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Ficha de análisis

, France, abril 2015

Burundi : le peuple récuse le coup d’État permanent

Au Burundi se joue la délicate question de l’alternance politique, socle de la construction d’un État de droit, reposant sur le sacro-saint principe de la respectabilité des règles consensuelles établies.

Keywords: Oponerse a la impunidad | La responsabilidad de las autoridades políticas con respecto a la paz | Memoria y paz | Accords d’Arusha | Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale | | Región de los Grandes Lagos | Burundi | Tanzania | Ruanda | República Democrática del Congo

Le congrès du CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie) tenu le samedi 25 avril à Bujumbura, a annoncé le nom de son candidat à la prochaine élection présidentielle du 26 juin. Sans grande surprise, l’actuel chef de l’État Pierre Nkurunziza a été désigné à une écrasante majorité des congressistes, franchissant ainsi l’ultime seuil du démaillage de la Constitution burundaise, qui limite l’éligibilité à la fonction de président de la république à deux mandats successifs de cinq ans chacun. La constitution s’appuie en cela sur l’Accord d’Arusha en Tanzanie (28 août 2000), passé entre les principaux acteurs de la vie politique et de la société civile burundaises. Parvenant au terme de son deuxième mandat à la tête de l’État, Pierre Nkurunziza en donne une lecture spécifique, malgré les nombreuses réserves formulées tant à l’intérieur des frontières nationales, que parmi les partenaires extérieurs du pays aux deux mille six cent trente-neuf collines.

Dans un environnement sous-régional empreint d’une grande fébrilité élective (il est prévu des élections générales en RDC en 2016 ; des scrutins présidentiels en 2016 en Ouganda, et en 2017 au Rwanda), et historiquement marqué d’une violence cyclique, le cas de figure de ce pays est doublement figuratif de la complexité des évolutions en cours. Au Burundi même et dans certains pays frontaliers, se joue la délicate question de l’alternance politique, socle de la construction d’un État de droit, reposant sur le sacro-saint principe de la respectabilité des règles consensuelles établies.

L’enjeu de fond : le respect de la lettre et de l’esprit de la constitution

Le nœud de toutes les tribulations actuelles au Burundi, semble tenir à la compréhension des dispositions constitutionnelles relatives à l’élection présidentielle. Les deux textes qui sont le fondement des argumentaires des parties, sont l’Accord d’Arusha, et la Constitution du Burundi. Ces deux textes fondamentaux n’offrent guère de possibilité au chef de l’État sortant, de se représenter à la prochaine élection présidentielle.

La limitation (à deux) du nombre de mandats présidentiels y est clairement indiquée. Sans aucune ambigüité. Le chef de l’État doit être élu au suffrage universel direct, la notable exception du premier mandat du premier président de la période transitoire étant toutefois mentionnée : l’élection au suffrage indirect. Pierre Nkurunziza se trouve être le premier président de la période post-transitoire et a été, à ce titre, élu en 2005, dans les conditions prévues par la loi.

Sur les flancs des collines du Burundi, peu de citoyens sont préparés à l’acception des pseudo arguties de droit évoquées par les partisans du troisième mandat présidentiel. Ceux-ci évoquent la caducité de l’Accord d’Arusha, se projetant de se fier à l’arbitrage du Conseil constitutionnel, qui devra déterminer la légalité de la candidature du chef de l’État.

Sur un ton bien peu diplomatique, le ministre des affaires étrangères du gouvernement actuel ne se privera d’ailleurs pas d’affirmer: « L’Accord d’Arusha pour nous, c’est un accord historique il est vrai (…), mais qui pour nous, ne doit pas être considéré comme la Bible ».

Détricoter ainsi tout l’assemblage de textes résultant de l’épaisseur du jeu transactionnel des vingt dernières années, constitue une extraordinaire prise de risque, et une remise en cause brutale de tout le processus de construction de la paix sociale et politique.

Le Burundi a connu d’importants massacres ces cinquante dernières années, et il ne se trouve pas de famille burundaise qui n’ait été touchée par cette vague de violences répétées. Les crimes de masse de 1993 en particulier, sont des marqueurs immédiats du contexte actuel. C’est pendant la guerre civile, qui fait alors suite à l’assassinat du président Melchior Ndadaye le 21 octobre 1993, que la Tanzanie, pays voisin, abritera les négociations qui déboucheront sur la conclusion de cet Accord.

