Les clubs de dialogue mis en œuvre par l’Institut de Recherche et de Dialogue pour la Paix (IRDP)

En permettant à la société civile de s’exprimer et de faire remonter ses revendications en matière de justice et de paix, ces « clubs de dialogue » ou groupes de discussion jouent un rôle essentiel dans l’appropriation par les populations de la logique du dialogue, préalable indispensable à l’affaiblissement des tensions, liées notamment à la mémoire du génocide de 1994.

Raison d’être et objectifs

Une des recommandations issue de la recherche préliminaire sur la paix que l’IRDP a menée à travers tout le pays et au sein de la diaspora fut d’asseoir et de pérenniser une culture de dialogue et de débat. Il s’est avéré que la recherche de solutions concertées à des problèmes identifiés en commun constitue l’un des moyens permettant d’avancer sur le chemin de la paix. En mettant sur pied les clubs de dialogue, l’IRDP entendait affermir cette dynamique amorcée pendant la première phase de recherche.

La continuité du dialogue présente un double avantage. Il s’agit d’abord d’un moyen permettant de renforcer le partenariat entre l’IRDP et les acteurs locaux dans l’application de sa méthodologie. Ensuite, la structure permanente qu’offre un club de dialogue permet de créer des liens entre ses membres et d’échanger sur des questions cruciales qui intéressent la communauté au niveau local. Les clubs de dialogue servent également de « groupes de recherche » suivant les différents thèmes de recherche.

Le travail des clubs de dialogue permet :

• D’asseoir une culture de dialogue dans la compréhension des défis et la proposition des solutions concertées pour y faire face ;

• de renforcer la culture de dialogue comme une voie de prévention de conflits.

• D’assurer la continuité du processus de dialogue amorcé par l’IRDP pendant la première phase de recherche.

• De renforcer la participation de la population au niveau local dans le choix des solutions appropriées aux problèmes auxquels fait face la communauté.

• De s’assurer que la méthode participative est adoptée par les leaders au niveau local pour répondre aux besoins de la population.

Le fonctionnement des clubs de dialogue

Par soin de respecter sa méthodologie, l’IRDP a choisi un animateur local pour identifier les membres du club de dialogue, faciliter les débats et produire des rapports. Afin de préserver autant que possible une indispensable neutralité, il fallait choisir quelqu’un qui n’ait aucune responsabilité directe dans l’administration locale. La personne devait également jouir d’une intégrité incontestable au sein de sa communauté, avoir un intérêt manifeste pour le dialogue et le débat et être disponible. Les personnes ont bénéficié d’une formation sur les techniques de facilitation, le ciblage des membres et la conduite des réunions.

L’Institut a accompagné l’initiation des clubs de dialogue et a lui-même amené les débats pendant les premières réunions avec une fréquence qui s’est progressivement réduite pour laisser place à l’autonomie des clubs. Les membres des clubs de dialogue se rencontrent régulièrement deux fois pas mois et les réunions se tiennent généralement dans des lieux publics. Les jours de réunions sont fixés par les membres suivant leur disponibilité.

L’animation des rencontres est assurée par le facilitateur, remplacé en cas d’absence par son adjoint. Il est assisté par un comité composé de 3 à 4 personnes désignées par les membres du club (président, vice-président, secrétaire et trésorier). Dans certains cas, des personnes sont également choisies pour assurer la sécurité des débats et la gestion du temps.

A l’issue de chaque réunion tous les membres participent à la rédaction du rapport que le facilitateur se chargera de mettre en forme et de remettre à l’Institut qui, à son tour, l’examine et renvoie ses commentaires, en vue d’une amélioration continue des méthodes de travail.

Evaluation des clubs de dialogue

Afin d’évaluer l’essence et l’impact du travail des clubs de dialogue, l’IRDP a procédé à une évaluation interne de ces espaces permanents de dialogue et de débat au niveau local. Voici notamment deux des conclusions issues de cette évaluation :

• Certains clubs de dialogue se sont tellement appropriés la culture du débat qu’ils n’attendent parfois pas les recommandations de l’IRDP pour choisir les thèmes qui seront soumis à la discussion en leur sein. Si l’on considère les membres de ces clubs de façon individuelle, on note également leur familiarisation grandissante avec cette culture du dialogue, perceptible dans des prises de parole de plus en plus nombreuses et de plus en plus pertinentes.

• Les membres des clubs de dialogue ressentent actuellement entre eux une certaine solidarité qui leur a permis de créer d’autres initiatives en vue d’améliorer leurs conditions de vie.

Cadres permanents de diffusion des résultats des recherches entreprises par l’IRDP, ces clubs de dialogue apparaissent également comme des espaces ouverts au plus grand nombre. Face au succès rencontré et au constat de la nécessité de multiplier les cadres d’échanges et de débats au sein de la population rwandaise, un système permettant de faire remonter les conclusions des différentes rencontres organisées au niveau local a été mis en place par l’IRDP. Conçu pour maintenir et élargir cet espace où les rwandais dans leur diversité se rencontrent pour se concerter et chercher ensemble des solutions à leurs problèmes, le système des fora nationaux, provinciaux et de district permet d’encadrer et de valoriser cet échange permanent d’idées et d’informations sur les principaux thèmes liés à la construction d’une paix durable.

Sources :

• Entretien réalisé au siège de l’IRDP à Kigali avec Jean-Paul Mugiraneza, chercheur principal de l’Institut, le 23 novembre 2006.

• Site internet de l’IRDP: www.irdp.rw

Renseignements :

• Institut de Recherche et de Dialogue pour la Paix

• Adresse : B.P 7109 Kigali – Rwanda

• Tél : +250 573 431

• Fax : +250 830 3168

• Mob : +250 08 30 31 68

• Courriel : jp_mugi@yahoo.fr

• Contact : Jean-Paul Mugiraneza (chercheur principal)

Commentaire

Actuellement, les réflexions sur le renforcement de la démocratie et l’Etat de droit, la lutte contre l’idéologie du génocide et ses origines, ainsi que sur les mécanismes efficaces de lutte contre la pauvreté constituent les trois thèmes soumis au débat à toutes les échelles géographiques du Rwanda, ainsi qu’au sein des clubs de dialogue animés par la diaspora. Plus de 10 années après la fin du génocide, les thèmes retenus par les membres des clubs de dialogue laissent entrevoir la prégnance des questions liées à ce drame sans précédent dans leurs questionnements quotidiens. En outre, l’articulation entre le renforcement de l’État de Droit et la lutte contre l’idéologie génocidaire montre combien les liens tissés entre le droit et la Paix sont forts aux yeux des populations.