Montargis, 2000
Deux récits de médiation familiale
La médiation familiale construit des ponts entre des personnes dont la relation s’est brisée. A partir de ces ponts, on pourra reconstruire la relation sur des termes différents.
Keywords: Educación a la acción no violenta | Trabajar la comprensión de conflictos | Formación de mediadores | Poner en práctica iniciativas de mediación
« Je ne veux pas avoir deux adresses… »
Des parents divorcés avaient une petite fille de sept ans. La petite passait une semaine chez l’un de ses parents, une semaine chez l’autre. Mais, tous les dimanches soirs, c’était la bagarre parce que la mère ne la ramenait jamais à l’heure chez son père et vice versa. En plus il y avait un problème avec le nouveau compagnon de la mère : le père de l’enfant craignait des comportements déplacés de celui-ci vis-à-vis de sa fille. En médiation, les parents ont pris la responsabilité de se dire les craintes qu’ils avaient par rapport au nouveau compagnon de la mère. La mère disant qu’elle allait être beaucoup plus vigilante. Ils ont accepté tout les deux de dire que leur intérêt commun était de protéger leur fille.
Quelque chose a été proposé par la petite fille -parce que je rencontre souvent les enfants- : « Puisque vous vous bagarrez toujours les dimanches soirs, parce que vous ne me ramenez jamais à l’heure et on gâche tous les dimanches, pourquoi, au lieu de changer de maison le dimanche soir, je ne pourrais pas en changer le lundi soir. Comme ça j’aurai mon dimanche tranquille, vous m’embêterez plus, et vous, vous aurez aussi votre dimanche tranquille ».
Il y avait aussi un problème d’adresse, parce que cette enfant vivait une semaine chez son père puis une semaine chez sa mère. « Moi je ne peux pas avoir deux adresses parce que sur le cahier à l’école il y a de la place pour une adresse et non pour deux », a dit la petite fille. La difficulté était de décider quelle allait être l’adresse sur le cahier. La petite fille a proposé : « Finalement moi je voudrais garder l’adresse où j’ai toujours vécu » - puisque le papa avait gardé la maison où il vivait avec sa femme et sa fille - « même si maintenant je vis avec maman dans une autre maison ». La mère qui était très réticente à cette proposition, au départ, a dit : « Puisque tu me demandes ça, d’accord on va mettre l’adresse du premier domicile. »
Y voir plus Claire…
Il s’agit d’une situation où la médiation a été demandée par le juge aux affaires familiales des Sables d’Olonne. Des grands-parents ne pouvaient plus voir leur petite-fille Claire, âgée de 20 mois. Le père de cette enfant, fils des grands-parents qui avaient fait la demande au juge, était décédé d’un accident de voiture et la jeune maman n’acceptait plus de laisser les grands-parents paternels voir leur petite-fille. Les avocats étaient d’accord pour qu’une médiation, susceptible de résoudre ce différend, soit tentée. Les grands-parents et la maman de Claire ont accepté de venir en médiation en me disant quand même, au départ, qu’ils ne souhaitaient pas se parler. Les grands-parents et la maman habitaient le même petit village.
Dans un premier temps je leur ai dit qu’ils n’auraient pas à se parler. En prenant un papier et un crayon j’ai fait une représentation de leur famille. En partant de Claire qui a eu un papa et une maman, même si son père était mort, je l’ai reliée à son père et à sa mère. Et, ensuite, j’ai relié le père décédé à ses parents et la mère aux siens. De cette façon on montre qu’un enfant a toujours une filiation et que, quelles que soient les situations, celle-ci continue. Ensuite je leur ai demandé de me parler de Claire. J’ai aussi demandé aux grands-parents et à la maman de me donner chacun un défaut et une qualité qu’ils pensaient qu’ils avaient dans leur relation avec Claire.
J’ai demandé à la maman quels avaient été les liens qui avaient existé avec Claire avant la mort du papa, ce qu’elle pensait que les grands-parents de Claire apportaient et ce qu’elle ne supportait pas bien chez eux. J’ai fait la même chose avec les grands-parents en leur demandant qu’elles étaient les qualités de la maman de Claire et, peut-être aussi, s’ils voyaient des choses qui ne se passaient pas bien. Nous avons discuté comme ça puis, au bout d’un moment, ils ne se sont plus adressés à moi et se sont parlés directement, tout simplement parce que, quand ils ont commencé à reconnaître, les uns et les autres, qu’ils avaient des défauts mais aussi des qualités, ils se sont mis à se regarder. À partir de là, j’ai pu demander à la mère quelles étaient ses craintes par rapport au fait qu’elle ne voulait pas laisser son enfant aller vers ses grands-parents. Ses craintes étaient que, dans la mesure où elle vivait avec un autre homme depuis la mort du père de Claire, ses ex-beaux parents lui enlèvent son enfant. C’est une chose qu’elle avait beaucoup de mal à dire parce qu’elle pensait que ses ex-beaux parents la jugeaient du fait qu’elle avait un autre homme dans sa vie. Ces derniers ont pu lui dire que ce n’était pas ça qui changeait quelque chose part rapport à elle, qu’ils comprenaient qu’elle avait droit à une vie personnelle et qu’ils ne voulaient pas lui prendre son enfant.
Cela dit, ils ont commencé à se parler et nous avons pu essayer de voir quelles allaient être les possibilités pour que Claire revoie ses grands-parents. La mère était consciente que c’était important. Nous sommes parvenus à trouver une solution. Au départ les grands-parents allaient pouvoir voir leur petite fille un dimanche après-midi par mois. Ensuite ils ont élargi ce droit de visite à un week-end par mois. La mère de Claire a pu venir avec son nouveau compagnon au domicile de ses ex-beaux-parents. Il faut souligner que ces gens habitaient dans le même village et, au début du conflit, des gens avaient pris parti pour les grands-parents et d’autres pour la maman. Ils ont donc dû expliquer à leurs voisins, aux habitants du village, qu’ils avaient trouvé un lieu qui s’appelait médiation, que leur avait indiqué le juge, où ils avaient pu se parler.
Commentario
Même si la médiation est très complexe, on peut voir que principalement, dans le cadre de la médiation familiale, c’est un excellent moyen de réactiver la communication, le dialogue. Après, ce sont les familles elles-mêmes qui trouvent la solution à leurs problèmes.
Notas
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Récits d’Annie Babu, recueillis par J.-F. Rivière.