Nicolas Krameyer, Paris, October 2006
L’accompagnement protecteur international au Guatemala
L’accompagnement protecteur consiste en une présence internationale auprès de personnes, groupes de personnes ou organisations civiles travaillant en faveur des droits de l’Homme et de la constitution d’un Etat de droit dans leur pays, et étant potentiellement ou effectivement l’objet d’actes d’intimidation (menaces, kidnappings, tentatives d’assassinat, etc.).
Cette présence doit permettre de diminuer le niveau de violences dont ils sont l’objet, de faire reconnaître comme légitime leur travail aux niveaux national et international, et ainsi leur offrir un espace de liberté relative dans l’accomplissement de leurs activités.
L’accompagnement repose sur les principes d’action suivants :
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Il répond toujours à une demande formulée par la personne ou le groupe menacé.
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Il s’inscrit dans le cadre de la légalité du pays, et auprès d’acteurs civils non violents.
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Il répond au principe de neutralité, c’est-à-dire de non participation aux activités menées par les défenseurs des droits de l’homme locaux, afin de se prémunir contre toute ingérence, et de respecter ainsi l’indépendance des actions menées par les défenseurs locaux.
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Il joue le rôle de témoin privilégié de possibles violations, et peut être à ce titre considéré comme « les yeux et les oreilles » de la communauté internationale.
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Il répond au principe d’impartialité : l’accompagnateur est ainsi un acteur non partisan, indépendant et objectif dans son analyse des faits recensés. L’impartialité renvoie au mandat moral de la présence, basé sur la seule défense des droits de l’homme, et la dénonciation en cas de violation, et à un positionnement stratégique : aucun des acteurs en conflit ne peut ainsi taxer de partialité l’accompagnateur international.
Fort de ces principes, l’accompagnement protecteur travaille à :
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Dissuader les violations des droits de l’Homme.
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Analyser en profondeur et de manière objective, c’est-à-dire caractériser le contexte dans lequel les violations interviennent.
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Si la dissuasion n’est pas suffisante, et que des violations se produisent, dénoncer auprès des acteurs compétents, (autorités locales ou internationales, médias, ONG, sociétés civiles de son propre pays) les actes de violence constatés : selon le contexte et le degré de violence relevé, les mesures de dénonciation sont adaptées : rédaction et diffusion d’actions urgentes, rencontre avec les ambassades et les autorités locales concernées.
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Apporter un soutien moral important aux défenseurs des droits de l’homme menacés, qui subissent des pressions fortes, et vivent pour certains dans la peur.
L’accompagnement est assuré au Guatemala depuis 1983, d’abord par les Brigades de Paix internationales (PBI), puis, à partir du retour des réfugiés en 1993, par différents comités de solidarité internationaux réunis au sein de la Coordination de l’Accompagnement International au Guatemala (CAIG).
L’ensemble de ces structures d’accompagnement ont contribué à :
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Protéger la vie de nombreux défenseurs menacés.
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Assurer un retour le moins conflictuel possible aux 200 000 réfugiés guatémaltèques revenant du Mexique.
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Faire reconnaître les Communautés de Population en Résistance (CPR, 50 000 personnes) considérées jusqu’en 1994 par l’armée et le gouvernement guatémaltèque comme des soutiens de la guérilla, comme une population civile non engagée dans le conflit, et devant bénéficier de la protection des autorités du pays.
Depuis sa création en 2000, la CAIG a apporté son soutien à plus de 200 défenseurs des droits de l’homme (personnes et organisations) menacés au Guatemala, en coordonnant le travail de plus de 300 accompagnateurs internationaux, venant de dix pays différents.
Le projet principal depuis cette date concerne l’accompagnement de 22 communautés indigènes mayas, témoins et parties civiles dans le cadre des plaintes déposées contre les hauts responsables des massacres perpétrés au Guatemala entre 1978 et 1982, pour crimes de guerre, de lèse humanité et génocide.