Delphine Leroux-Astier, Grenoble, France, février 2006
Ouvrir l’école sur le monde, un programme de formation à la citoyenneté et à la paix
Le programme éducatif de solidarité internationale et développement durable en lien avec la Colombie, réalisé dans l’Académie de Grenoble
Images de guerre, d’assassinats, narcotrafiquants, champs de pavots éradiqués, misère, tragédie de « Maria pleine de grâce » mais aussi richesse culturelle, traditions millénaires et joie de vivre d’un peuple fier : c’est la complexité de la réalité colombienne que les élèves des établissements de l’Académie de Grenoble ont découverte dans les projets qu’ils ont conduits tout au long d’une année scolaire avec des établissements partenaires colombiens. L’approche des équipes pédagogiques a été délibérément transversale, visant la formation à la citoyenneté internationale et prenant appui sur les apprentissages disciplinaires pour faire émerger questions et réflexions et conduire à des actions citoyennes.
Les associations à l’origine du projet sont l’« Ecole de la Paix » - recherche et formation en éducation à la paix - et « Les Amis de Circée » - éducation à l’environnement vers un développement durable – dans le cadre d’un programme mis en place avec le Ministère de l’Education Nationale colombien.
La coopération avec la Colombie s’est structurée autour d’un partenariat fort avec le rectorat de l’Académie de Grenoble : avec l’inspection pédagogique régionale d’espagnol, la déléguée académique aux relations internationales et à la coopération (DARIC) et la mission pour l’éducation à l’environnement pour un développement durable.
Ces projets favorisent ainsi le travail sur les problématiques du "vivre ensemble" et du développement durable ; ils mettent donc en jeu la relation à soi-même, aux autres, comme à l’environnement.
Les objectifs pédagogiques sont les suivants :
§ Faire comprendre aux jeunes les grands déséquilibres mondiaux, leur permettre une réflexion sur les moyens d’y remédier et prendre conscience de l’interdépendance des régions du monde.
§ Appréhender la complexité des problématiques environnementales et sociales en partant de l’analyse de la situation colombienne (diversité ethnique, droits de l’homme et droits économiques, sociaux et culturels).
§ Développer l’esprit critique en prenant en compte les enjeux sociaux, économiques et environnementaux, et les différences de points de vue en fonction des acteurs en jeu.
§ S’ouvrir à l’interculturel grâce à l’apprentissage de l’Espagnol Langue étrangère.
Ce projet de solidarité internationale et développement durable avec la Colombie a concerné trois établissements scolaires en 2004-5 pour une année d’expérimentation. Cette année scolaire, en 2005-6, ce sont dix établissements scolaires, collèges et lycées qui participent au projet, échangent chacun avec un établissement scolaire partenaire en Colombie. Ils travaillent également en réseau au niveau local, échangeant expériences et informations. Par exemple, afin d’échanger sur les pratiques agricoles, le lycée du Diois (Die) va rencontrer le lycée agricole de la Motte Servolex, en Savoie. Les élèves de Die travaillent en effet sur l’agriculture et plus précisément cherchent à répondre à la question suivante : « comment le rapport à la terre des indiens Kogis en Colombie peut-il nous permettre de penser l’agriculture chez nous ? » .
Les thèmes abordés sont variés et concernent la comparaison des modes de vie et des systèmes éducatifs de nos deux pays, la consommation, le commerce équitable, la comparaison d’un diagnostic territorial dans les Alpes et de celui de la région de Pereira en Colombie, l’agriculture …
Un moment fort du projet éducatif : la rencontre lors de la "journée de restitution"
A la fin de l’année scolaire, une journée de rencontre est organisée.
Le 30 mai 2005, les élèves et les équipes pédagogiques des trois lycées ayant participé au projet se sont retrouvés au Lycée du Grésivaudan afin de faire part de leurs recherches. Chaque classe a fait preuve d’inventivité, en restituant son travail sous différentes formes : "conférence internationale" sur le développement durable, chansons, exposés power point etc. Les exposés oraux, mettant les lycéens en position d’acteurs faisant part de leur savoir, ont suscité échanges et débats entre élèves, notamment sur les prix des produits issus du commerce équitable. Les élèves ont fait preuve d’un esprit critique constructif les uns envers les autres, dans le respect et l’écoute.
La rencontre s’est terminée par un témoignage émouvant, celui des lycéens de Die qui accompagnaient les indiens Kogis et avaient appris récemment l’assassinat par les paramilitaires de Gentil Cruz (correspondant de l’association Tchendukua) avec qui ils avaient partagé des moments forts au sein de leur lycée, et dont ils étaient sans nouvelle depuis sa disparition.
Le projet pédagogique a été rattrapé par la réalité, persuadant jeunes et moins jeunes que le travail pour la paix et la justice en Colombie est un travail de longue haleine …
La pédagogie de projet permet de travailler en transdisciplinarité, à la recherche de d’informations pour répondre à des questions posées. Loin du manichéisme, l’étude de la Colombie est une éducation à la complexité. Il ne s’agit pas de départager les bons et les méchants, mais de comprendre les enjeux, les intérêts contradictoires en éveillant la curiosité des jeunes.
Laissons la parole aux élèves du Lycée du Grésivaudan, par ces témoignages :
« Nous avons tout appris de la culture colombienne, tout ce que nous savons aujourd’hui, car auparavant nous étions comme deux planètes : différents et inconnus. Cependant, grâce à notre rencontre avec eux, nous avons appris que nous sommes les mêmes, humains, filles et garçons. Cela nous a permis d’ouvrir nos pensées à ce monde si grand, si intéressant. »
« J’ai pris conscience de l’impact qu’un conflit peut avoir sur tout un pays, j’ai découvert la réalité des déplacements, la réalité des gens qui meurent pour rien. »
« J’ai découvert que notre planète a beaucoup de richesses culturelles et naturelles et que nous, les Français, nous sommes une petite partie de cette richesse. »
Meylan, mai 2005