Jamila El Khiate, Paris, mayo 2003
ONG musulmanes
Parmi les cinq pilliers de l’Islam (La prière, le jeûne, la profession de foi, le pèlerinage à la Mecque et la « Zakat » , l’aumône qui est l’un des plus important. Il est fait solidarité avec tous les musulmans du monde « umma » mais pas seulement les musulmans, avec tous les croyants au sens large. La solidarité islamique " Al ta’awun el islami » est un engagement que prend chaque croyant. Et le Secours Islamique est la traduction de cet engagement, par une structure organisée.
Les ONG occidentales, elles au contraire sont plus ancrées dans une tradition de la conception universelle des droits de l’homme (héritée des organisations caritatives, des missionaires chrétiens et issues du mouvement de la croix rouge). Et quand elles agissent en dehors de leur pays, surtout en tant qu’urgentistes, elles le font selon leurs règles de comportements qui découlent de leur perception occidentale de l’homme, la femme, l’enfant et notament en ce qui concerne le rapport au corps. La vision fonctionaliste du « corps machine », étant largement la représentativité dominante.
Les ONG de secours arabes se sont développées en réaction à l’hégémonie occidentale dans le domaine de l’action humanitaire (universalité humanitaire contestée par sa particularité occidentale). Elles s’inscrivent donc dans un mouvement de contestation-réappropriation de l’action humanitaire. Dans les années 40 les mouvements islamistes commencèrent à s’implanter durablement dans le tissu social. Ainsi les Frères Musulmans créèrent dés 1940 un important réseau de dispensaires réparti dans toute l’Egypte. A partir des années 1970-80, ces mouvements profitèrent du formidable élan amorcé par « le phénomène ONG » pour vivre une seconde jeunesse. Un traumatisme, l’humiliante défaite de la guerre des 6 jours en 1967 et quatre évènements allaient amplifier le militantisme social dans l’espace public et assurer la position des ONG islamiques : L’invasion soviétique de l’Afghanistan (1979), puis son retrait (1989), la révolution Iranienne (1979) et l’invasion Israélienne au Liban (1982).
La création d’organisations internationales correspondent à cette même période :
1979 International Islamic Relief Organisation ( établi en Arabie Saoudite) voit le jour ainsi que l’Islamic African Relief Agency 1981 (établi au Soudan pendant les évènements) et l’Islamic Relief 1984 (établi en Grande-Bretagne) .
Elles ne veulent cependant pas être une imitation. Elles inscrivent alors leurs actions dans une tradition islamique de l’engagement. Il ne peut être nommé carritatif comme au sens judéo-chrétien, car il n’est pas necessairement motivé ou justifié par un sentiment de charité mais par une volonté, une nécessité d’aider son « frère » musulman où qu’il soit.
Force donc est de constater l’émergence de ces ONG qui nous amène à nous interroger sur leur mode de fonctionnement, leur rôle et surtout leur démarche.
Nous tenterons dans le cadre de notre étude d’expliquer le mécanisme de représentation, de communication et de marketing de telles ONG. Comment communiquent-elles ? Et quel support médiatique utilisent-elles ?
) les notions clés de l’Islam : sémantique et instrumentalisation
A) les cinq piliers de l’Islam
En tant que guide et commandement, les cinq piliers de l’Islam sont le fondement de la pratique au quotidien de tout croyant.
La chahada : la profession de foi repose sur la croyance en un dieu unique et son prophète Mahomet.
Les cinq prières par jour en direction de la Mecque, rythme la vie du musulman.
Le Ramadan qui correspond au mois du jeûne.
Le pèlerinage à la Mecque
L’aumône subdivisée en deux catégories : la Zakat (obligatoire)
la Sadaqa ( complémentaire)
le musulman se positionne par rapport à l’ensemble de la communauté des croyants appelé « Umma » ( au sens large tous les musulmans ) ce concept permettant de transcender toutes les différences sociales, ethniques et culturelles et de concrétiser la solidarité et l’entraide.
1) La Zakat
L’Islam reste l’unique religion révélée à avoir institutionnalisé et strictement codifié les principes de bienfaisances, en faisant de l’aumône, non seulement un devoir (Sadaqa) mais une obligation légale (Zakat) . Les ONG islamiques ont de par leur mode de communication contribué à faire de la Zakat, le pilier centrale de l’organisation sociale et la plupart d’entre elles insistent pour rappeler cette obligation aux musulmans.
« Il faut être conscient de nos devoirs et du caractère obligatoire de la Zakat pour ceux qui en ont les moyens et selon les critères définis par le Coran » lit-on dans un mailing de l’ONG « Al dawa al islamiya commitee » ( Koweit 1995) .
« Votre Zakat augmente votre fortune et aide les pauvres » titre également une brochure de collecte de fonds distribués par une ONG des Emirats.
