 1970, à moins que nos efforts réussissent, il y aura peut-être dix puissances nucléaires au lieu de quatre […] et d’ici 1975, quinze ou vingt ou vingt-cinq pays possédant ces armes [nucléaires]. Je considère cela comme le plus grand danger et le plus grand risque. ».

Il y a bien eu une « vague » de prolifération entre les années 1960 et 1980, période au cours de laquelle des Etats, comme la Suisse ou encore la Suède, ont été très près de se doter de l’arme nucléaire. Mais, devant les pressions internes et internationales, ces pays décidèrent d’arrêter leur programme nucléaire militaire. Parfois, cette course à la bombe a pris fin à la suite de changements politiques favorisant une nouvelle vision des relations internationales comme ce fut le cas au Brésil et en Argentine où de nouveaux pouvoirs démocratiques ont mis un terme aux ambitions nucléaires militaires des dictatures qui les avaient précédés. Le cas des anciennes Républiques de l’URSS est particulier : il existait, sur le territoire de certaines d’entre elles, un arsenal nucléaire prêt à l’emploi. Tel fut le cas pour l’Ukraine, le Kazakhstan, et la Biélorussie, qui, lors de la disparition de l’Union soviétique, auraient pu devenir des puissances nucléaires si elles avaient décidé de se doter des chaînes de commandement nécessaires.

Tous ces pays ont montré qu’il est possible de renoncer à un arsenal nucléaire, contrairement à l’idée selon laquelle on ne saurait « désinventer » la bombe. Certains d’entre eux, notamment en Amérique latine, ont même su renforcer leur sécurité après leur abandon de l’arme nucléaire, notamment par leur participation à des zones exemptes d’armes nucléaires.

Il est quelquefois avancé que l’abandon par l’Ukraine de son arme nucléaire l’a affaiblie face à la Russie. Mais aurait-il été possible au pouvoir ukrainien de menacer la Russie d’une frappe nucléaire lors de la crise de Crimée ? On peut au contraire affirmer que, dans l’état de faiblesse et de division actuelles de l’Ukraine, la possession de l’arme nucléaire aurait été un facteur dangereux d’insécurité pour le pays lui-même et sans doute aussi pour l’Europe.

L’Afrique du Sud, l’Etat qui a renoncé à sa bombe

Au milieu des années 1970, l’Afrique du Sud, aidée de nombreux partenaires étrangers dont la France, l’Allemagne fédérale, la Suisse et Israël a mis au point une technologie innovante d’enrichissement de l’uranium. Cette étape du développement de l’énergie nucléaire à des fins civiles pouvait aussi être mise à profit pour des usages militaires. Ces activités ont fait naître les premiers soupçons sur l’intention du pouvoir d’apartheid sud-africain d’acquérir clandestinement l’arme nucléaire. Ces craintes étaient partagées par de nombreux Etats africains qui redoutaient que le régime d’apartheid, dont la supériorité en armement conventionnel était par ailleurs considérable en Afrique, accède à l’arme nucléaire.

Les craintes se renforcèrent en août 1977, lorsqu’un satellite soviétique détecta des préparatifs en vue d’un essai nucléaire souterrain dans le désert du Kalahari, puis se confirmèrent deux ans plus tard, en septembre 1979. Un satellite américain enregistra alors dans l’Océan indien un double éclair que de nombreux observateurs attribuèrent à un essai nucléaire effectué par l’Afrique du Sud et Israël.

Pour autant, aucune information officielle ne fut divulguée sur ce programme militaire nucléaire qui ne fut pleinement révélé à la communauté internationale que le 24 mars 1993, lors de l’accession de l’Afrique du Sud au TNP. Le Président Frederik de Klerk confirma alors que son pays avait bel et bien possédé un arsenal nucléaire clandestin.

L’Afrique du Sud était parvenue à produire un petit arsenal de sept armes nucléaires, en exploitant les réserves d’uranium disponibles sur son territoire et en utilisant les technologies nucléaires civiles à des fins militaires. Elle avait également entretenu une coopération très poussée avec Israël, qui lui avait notamment permis d’acquérir certains matériaux très sensibles auprès de sociétés occidentales. La première bombe sud-africaine avait été produite en novembre 1979.

