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"Inter-community conflicts at the local level (ICLL)"

A partir d’une étude de cas réalisée au Cameroun dans la ville de Kousseri située dans la zone sud du bassin du Lac Tchad, il est apparu des éléments symptomatiques des problématiques inhérentes aux conflits inter-communautaires :

1. L’approche psycho-sociologique a permis de mettre en évidence trois catégories de variables explicatives de l’émergence des frustrations et du risque élevé du passage de la frustration à la violence qui valident nos hypothèses :

  • La mémoire instaure une « violence symbolique » ressentie au présent du fait de traumatismes collectivement vécus dans le passé et transmis d’une génération à l’autre. A titre d’illustration, la terreur perpétrée par le régime autoritaire du Cameroun en 1979, à l’encontre d’un village de la communauté arabe avait débouché sur la destruction dudit village. Cet événement a laissé d’importantes séquelles traumatiques dans la mémoire de cette communauté et explique en partie la hargne vindicative de ses membres lors des violences de 1992.
  • La culture valorise des modèles de comportements agressifs. La possession d’armes légères et de petits calibres (ALPC) par les familles est par exemple chose très courante et jugée légitime. Plus particulièrement au sein de la communauté arabe. Les performances agressives sont parfois récompensées et jugées héroïques (Albert BANDURA 1973).
  • La politique : La violence est envisagée et utilisée comme mode d’affirmation de soi, un moyen de faire front, de s’opposer, de contester du fait d’un sentiment de discrimination subie en lien avec le dysfonctionnement du système politique selon le modèle d’analyse proposé par E. Zimmermann (1983). Les violences de 1992 pourraient par exemple être analysées comme une modalité d’affirmation mais au-delà, d’exhibition de la puissance de la communauté arabe aspirant à se hisser à la puissance politique après avoir été longtemps impuissante à accéder aux procédures institutionnelles de représentation politique.

2. Les conflits précédents laissent le corps social meurtri et déchiré. Les deux communautés en cause, en l’occurrence Kotoko et Arabes Choa, sont séparées au pire par la haine et au mieux par la suspicion alors qu’elles sont appelées à vivre ensemble dans un même espace. Pour reprendre à notre compte une image de Simmel, on y semble sur un pont reliant la rive du conflit et la rive de la paix.

3. Cette proximité imposée dans un contexte où la réconciliation est loin d’être solidement assise, génère une très forte susceptibilité dans les conflits sociaux pouvant opposer isolément des individus appartenant aux deux communautés.

4. De sorte que de l’avis général des personnes rencontrées au cours de notre enquête, la moindre altercation, ou rixe entre deux personnes, pour peu qu’elles appartiennent respectivement aux deux communautés peut, dans certains contextes, être récupérée, amplifiée et propagée dans les artères des quartiers, comme un feu de brousse par la rumeur, ameutant des combattants improvisés, de sorte que très rapidement on peut passer à une émeute avec des suites imprévisibles où la dimension physique de l’affrontement catalyse de fortes solidarités où l’ennemi est tout désigné.

5. Ce, selon un schéma d’ailleurs généralement établi où il apparaît que l’une des caractéristiques majeures du passage collectif à la violence directe, c’est d’être toujours “simplificatrice”, d’exacerber la coupure entre amis et adversaires, entre l’in-group et l’out-group par rapport auquel le groupe protestataire compare sa situation et définit sa frustration. Avec en corollaire la sommation redoutable à devoir “choisir son camp”.

6. On rentre facilement dans une logique de justice expéditive, de lynchage, de pogrom, où selon René Girard (1972) ”La désignation du bouc émissaire obéit à une logique spécifique : non pas une victime coupable mais une victime sacrifiable. Les victimes ne sont pas choisies en raison des “crimes” qu’on leur attribue mais des “signes victimaires” qui les caractérisent. Elles sont à la fois “différentes” de l’in-group, mais présentes et visibles à ses yeux ; elles appartiennent par exemple à une minorité différenciée ». “Lorsque un groupe humain, ajoute Girard, a pris l’habitude de choisir ses victimes dans une certaine catégorie sociale, ethnique, religieuse, il tend à lui attribuer les infirmités ou les difformités qui renforceraient la polarisation victimaire si elles étaient réelles”.

7. Par conséquent, les conflits intercommunautaires ont trois particularités fondamentales distinctives du point de vue de leur configuration polémologique :

  • La plausibilité du passage à la violence est très incertaine. Leur soudaineté et leurs dérapages peu prévisibles les rendent difficiles à anticiper et obligent à une vigilance de tous les instants et un travail profond en amont pour l’instauration d’une sécurité pérenne.
  • Ce sont des confrontations de nature populaire, sans front, sans objet politique clairement défini et forces combattantes se distinguant nettement des forces non combattantes. Elles peuvent certes résulter de la fragilité locale de l’Etat. Fragilité pouvant remettre en cause sa neutralité. Sans que pour autant la capacité de l’Etat (centrale) à restaurer progressivement l’ordre public soit compromise. A la différence d’une guerre civile où l’Etat central est directement mis en cause en tant que cible, cause ou enjeu du conflit.
  • La forme de violence dont ces conflits procèdent relèvent moins de l’ordre de la violence politique organisée à visée instrumentale telle que analysée par Anthony Obershall que de la violence colérique (Philippe BRAUD) qui est décharge collective d’agressivité procédant d’une accumulation de frustrations relatives (Ted Gurr, Why men rebel, 1970).