Les dispositions dudit Accord, les protocoles y afférents, ainsi que la Constitution qui s’y adosse, sont les textes de référence, les points de départ de la renaissance du Burundi. Si leur mise en œuvre a rencontré et rencontre toujours des difficultés, toutes prévisibles au demeurant, dans ce pays où règne une exceptionnelle impunité, des avancées sont observables. On peut citer notamment les travaux de la « Commission Nationale Terres et autres Biens » (CNTB) ; et fonder des attentes légitimes, sur ceux de la « Commission Vérité et Réconciliation » (CVR) qui a été mise sur pied récemment.

En choisissant de renouer avec les vieux démons de la division et de la violence, le CNDD-FDD brave ses propres engagements, et ceux de toute la communauté nationale burundaise. Il manifeste une ignorance crasse de l’histoire du Burundi, et de sa propre histoire. Ceux de ses dirigeants qui l’ont conduit dans cette voie, devront en assumer les pleines conséquences. Cet acte suscite au Burundi même une levée de boucliers ; l’acceptation de la candidature du président sortant pouvant déboucher sur des désordres imprévisibles, dans les jours et semaines qui viennent.

Mobilisation du pays réel : le glas de l’imposture !

Les organisations représentatives de la société civile ont prévenu qu’elles s’opposeraient à toute tentative de coup d’État constitutionnel. En première ligne, la Conférence épiscopale catholique s’est érigée contre le projet du camp présidentiel de faire réélire Pierre Nkurunziza chef de l’État.

L’archevêque de Bujumbura, Évariste Ngoyagoye, vice-président de la Conférence, s’exprime sans aucune réserve à ce sujet au début du mois de mars, avant le lancement d’une neuvaine de prières consacrées au délitement en cours, des liens sociaux et politiques : « Un des principes importants que nous avons convenus entre nous les Burundais, sans aucune ambiguïté, c’est que toute personne élue pour diriger le Burundi ne peut aller au-delà de deux mandats de cinq ans chacun. »

Le pouvoir politique n’a pas tardé à réagir, accroissant sa pression sur toutes les personnalités susceptibles de s’opposer au projet du troisième mandat présidentiel. L’éviction le 18 avril, du président de la « Commission Nationale Terres et autres Biens », Mgr Sérapion Bambonanire en est un des symboles.

L’installation tardive de la « Commission Vérité et Réconciliation » participe également de cette exigence de relecture de l’histoire de ce pays, dans lequel meurtriers et victimes cohabitent, dans une convenance de façade, matrice de crises à venir. Car, comme l’explique le président de la CVR Mgr Jean-Louis Nahimana: « On ne peut pas tourner une page sans la lire. » Et c’est précisément dans le refus de lire la page de l’histoire du Burundi que les partisans du troisième mandat s’inscrivent.

Ils rejoignent en cela, l’irresponsabilité et l’abandon d’une partie de la classe politique, dont l’émiettement continu a fait le lit d’une imposture de plus dans ce pays meurtri. Il s’agit de situer les responsabilités des uns et des autres, dans une dynamique qui a ses contraintes, toutes particulières, considération faite des contingences situationnelles au Burundi. Il s’agit de rendre justice, dans le sens de la réparation. Il s’agit de commencer, enfin, le long deuil de nombreuses victimes, dont l’infatuation des bourreaux n’a d’équivalent que leur incompréhension et leur impuissance.

C’est ce Burundi là, qui rejette majoritairement le coup d’État d’une faction du CNDD-FDD. Cette prise de position, se meut, par-delà les assignations des appartenances communautaires, auxquelles une certaine actualité nous a habitués : Hutus, Tutsis et Twa construisent la Citoyenneté du Murundi.

Le coup d’État en cours au Burundi, n’est pas seulement constitutionnel. Il repose également sur la mobilisation des milices équipées d’armes de guerre (les fameux Imbonerakure, les jeunes militants du CNDD-FDD). Il révèle la carence de vision politique stratégique du chef de l’État et d’une partie de son entourage, et confirme bien l’incapacité du président Nkurunziza à investir résolument la stature d’homme d’État.

Ces faits graves, aux incalculables conséquences, appellent la prise d’un certain nombre de dispositions. Elle crée une responsabilité tant au Burundi même, que dans la sous-région et à une échelle plus vaste : elle concerne tout le monde.

