Paris, avril 2007
S’approprier le droit pour construire la paix en Afrique Centrale
Initiatives populaires fondées sur des usages alternatifs du droit et de la loi.
Ce dossier est issu d’une mission de terrain réalisée en novembre/décembre 2006, visant à capitaliser les pratiques populaires de droit existantes dans 5 pays de la sous-région (République Démocratique du Congo, République du Congo, Cameroun, Rwanda et Burundi) et à préparer l’organisation d’un atelier organisé fin avril 2007 à Brazzaville, réunissant les partenaires régionaux de Juristes-Solidarités sur le thème de la résolution alternative des conflits. Il a notamment pour vocation de valoriser les nombreuses initiatives mises en œuvre pour permettre aux populations, notamment les plus démunies, de s’approprier le droit afin d’améliorer leurs conditions de vie, participer aux décisions qui les concernent et vivre dans la paix.
Quel rôle joue le droit dans la construction de la paix, dans la régulation des conflits ? Comment permettre aux populations de se saisir de la résolution de leur problème, de devenir actrices dans la recherche de solutions ? Quelle démarche adopter pour apporter des réponses qui permettent à des voisins, à des habitants d’une même communauté qu’un conflit a opposé, de continuer à vivre ensemble ? Autant de questions qui se posent quotidiennement aux associations et aux groupes qui travaillent à la construction de la démocratie, de la paix, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de vie des populations dans les pays d’Afrique centrale.
Tous les groupes avec lesquels Juristes-Solidarités travaille sont convaincus que le droit est un outil essentiel pour permettre aux populations de vivre dans la paix, à condition qu’elles soient en mesure de se l’approprier, c’est-à-dire de le connaître, de le comprendre, de faire le lien entre le droit et leurs réalités quotidiennes, de l’utiliser voir de participer à son évolution si nécessaire. Les initiatives telles que les séances de sensibilisation au droit sur les marchés (Voir Fiche d’expérience : Des émissions de radio sur les marchés de Kinshasa) ou auprès des paysans (Voir Fiche d’acteur : Le Comité d’Action pour le Développement Intégral : une pédagogie active au service de la construction de la paix sociale) et les universités itinérantes citoyennes (Voir Fiche d’expérience : Universités Itinérantes Citoyennes, Cliniques Juridiques et Balcons de Droit : trois initiatives camerounaises complémentaires au service de la résolution pacifique des conflits), permettent de diffuser non seulement la connaissance du droit mais aussi les savoir-faire nécessaires à son utilisation au service des plus démunis. Elles contribuent ainsi à rendre les habitants davantage acteurs dans la résolution des conflits et dans la recherche de solutions appropriées. Au-delà des actions de sensibilisation et de formation au droit, il s’agit également de lutter contre les discriminations dont peuvent faire l’objet les femmes, les personnes handicapées ou encore les peuples autochtones. La construction d’une paix durable passe en effet aussi par l’établissement de règles justes et égalitaires permettant aux différents groupes de vivre en harmonie au sein de la société.
Mettre en place des structures auxquelles les populations puissent avoir recours pour résoudre un litige est également essentiel pour permettre la vie en société. Certes, la résolution des conflits est le rôle premier des juridictions. Cependant, les populations les plus démunies n’y ont souvent pas accès du fait du coût élevé des procédures et de leur éloignement géographique (Voir Fiche de défi :Les structures alternatives de résolution des conflits : entre réponses à l’inefficacité du système judiciaire congolais et complémentarité avec l’action des tribunaux). D’autre part, les associations travaillant aux côtés des populations remarquent qu’il apparaît parfois plus pertinent de trouver la solution du conflit au cœur du groupe. L’approche populaire du droit, davantage légitimiste que légaliste, permet en effet de travailler sur le conflit en lui-même, sur la reconstruction ou le renforcement du lien social entre les différentes personnes impliquées. Les tribunaux rendent leurs décisions en appliquant des lois officielles, qui ne prennent pas forcément en compte les réalités sociales vécues par le groupe. Le juge va donc apporter une solution certes légale mais pas forcément juste et le conflit perdurera parfois après le jugement. Les modes alternatifs de résolution des conflits cherchent au contraire à sortir de la logique gagnant/perdant, en faisant participer les parties à la recherche d’une solution qui puisse les satisfaire. Travailler sur le conflit pour permettre aux personnes de continuer à vivre ensemble, c’est tout l’intérêt des structures qui proposent des services de médiation ou de conciliation tels que
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Les « cliniques juridiques » (Voir Fiches d’expérience : L’implantation d’une clinique juridique au sein d’un quartier défavorisé et Les cliniques juridiques du Comptoir Juridique Junior : témoignages d’une expérience de résolution pacifique des conflits).