Selon la doctrine militaire du pouvoir sud-africain d’alors, ces armes devaient restées secrètes et n’être révélées qu’en cas d’attaque des forces soviétiques et cubaines, alors présentes en Angola. Le Président De Klerk (élu en septembre 1989 essentiellement par la minorité blanche) a pris la décision de démanteler cet arsenal de manière unilatérale. Les bouleversements géopolitiques entre 1989 et 1991 écartaient en effet toute éventualité d’une guerre contre des forces soviétiques ou cubaines. Il n’apparaissait pas possible en outre de mettre un terme à l’isolement international de l’Afrique du Sud et d’abolir le régime d’apartheid en gardant l’arme nucléaire. Les installations nucléaires militaires sud-africaines ont donc été démantelées ou converties pour des usages civils. Les armes ont également été démantelées et les documents techniques sensibles détruits. Cette décision était le fruit d’une prise de conscience de l’inutilité de l’arme nucléaire, dans un contexte de changement profond sur le plan intérieur et de fin de la guerre froide sur le plan extérieur.

Le 10 juillet 1991, l’Afrique du Sud accède au TNP et réintègre la communauté internationale. En 1994 l’AIEA confirmera que ce pays est le premier Etat au monde – et jusqu’à présent le seul – à avoir développé l’arme atomique et s’en être séparé volontairement.

Ukraine, Kazakhstan, Biélorussie  : Des puissances nucléaires par intérim

L’éclatement de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) en 1991 à fait apparaître trois nouvelles puissances nucléaires de facto : l’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan. L’Europe se retrouve tout d’un coup avec 6 puissances nucléaires et non plus 3 (France, Royaume-Uni et Russie).

Des milliers de missiles, armés d’ogives nucléaires étaient en effet stationnés sur les territoires de ces Etats alors membre de l’URSS. L’Ukraine devenait la troisième puissance nucléaire au monde avec un arsenal de près de 2000 ogives équipant des missiles de moyenne et de longue portées. La Biélorussie, avec un arsenal d’une centaine d’armes devenait la sixième puissance nucléaire. Quand au Kazakhstan, théâtre de centaines d‘essais nucléaires, sous l’ère soviétique, il disposait de 1400 armes.

La Russie seule héritière du statut d’Etat doté d’armes nucléaires au titre du Traité de Non prolifération nucléaire (TNP), souhaita rapatrier rapidement cet arsenal, les puissances occidentales appuyant alors largement sa demande. Si ces Etats acceptèrent rapidement de renoncer aux armes nucléaires tactiques, il n’en alla pas de même pour les armements stratégiques. L’accord de Minsk du 30 décembre 1991 prévoyait un transfert des armes tactiques vers la Russie dans un délai de 6 mois. Cette opération fut terminée le 6 mai 1992.

Le retour des armes nucléaires stratégiques fut plus complexe, chacun des Etats souhaitant les conserver. Le Kazakhstan affirma que, comme son territoire avait été le théâtre d’essais nucléaires avant 1967, il pouvait prétendre au statut d’Etat doté d’armes nucléaires au titre de l’article IX du traité du TNP. Ces prétentions ont été réfutées par les Etats signataires qui ont fait valoir que ne pouvaient être considérés comme pays dotés que ceux qui ont la maîtrise technique et militaire de l’emploi des armes nucléaires (les codes de lancements étant toujours alors conservés par les autorités russes).

Le 23 mai 1992, un accord, dit Traité de Lisbonne a pu être conclu entre les nouvelles républiques et les trois dépositaires du TNP (Etats-Unis, le Royaume-Uni et Russie). Cet accord stipule que la Russie est le seul Etat détenteur d’armes nucléaires stratégiques sur le territoire de l’ancienne URSS. Pour autant, l’Ukraine manifestera beaucoup de réticence à appliquer cet accord. Le processus de transfert des armes stratégiques sur le territoire russe ne fut complètement achevé qu’en 1996. En échange, les 3 Etats reçurent des garanties de sécurité concernant leur territoire et une importante aide économique chiffré à plus de 900 millions de dollars.

Outre les armes installées dans les anciennes Républiques soviétique, il a fallu traiter la question des savoir-faire nucléaires militaires possédés par les personnels en charge de ces armes. Plus de 100 000 personnes maitrisaient les technologies nucléaires militaires et parmi elles, 2000 à 3000 avaient une connaissance précise des secrets de fabrication de l’arme. Un programme international a donc été créé pour les employer et éviter qu’ils ne soient attirés par des Etats proliférant.

L’Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan sont désormais des Etats non dotés d’armes nucléaires. Le Kazakhstan a intégré la Zone exempte d’armes nucléaires d’Asie Centrale et mène une politique active en faveur d’un monde sans armes nucléaires.