L’exigence de responsabilité collective

Les dynamiques internes de ce qui est une crise en gestation, mettent en présence un certain éclatement des mouvements d’opposition au troisième mandat présidentiel. La disproportion de moyens dont semble disposer la faction du pouvoir qui a fait ce choix suicidaire, pèse également sur la mobilisation des acteurs, qui sont loin de se méprendre sur les conséquences (en terme de violences physiques) immédiates qu’ils encourent.

Le rassemblement de toutes les forces - ou du moins celles les plus représentatives - est nécessaire, pour faire barrage au viol de la Constitution orchestré dans les conditions qui viennent d’être explicitées. Sur le plan du droit, la saisine du Conseil constitutionnel devrait être la prochaine étape de la bataille, cette institution étant l’ultime garant du respect de la Constitution. Bien que l’on ne se fasse cependant pas d’illusions, sur le sens de la décision qui pourrait être rendue par cette juridiction, en raison notamment de sa dépendance au pouvoir politique, les différentes initiatives de protestation (pacifique) initiées par certains partis d’opposition trouvent également leur signification et leur sens, dans le rejet d’une décision du pouvoir, contraires à la constitution.

Les deux premières victimes en sont d’ailleurs connues, dans le décompte macabre de ce dimanche à Bujumbura.

Les implications de la crise burundaise dans les pays de la sous-région sont à prévoir. Les interactions entre le Burundi, la Tanzanie, le Rwanda et la RDC sont ordinairement génératrices d’effets destructeurs, en matière de conflits armés notamment.

Aussi, chacun des pays suit-il de très près l’évolution de la situation à Bujumbura (dans un contexte assez instable, il faut le rappeler, pour la RDC notamment). Le Rwanda et le Burundi reposent, eux, sur un substrat socioculturel assez comparable. Les conséquences des crises que chacun des pays a connues ont invariablement produit des effets chez l’autre.

La nécessité de prévisibilité des événements, et l’urgence d’anticipation devraient conduire les responsables politiques sous-régionaux à se positionner, beaucoup plus qu’ils ne l’ont fait jusqu’alors. Le Burundi appartient à la CEEAC (Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale), ainsi qu’à la Communauté des États d’Afrique l’Est (EAC) dont une position claire sur la question semble ne pas encore avoir été formulée. L’UA (Union Africaine) s’est officiellement opposée à toute forme de remise en cause de la constitution, par la voix de la présidente de sa Commission.

Mais, par-delà les déclarations de circonstance, quelles peuvent être les réelles capacités de ces États ou groupes d’États, à peser considérablement sur le dénouement d’une crise burundaise dont ils auront à faire face, de toutes les manières? Les Burundais attendent des États voisins, et des partenaires extérieurs, une analyse perspicace des enjeux de déstabilisation auxquels leur pays est en proie. Ils espèrent d’eux qu’ils fassent preuve d’un engagement conséquent, pour circonvenir les causes d’une conflagration imminente.

Les propres vulnérabilités et les fragilités de ces États n’échappent pas à l’analyse. Les capacités même de projection de leurs dirigeants s’en trouvent amoindries, du fait d’un certain nombre de raisons qui président au sort tragique de ce petit pays (en superficie) des Grands Lacs. Nous avons évoqué à ce propos, la fébrilité électorale sous-régionale qui pose la question de la candidature des chefs d’État, arrivés au terme de leur deuxième et dernier mandat (RDC et Rwanda).

Les engagements concrets de la communauté internationale au sens large, ne seront, eux, tributaires que des initiatives des États et des regroupements d’États de la sous-région. C’est là, une des nouvelles exigences des relations internationales post guerre froide, qui s’imposent progressivement. Il n’est point de doute que les principaux instigateurs du pronunciamiento de Bujumbura en aient parfaitement conscience. Dans une des dernières vidéos d’un meeting des Imbonerakure présidé par un ancien responsable du Service National de Renseignement, devenu Conseiller spécial du chef de l’État, celui-ci rappelle en Kirundi aux jeunes « engagés » qui l’écoutent, qu’il n’est pas envisageable que les Bazungu (occidentaux) viennent se battre sur les collines… Et qu’il leur reste le loisir de discourir : « le chien aboie, la caravane passe ».

Le samedi 25 avril 2015 est un samedi noir, dans l’histoire du Burundi. Le président Pierre Nkurunziza ("Bonne nouvelle" en Kirundi) aurait été mieux inspiré, de délivrer à ses compatriotes, la véritable « bonne nouvelle » attendue par tous: le respect scrupuleux de la Constitution du pays des Barundi.

Notas

  • Article paru dans Le Jour, No 1920 du 27 avril 2015, P. 6.