Xavier Guigue, Bruxelles, marzo 2005
Rwanda, 1994, un homme ordinaire face au mal
Ce que les pays occidentaux n’ont pas entrepris face aux extrémistes hutus, un rwandais l’a fait en sauvant plus de mille personnes au péril de sa vie.
Keywords: Resistencia a una tiranía | Resistir civilmente y pacíficamente a la guerra | Ruanda
Ref.: www.outnow.ch/specials/2005/ HotelRwanda/interview-Rusesabagina.E/, Film « Hotel Rwanda »
Paul Rusesabagina était le gérant de l’hôtel des milles collines, un hôtel de luxe qui appartenait à la compagnie Sabena. Il connaissait bien son métier pour l’avoir exercé au Kenya et en Suisse. Il connaissait bien aussi les mauvaises habitudes de son pays et savait remercier avec les cadeaux qu’il fallait les services qu’on lui rendait. Hutu sur ses papiers d’identité de l’époque, il est marié à une Tutsi et le père de 3 enfants. Tout va basculer quand le 6 avril 1994 l’avion du président rwandais J. Habyarimana est pris pour cible. Les extrémistes Hutus vont accuser les Tutsis dans des appels à la haine relayés par la radio très écoutée des milles collines. Les premiers massacrés furent les élites tutsis et les démocrates hutus… Du coté des responsables occidentaux, on ferma les yeux pour éviter d’appeler génocide ce qui l’était. Les Pays qui le pouvaient n’envoyèrent pas de forces suffisantes, les casques bleues des Nations unies n’avaient pas pour mission de protéger les populations civiles et l’attitude bureaucratique de certains apparatchiks UN ridiculisa la déjà très faible efficacité du dispositif international.
Pendant le génocide, l’hôtel des milles collines va accueillir plus de mille personnes fuyant les massacres et son gérant va utiliser ses relations pour les protéger. Le 23 avril, un lieutenant rwandais avec sa troupe investit l’hôtel. Il ordonna de vider les lieux dans la demi-heure qui suivait. Paul Rusesabagina et d’autres personnes réfugiées cherchèrent à joindre des personnalités à travers le monde pour les avertir de la gravité de la situation. La direction de Sabena réussit à convaincre un très haut responsable au ministère français ( ! ) des affaires étrangères… et sur ordre d’un supérieur de la police nationale rwandaise, le lieutenant dut lever le siège.
Paul Rusesabagina a donné le maximum pour sauver ces hôtes, à coup de discours habiles, d’attitudes persuasives ou de bouteilles d’alcool tant qu’il en restait, pour empêcher que les bandes excitées par le Hutu Power ne viennent se servir et exterminer ce qu’ils considéraient comme des cancrelats. Pendant les nuits, il utilisait les lignes téléphoniques qui n’avaient pas été coupées pour prévenir le monde extérieur du carnage qui se déroulait sous ses yeux et sous nos yeux. La mort pouvait survenir à tout moment et elle pouvait être donnée par un proche, un ami, un voisin. Il a agi de la sorte, persuadé qu’il allait mourir et qu’il voulait accomplir ce qu’il estimait juste avant de mourir.
Aujourd’hui, réfugié politique en Belgique depuis 1996, il est retourné au Rwanda en 2003 et a été très ému par l’accueil des « survivants » venus pour lui à l’aéroport. Mais il estime que la paix n’est pas durable, il n’y a pas de réelle réconciliation qui demande des négociations entre les différentes parties et non pas l’affirmation d’un seul point de vue
Cette période de sa vie a fait l’objet d’un film, « Hotel Rwanda » de Terry George, qui met en valeur cette capacité de résister dans des situations où la haine et l’horreur sont partout. Il espère que ce film va aider les rwandais à aller de l’avant et influencera la communauté internationale à respecter ses obligations et à agir avec responsabilité. Il pense plus particulièrement au Congo, à la Côte d’Ivoire et au Darfour et aux centaines de milliers d’enfants qui n’ont pas accès à l’école.
Commentario
Avril 1994, au Rwanda, le temps n’était pas au dialogue ou à la négociation mais à la survie. Dans l’urgence, face à l’horreur, celui qui a conscience de ce qui se passe et qui continue de croire aux valeurs d’humanité qui l’animent ne peut qu’offrir le maximum, sa vie pour en sauver d’autres. Sa marge de manœuvre est très étroite et c’est là tout son courage. C’est sans doute un des plus beaux gestes d’un combat pour la paix : sauver ce qui peut l’être –la vie- pour que demain la paix soit possible avec ceux qui auront survécus.