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Les « boutiques de droit » ou encore les « balcons de droit » (Voir Fiche d’expérience : Universités Itinérantes Citoyennes, Cliniques Juridiques et Balcons de Droit : trois initiatives camerounaises complémentaires au service de la résolution pacifique des conflit).
Ces structures agissent surtout sur les conflits de proximité : litiges entre voisins, vente d’une parcelle à plusieurs acquéreurs, problème de succession, etc. Leur action n’est cependant pas toujours en dehors de la justice formelle ; lorsque cela se révèle nécessaire, elles orientent les personnes vers le tribunal compétent (Voir Fiche de Défi : Les structures alternatives de résolution des conflits : entre réponses à l’inefficacité du système judiciaire congolais et complémentarité avec l’action des tribunaux). D’autre part, la fonction de médiateur peut-être perçue différemment. Le médiateur n’est pas forcément une personne neutre dans le conflit, certains sont résolument engagés aux côtés des plus démunis (Voir Fiche d’Acteur : L’Union des Locataires de Maisons et d’Abonnés aux Régies d’Eau et d’Électricité : quand la mobilisation collective permet la médiation et l’accès aux services de base). La plupart des médiateurs appartiennent à la communauté au sein de laquelle ils sont amenés à intervenir, ils connaissent ainsi bien les réalités vécues par les habitants et sont ainsi plus à même de remplir leur fonction.
Certaines initiatives placent la résolution des conflits dans une dimension collective. Souvent parce que le litige ne concerne pas seulement quelques personnes mais l’ensemble d’une communauté. Ces expériences visent principalement à restaurer le dialogue, à créer un espace pour que les différents acteurs puissent exprimer leur point de vu, faire connaître les réalités auxquelles ils sont confrontés et pour qu’une solution puisse être trouvée en commun. Ces espaces, tels que les « Tribunes d’Expression Populaires » (Voir Fiche d’Expérience : Des Tribunes d’Expression Populaire aux causeries-débats : réguler les conflits par le débat) permettent également aux populations généralement exclues des sphères publiques de décision, de faire des propositions et de discuter avec les acteurs compétents pour les mettre en œuvre. Ces initiatives sont essentielles dans des pays qui sortent tout juste de conflits meurtriers durant lesquels les affrontements entre les différentes communautés ont été particulièrement violents.
Ont participé à la rédaction de ce dossier :
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Etienne Nyahoza, OAG (Observatoire de l’Action Gouvernementale), Burundi.
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Jean-Pierre Mujyambere, AJPRODHO (Association de la Jeunesse pour la Promotion des Droits de l’Homme et le Développement), Rwanda.
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Martin Lusambila, Parousia, RDC.
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Félicien Ndongo, ADECOM, RDC.
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Marie-Thérèse Kalonda, ANMDH (Les Amis de Nelson Mandela pour les Droits Humains), RDC.
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Tierry Kuyu et Anne-Marie Mukwayanzo, FCDD (Femmes Chrétiennes pour la Démocratie et le Développement), RDC.
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Roger Kabungulu, ULOMARE (Union des Locataires des Maisons et des abonnées aux Régies d’eau et aux Sociétés d’électricité), RDC
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Benjamin Migabo Muderhwa, CADI (Comité d’Action pour le Développement Intégral), RDC.
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Lambert Mabiala et Lilian Laurin Barros, CJJ (Comptoir Juridique Junior), République du Congo.
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Elise Pierrette Memong Meno, ALVF (Association de Lutte contre les Violences Faites aux Femmes), Cameroun.
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Daniel Nonze, ASSOAL (Association de Développement Local), Cameroun.
Fiches du dossier
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L’idée de créer le Comité d’Action pour le Développement Intégral (CADI) est née en 1978 du constat que les populations étaient régulièrement victimes de violations de leurs droits : arrestations arbitraires, amendes illégales, rançonnements, etc. À grande échelle, ce que les Congolais ont pour habitude de désigner par le terme « tracasseries » constitue un important facteur de blocage dans le chemin vers le développement auquel aspirent les populations du Sud-Kivu.
Paris, avril 2007
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Créée en 1986, l’Union des Locataires de Maisons et d’Abonnés à la Régie d’Eau et à la Société d’Électricité (ULOMARE) s’est donnée pour mission de combattre les injustices et les traitements discriminatoires dont les populations étaient victimes en matière d’accès aux services de base, dans l’Est de ce qui était encore à l’époque la République du Zaïre. Très rapidement, l’association va compter plusieurs milliers de membres, répartis dans les villes de Bukavu, Goma, Kamituga et Uvira. L’association va mettre sur pied des stratégies permettant à ses membres de rentrer dans leurs droits.
Paris, avril 2007
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Désireux de participer à la reconstruction d’une paix durable au sein de la société rwandaise, l’Institut de Recherche et de Dialogue pour la Paix de Kigali a mis au point, avec l’aide de ses partenaires internationaux, une stratégie fondée sur l’implication de toutes les couches de la population dans un débat mené au niveau national.
