Tristan Routier, Paris, janvier 2009
Les secrets de la guerre économique
Cet ouvrage a été réalisé par Ali Laïdi, journaliste spécialiste de la guerre économique et du terrorisme et Denis Lanvaux, spécialiste de l’intelligence économique. Dans cet essai, ils nous livrent, après plusieurs années d’enquête, les secrets des compétitions qui se trament, dans l’ombre, entre les entreprises et entre les Etats.
Réf. : Ali Laïdi et Denis Lanvaux, « Les secrets de la guerre économique », Ed. Seuil, Paris avril 2004.
Langues : français
Type de document :
En inventant la mondialisation, les multinationales ont modifié les rapports économiques entre elles et entre les Etats. A l’image de l’hyper puissance américaine, elles ont ouvert l’ère de l’hyper compétition. Les alliés, aujourd’hui solidaires contre le terrorisme, sont aussi de terribles adversaires commerciaux. Pourtant, cette guerre d’un nouveau genre est la cause de bien des bouleversements. Dans la conquête des marchés il n’y a plus d’alliés, uniquement des adversaires. Bien que des règles existent, la lutte à tendance à les occulter.
Dès l’introduction, « Les secrets de la guerre économique » entrainent le lecteur dans les « zones grises » de la mondialisation économique, où la loi du marché se construit, aussi, grâce à l’espionnage industriel, les cambriolages, les piratages de données, de manipulation de l’information, ou de techniques d’emprise, etc.
Dans les chapitres 2, 3 et 4, (« La guerre froide est morte, vive la guerre économique ! », « Intelligence économique : le retard français » et « Les armes de la guerre économique »), l’auteur expose le contexte et explique la situation actuelle. Les OPA hostiles, les délocalisations, le pillage technologique, le dumping fiscal/social et les déstabilisations, illustrent les pratiques de la guerre économique employées aujourd’hui. C’est désormais une guerre sans images qui se joue sur tous les théâtres et selon tous les modes : entre entreprises, entre Etats ainsi qu’au sein des organisations internationales.
Ali Laïdi s’appuie sur les travaux les plus récents et les meilleures analyses, notamment ceux de l’Ecole de guerre économique de Christian Harbulot, dans le chapitre dédié à « La machine de guerre économique américaine ». Toutes les armes actuelles de l’info guerre sont évoquées. Il s’agit des techniques offensives de conquêtes de marchés : le benchmarking offensif, la contrefaçon, le débauchage réel ou virtuel de cadres et techniciens adverses, le renseignement par voie judiciaire, le lobbying, etc. Ces pratiques sont apparues à la fin de la guerre froide, lors du transfert du champ d’affrontement international du domaine militaro idéologique vers le domaine économique et culturel. Une partie d’entre elles résultent de techniques d’action psychologique élaborées lors de la seconde guerre mondiale.
Le chapitre 5, consacré à l’intelligence humanitaire, traite un sujet rarement abordé et pourtant hautement stratégique. Il s’agit de l’utilisation de l’humanitaire, et plus spécifiquement des ONG, comme instrument d’influence économique, politique et culturel visant à ouvrir les marchés émergents ou à défaut à s’assurer de nouvelles zones de pouvoir.
En soulignant l’avènement de la « géo-économie » en lieu et place de la bonne vieille géopolitique, A. Laïdi développe une vision linéaire, progressiste de l’histoire. L’étude de la longue durée des cycles historiques démontre l’importance structurelle des permanences, des modes et des courants du moment.
Commentaire
Cet ouvrage constitue en définitive un essai intéressant. Il doit cependant être complété par des études plus poussées et prospectives. Une des grandes forces de ce livre est en outre de montrer combien la guerre économique touche tous les domaines (industrie, sports, défense, humanitaire…) et combien elle est prégnante dans les relations transatlantiques. Autant les USA ont construit une véritable machine de guerre économique, autant la France reste timorée dans ce domaine. Or, l’enjeu n’est pas purement économique : il s’agit d’imposer ou de défendre un modèle social et culturel propre à chaque Nation. A la lecture de ce livre, l’on prend conscience à quel point nous sommes tous concernés par cette bataille.