La course à la bombe sud américaine

L’Argentine et le Brésil ont joué une sorte de « mini Guerre froide » entre 1970 et 1985, en cherchant à devenir la première puissance nucléaire d’Amérique du Sud.

Après que l’Inde eut fait exploser un engin nucléaire dans le cadre d’une expérimentation dite pacifique le 18 mai 1974, le président brésilien Ernesto Geisel décida, pour devancer l’Argentine, de lancer un programme nucléaire militaire sous couvert d’un programme électronucléaire civil. En 1976, en application d’un accord avec la République Fédérale d’Allemagne, 3 centrales nucléaires sont planifiées. Dans le même temps un programme de recherche balistique est lancé. L’Argentine construit secrètement à la même période, à Pilcaniyeu, une unité d’enrichissement d’uranium, utilisant la technique de diffusion gazeuse pour produire de l’uranium hautement enrichi.

Au milieu des années 1980 les deux Etats renoncent à leurs projets nucléaires militaires en raison d’un certain nombre de points communs : difficultés économiques, même vision du TNP et de la politique internationale et arrivée au pouvoir de gouvernements civils démocratiques.

Le Brésil et l’Argentine s’engagent alors au début des années 1990, dans une politique de renonciation à l’armement nucléaire marquée par les mesures suivantes : adhésion à la zone exempte d’armes nucléaire d’Amérique du Sud et des Caraïbes (Traité de Tlatelolco) et au TNP (1998 pour le Brésil et 1995 pour l’Argentine), signature d’accords de garantie avec l’Agence Internationale de l’Energie Atomique.

Enfin, il faut noter que Brasilia a inscrit (1988) dans sa constitution « l’interdiction de posséder une arme nucléaire ». C’est pourtant un des rares Etats dans le monde à maîtriser l’ensemble du cycle de l’uranium (extraction, enrichissement). Il a également l’ambition de maîtriser vers 2025, grâce à la France, la technologie nécessaire pour embarquer un réacteur nucléaire à l’intérieur d’un sous-marin d’attaque.

Une Suisse nucléaire !

Dans le plus grand secret, la Confédération helvétique, pays neutre, a tenté entre 1946 et le début des années 1970 de se doter d’un programme nucléaire militaire.

Le 5 février 1946, le Département militaire fédéral crée par une directive secrète la Commission atomique suisse (avec à sa tête le physicien Paul Scherrer), chargée d’un programme nucléaire militaire et d’un plan de protection contre les effets des explosions nucléaires. La population semble adhérer à ce projet, au point qu’une initiative lancée par des pacifistes pour le remettre en cause est rejetée en 1962. Un haut responsable militaire suisse, Eugène Studer, envisage même alors la réalisation d’essais nucléaires souterrains « à des fins pacifiques » sur le territoire suisse !

Une des raisons qui poussait la Suisse à développer l’armement nucléaire tenait à une volonté de maintenir l’équilibre des puissances en cas de prolifération en Europe (crainte d’une Allemagne nucléaire principalement). La Suisse envisageait en particulier de se doter d’obus d’artillerie ou de bombes à gravité nucléaires. Un budget annuel de 100 à 175 millions de francs suisses sur une période de 15 ans est même planifié pour l’acquisition de 400 bombes nucléaires ; ces bombes devaient équiper 100 chasseurs Mirage III, d’origine française.

Ce programme nucléaire a été interrompu en raison d’une série de difficultés tant techniques et industrielles que politiques. Tout d’abord, la recherche d’uranium dans les Alpes suisses s‘avérait des plus compliquées. Il fut envisagé de se fournir en uranium à l’étranger (les pistes américaines et indiennes furent explorées) mais cette voie apparut impraticable. Par ailleurs l’augmentation du coût de production du Mirage III (+150%) contraignit la Suisse à diviser de moitié le nombre d’appareils commandés qui dut être ramené à 50. Un nombre qui ne permettait pas, selon le Conseil fédéral de porter en même temps une attaque nucléaire contre l’agresseur éventuel et d’assurer la défense aérienne du territoire national. A ces facteurs, il faut rajouter la pression exercée par les Etats-Unis qui menaçaient les pays restant en dehors du TNP d’interrompre toute coopération en matière nucléaire civile.

La Suisse signa le TNP en 1969 sans engager immédiatement le processus de ratification. Cette ratification eut toutefois lieu en 1977.

Malgré quelques affaires de prolifération, au milieu des années 1980, la Suisse est depuis devenue un des Etats les plus actifs en matière de désarmement nucléaire. L’objectif affirmé de sa diplomatie est de contribuer à l’avènement d’un monde sans armes nucléaires.