Même si le Coran détermine les destinataires de la Zakat :
Pauvres et indigents incapables de subvenir à leur besoin
Les administrateurs qui ont la responsabilité des affaires de la Zakat (Ex : les comptables)
Les personnes susceptibles de se convertir à l’Islam
Les esclaves émancipés
Les personnes insolvables
Ceux qui luttent sur la voie de Dieu
Les voyageurs ( y sont inclus les déportés et les réfugiés)
Les ONG ont su adapter les destinataires de la Zakat eu égard aux événements qui ont touchés les musulmans de part le monde (le conflit israélo-palestiniens, le cas tchétchéne ) , le but étant d’imprégner le musulman de ce sentiment de solidarité et de fraternité propre à l’Umma Les ONG vont dés lors attirer l’attention des donateurs sur deux catégories de destinataires en particuliers les Réfugies et les Orphelins.(ce que nous développerons plus bas)
2) La Sadaqa
A la Zakat vient s’ajouter une autre forme de don, non quantifié dans la loi islamique : la Sadaqa , elle s’applique au même destinataires , ainsi qu’à tout particuliers ou organisme qui fonde des établissement « d’utilité publique » notamment des mosquées . Les ONG dans cette optique n’hésite pas à citer dans leurs appels de fonds certaines paroles du prophète (tirer des Hadits)
On peut ainsi retrouver citer dans certains mailing les propos suivants « :
« A sa mort tout s’arrête pour l’homme sur terre sauf trois choses : sa descendance qui l’honore, son apport à la science et à la connaissance, sa Sadaqa courante . »
Cette Sadaqa courante est utilisé par les ONG pour financer leur programme de construction d’orphelinats et de parrainage d’orphelin. Ce même Hadith explique comment peut se concrétiser cette Sadaqa courante :
« un Coran qu’il lègue, une mosquée qu’il bâtit ,une maison qu’il construit pour le fils du chemin, une rivière qu’il fait couler »
Cette citation a notamment été reprise dans un prospectus de l’ONG Dar el BER de Dubai appelant à des dons dans un projet d’édition du Coran.
B) Instrumentalisation de la vie du prophète : le réfugié et l’orphelin
Les ONG musulmanes communiquent principalement par mailings et participent de l’instrumentalisation des événements marquants de la vie du prophète Mahomet pour attirer l’attention des donateurs . Ainsi le thème du musulman réfugiés est souvent traité dans les brochures de collecte de fonds des ONG qui mentionnent le prophète Mahomet premier des réfugiées en référence à la fuite du prophète de la Mecque à Médine en 622 ou il établira la première communauté musulmane, cette période correspondant au début de ce que l’on appellera l’Hégire.
L’autre événement de la vie du prophète utiliser par les ONG pour inciter aux dons est sa situation d’orphelin. En effet Mahomet naît à la Mecque entre 567 et 573, son père mort avant sa naissance il perdra sa mère alors qu’il n’a pas six ans , il sera recueilli par son grand-père octogénaire qui décédera peu après , il sera au final élevé par un de ses oncles.
L’aide aux orphelins occupe un place considérable dans les supports de communication des organisations pouvant parfois dépasser 50% du budget des ONG, les ONG dans leur communication se réfère au Coran qui contient plus de vingt passages sur les orphelins , mais la référence la plus utilisée est extraite d’un Hadith du prophète :
« Il joignit son index et son majeur et dit le tuteur de l’orphelin et moi serons ainsi joints au paradis » certaines ONG telle que DAR el BER (Dubai) n’hésitent pas à compléter ce Hadith « Veux-tu devenir l’ami de Mahomet au paradis ? alors parraine un orphelin et donne »
certaines ONG publient et diffusent des livres sur le devoir et la responsabilité humanitaire islamique primordiale d’assistance à l’orphelin.
Les ONG usent de ces représentations quant à la condition de réfugiées et d’orphelin du prophète pour inciter les musulmans à être généreux et compatissant au sort de milliers d’autres musulmans .
C) Le don en tant que récompense dans l’au-delà
Le don peut être considéré comme un investissement garantissant une récompense dans l’au-delà et les ONG ne manquent pas de jouer sur cette corde sensible dans leur appel de fond , aussi font elles abondamment usage du verset coranique suivant :
« la semblance de ceux qui font dépense de leurs biens sur le chemin de Dieu est celle d’un grain dont poussent sept épis chacun portant sept grains : Dieu opère cette multiplication pour qui il sait ; il est immense et connaissant »
L’épi est associé dans l’Islam au travail de la terre exemplaire du prophète Joseph, parfois vert couleur de l’Islam le plus souvent doré l’épi figure sur le sigle d’un très grand nombre d’ONG ou il est accompagné de ce verset coranique. Ainsi en est-il du sigle de la fondation Mohammed Khaled au Liban . La plus grande ONG dans le monde International Islamic Relief Organisation (Arabie Saoudite ) a elle aussi adopté le sigle de l’épi enveloppé par un croissant également fort de signification dans l’Islam (et que l’on retrouve sur le drapeau d’un certain nombres de pays musulmans)
Dans pratiquement toutes les collectes de fonds des ONG, au moins un verset du Coran sur la place de la sauvegarde de la vie humaine est mis en évidence ce afin de faire miroiter au donateur une récompense dans l’au-delà .Dans l’humanitaire islamique , il n’y a pas de récompense terrestres ni pour les donateurs ni pour les volontaires musulmans , en effet les récompenses sont d’un autre monde elle ne font pas partie de notre monde terrestre. Les dons permettraient ainsi au musulmans de s’assurer une place tant convoité dans ce paradis dont le Coran ne cesse de vanter les merveilles promettant à chaque bon musulman un âpre de paix, de jouissance et de bonheur absolu. Les ONG n’hésitent pas à rappeler que tout bon musulman qui souhaite un jour ce voir ouvrir les portes de cette au-delà bienveillant se doit sur terre d’accomplir des actes de générosité, qui lui permettront par la suite de bénéficier de le reconnaissance de Dieu.