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Montargis, 2000

États-Unis : médiation côté cour

Le programme de résolution créative des conflits (RCCP), financé par les écoles publiques de New York et par une organisation indépendante sans but lucratif, Éducateurs à la responsabilité sociale en métropole (ESR Metro) est l’un des plus importants programmes de médiation « par les pairs ». En 1985, au moment de sa mise en place, il y avait une vingtaine d’enseignants concernés sur trois écoles primaires de Brooklyn. Le programme implique maintenant 1500 enseignants et 45000 étudiants, dans 120 écoles de New York.

Keywords: Educación a la acción no violenta | Trabajar la comprensión de conflictos | Formación de mediadores | Poner en práctica iniciativas de mediación

En pleurant à chaudes larmes, Véronica, 7 ans, se relève du goudron de la cour de récréation et se dirige vers son amie Ayesha.

  • « Pourquoi tu m’as fait un croche-pied ? », lui crie-t-elle,

  • « Je ne t’ai pas fait de croche-pied ! »

  • « Si tu m’as fait un croche-pied, et je vais t’en faire un aussi! »

  • « Essaye, tu vas voir ce qui va t’arriver. »

Tout d’un coup, deux enfants de onze ans arrivent. Ils portent des T-shirts jaune clair avec le mot « médiateur » imprimé devant et derrière. « Je m’appelle Tenesha », dit la fille, « Et moi, je m’appelle Chris, nous sommes médiateurs. Voulez-vous que nous vous aidions à régler votre problème ? »

Les filles ont hésité. Tenesha et Chris ont finalement obtenu leur accord et leur ont proposé d’aller dans un endroit plus calme de la cour pour discuter de tout cela.

  • «Tu parleras en premier Veronica, dit Tenesha, mais ne t’inquiète pas Ayesha, après ce sera ton tour. Alors, Veronica, que s’est-il passé ? »

Les fillettes ont finalement réglé leur problème. Ayesha a reconnu qu’elle avait fait un croche-pied à Veronica sans le faire exprès, alors qu’elles jouaient à s’attraper. Elle a dit qu’elle était désolée. Veronica a accepté les excuses et les filles ont repris leur jeu.

Chris et Tenesha sont élèves dans une école publique de Brooklyn, à New York. Dans le cadre de programmes de formation à la médiation scolaire, ils sont devenus médiateurs pour aider à résoudre les disputes qui peuvent se produire entre écoliers. Cette médiation « par les pairs » (menée par les élèves eux-mêmes) est en plein développement aux États-Unis. Ce travail suscite un vif intérêt ces dernières années, sous l’impulsion des éducateurs confrontés à la recrudescence de la violence.

Le programme de résolution créative des conflits (RCCP), financé par les écoles publiques de New York et par une organisation indépendante sans but lucratif, Éducateurs à la responsabilité sociale en métropole (ESR Metro) est l’un des plus importants. En 1985, au moment de sa mise en place, il y avait une vingtaine d’enseignants concernés sur trois écoles primaires de Brooklyn. Le programme implique maintenant 1500 enseignants et 45 000 étudiants, dans 120 écoles de New York. Nous essayons d’inclure la résolution des conflits dans les programmes scolaires. Les enseignants bénéficient de 20 heures de formation de base à la résolution des conflits, ils reçoivent des manuels avec des plans de leçons détaillés, et ont la possibilité de se faire assister par un spécialiste lors de leurs premiers cours. Il y a également des programmes de médiation par les élèves dans 12 des écoles participant au programme. Ces programmes de médiation « par les pairs » sont plus efficaces quand ils font partie d’une démarche globale de l’école, quand la résolution non-violente des conflits devient l’« âme » de l’école. C’est pourquoi nous proposons la médiation par les pairs seulement quand l’enseignement scolaire est bien rodé.

Des médiateurs représentatifs

Comment fonctionnent les programmes de médiation « par les pairs »? À l’école primaire, les écoliers médiateurs interviennent habituellement à la cantine ou dans la cour de récréation. Ils sont en équipe de deux, vêtus de « T-shirts médiateur » et aident leurs camarades à résoudre leurs conflits sur-le-champ. Dans les écoles moyennes et secondaires, il y a une pièce où l’on peut consulter les médiateurs. C’est une procédure volontaire. Les médiateurs ne sont pas des juges mais essaient d’aider ceux qui se disputent à trouver une solution satisfaisante pour les deux parties. Une école peut avoir 20 à 40 médiateurs disponibles à tout moment. Ils prennent leur fonction à tour de rôle selon un planning établi avec des conseillers adultes.

Les médiateurs sont sélectionnés selon une procédure qui combine une désignation par les pairs et une sélection finale par les adultes de l’école. Un grand effort est fait pour s’assurer que le groupe de médiateurs est bien représentatif de la population de l’école. Cela signifie que le groupe de médiateurs comprend aussi ceux que l’on appelle les « leaders négatifs » (ceux qui créent des problèmes) tout comme des étudiants qui se conduisent « bien » et vers lesquels les enseignants se tournent spontanément pour demander de l’aide.

Les médiateurs reçoivent au minimum trois jours de formation. Par des activités comme les jeux de rôles, la discussion en petits groupes, ils apprennent l’écoute active, l’affirmation de soi, la coopération, et ensuite les techniques de médiation. Ils doivent connaître parfaitement les différentes étapes du processus et passent beaucoup de temps à l’expérimenter par des jeux de rôles. Ils apprennent à poser des questions créatives quand ceux qui se disputent semblent coincés. Ils apprennent aussi à amener ceux qui se disputent vers une solution juste et réaliste. Quand les médiateurs sont en fonction, ils sont suivis par des adultes. Au niveau des écoles primaires, dans la cour, un adulte (quelquefois un parent) est désigné pour contrôler leurs activités. Les médiateurs reçoivent comme instructions de ne jamais s’interposer au milieu d’une bagarre physique. Ils peuvent intervenir soit avant que les écoliers en viennent aux mains ou après que la bagarre ait été interrompue par un enseignant. En école moyenne et secondaire, un enseignant est toujours présent quand les médiateurs étudiants interviennent dans une dispute, bien que généralement l’enseignant reste discret et laisse les étudiants faire leur travail.

Quel est l’impact de la médiation « par les pairs » ? Les programmes de médiation par les pairs étant encore peu nombreux, peu d’études systématiques sur leur efficacité ont été faites. Cependant, un rapport publié en mai 1990 par un institut de sondage indépendant souligne l’intérêt de la médiation par les pairs et donne un éclairage intéressant sur les effets de tels programmes. 98 % des enseignants interrogés pensent que le programme de médiation donne aux enfants un outil important pour résoudre les conflits de tous les jours et 84 % des étudiants médiateurs interrogés reconnaissent que le fait d’être médiateurs leur a donné des capacités qu’ils pourront utiliser toute leur vie.

Mais ce qui est ressorti de la façon la plus dramatique dans cette enquête sur la médiation par les pairs ne vient pas des statistiques, mais des histoires entendues ici ou là dans les écoles. Comme un jeune a dit: « C’est une nouvelle façon de se battre ». Et les jeunes, surtout ceux qui ont été élevés dans les banlieues où règne la violence, ont souvent besoin d’être vraiment convaincus avant d’imaginer que cette nouvelle façon de se battre peut les concerner.

Après sept années d’enseignement, j’en arrive à la conclusion que la résolution non-violente des conflits est une technique et une façon d’être que tout enfant devrait apprendre à l’école. Mais il est important de considérer ces programmes pour ce qu’ils sont : des programmes d’éducation dont le but premier n’est pas d’empêcher le crime mais de donner à tous les jeunes des capacités qui leur seront essentielles durant toute leur vie de citoyens dans une démocratie et comme citoyen du monde, un monde qui devient de plus en plus petit et de plus en plus interdépendant.

Ces programmes ne sont pas la panacée pour réduire la violence, que ce soit dans l’école ou à l’extérieur. Les causes de la violence aux États-Unis viennent aussi de la facilité de se procurer des armes, du chômage, des politiques fédérales qui ont réduit les programmes d’aide et étranglé les associations qui fournissaient un peu d’espoir dans les banlieues, des écoles qui sont trop grandes et trop anonymes et de la glorification de la violence dans les films et à la télévision.

Commentario

Même si la médiation n’est pas la solution miracle contre la violence dans le cadre des écoles, elle devient un outil de socialisation et de prévention des conflits. Ce double rôle fait que de cette pratique un apprentissage essentiel pour les enfants afin de leur apprendre une vie en société différente et leur permettre de faire face aux conflits, inévitables d’une manière constructive.

Notas

  • Auteur : Tom Roderick, directeur exécutif de « Éducateurs à la responsabilité sociale en métropole » (ESR Metro), une organisation indépendante d’éducateurs qui finance les programmes de résolution créative des conflits en collaboration avec les écoles publiques de la ville de New York.