Paris, avril 2007
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Les Amis de Nelson MANDELA pour la Défense des Droits Humains (ANMDH) est une association créée en République Démocratique du Congo, par l’action de bénévoles. Elle œuvre depuis 15 ans dans la recherche de la paix, l’éducation à la démocratie, la promotion des droits de l’Homme, la prévention et la résolution pacifique des conflits.
Montreuil, juin 2007
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L’AJPRODHO : une association de jeunes pour la paix et la promotion des droits humains
L’AJPRODHO, créée en 1997 par des étudiants de l’Université Nationale du Rwanda, œuvre pour l’instauration de la paix au sein de la société rwandaise, en axant son intervention sur la participation de la jeunesse dans la construction d’une justice sociale et de conditions de vie décentes pour tous.
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Droit et société civile dans le Sud-Kivu: retour sur une dynamique historique
Juristes-Solidarités œuvre depuis 1989 en faveur du renforcement des pratiques menées par différents groupes à travers le monde, fondées sur une approche du droit que l’on qualifie traditionnellement « d’alternative ». Si le qualificatif est parfois contesté par les anthropologues du droit qui peuvent y voir une tentative de marginalisation de l’importance de ces pratiques dans la construction quotidienne du droit, son usage est particulièrement justifié dans le contexte de la République Démocratique du Congo.
Paris, avril 2007
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La résolution alternative des conflits dans le contexte burundais
Le contexte burundais est marqué par 2 aspects : la juxtaposition de différentes instances de résolution alternative des conflits et la problématique des droits fonciers des personnes déplacées qui peut entraver la consolidation d’une paix durable.
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Le rôle et le statut du médiateur selon ULOMARE
ULOMARE est une association qui agit comme un syndicat regroupant les habitants abonnés des sociétés nationales d’eau et d’électricité. Son objectif est de défendre ses membres dans leurs rapports avec ces sociétés. ULOMARE réalise notamment un travail de médiation lorsqu’un conflit entre une des sociétés et un abonné.
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Le rôle et le statut du médiateur selon l’ADECOM
L’ADECOM MOKILI MWINDA, créée en 1988, est une organisation d’animation et d’accompagnement au service des organisations de base et associations partenaires.
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Alors que la RDC est engagée dans un processus de pacification et de transition démocratique, l’absence de garantie sérieuse accordée aux droits des peuples autochtones dans la nouvelle constitution soulève des doutes quant à la viabilité d’une société congolaise aussi ouvertement inégalitaire. Des observateurs internationaux, tels que la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et les Rapporteurs des Nations Unies, partagent le même avis, et ils ont exprimé leur profonde préoccupation face à la grave discrimination exercée à l’égard des peuples autochtones en RDC, constatant que certains peuples étaient menacés d’extinction en raison des actes et omissions de l’État partie.
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Pour éviter les tensions qui peuvent naître au sein de groupes sociaux, il est nécessaire d’élaborer des règles permettant aux plus démunis et aux plus faibles de trouver leur place dans la société.
Paris, avril 2007
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Dans un pays où la justice et le droit sont souvent perçus comme des instruments de domination aux mains des puissants et au détriment de la majorité de la population qui vit dans une extrême pauvreté, de nombreuses initiatives locales se tournent vers une justice communautaire, destinée à trouver des solutions aux problèmes que vit la communauté au sein même des groupes humains qui la composent.
Paris, avril 2007
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L’implantation d’un centre d’aide juridique au sein d’un quartier défavorisé
L’un des axes d’intervention principaux de l’association Femmes Chrétiennes pour le Développement et la Démocratie (FCDD) concerne l’accès à la justice et au droit pour tous.
avril 2007
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Des émissions de radio sur les marchés de Kinshasa
Régulièrement, les membres du FCDD se rendent sur les marchés de Kinshasa, où ils animent des émissions de radio diffusées par hauts-parleurs.
Paris, avril 2007
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L’émergence d’un leadership féminin en faveur de la paix
L’initiative du Comité d’Action pour le Développement Intégral d’Uvira en faveur de la participation des femmes congolaises à la construction de la paix dans le Sud-Kivu a été saluée par de nombreux partenaires de développement de la région.
Paris, avril 2007
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Universités Itinérantes Citoyennes, Cliniques Juridiques et Balcons de Droit
Trois initiatives camerounaises complémentaires au service de la résolution pacifique des conflits.
Paris, avril 2007
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Créé en 2000 à Brazzaville, le Comptoir Juridique Junior (CJJ) est une association regroupant des jeunes juristes et professionnels du droit engagés en faveur du développement de pratiques alternatives de droit qui partent des gens et de leurs préoccupations ainsi que la promotion des droits de l’Homme.
Paris, avril 2007
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Les clubs de dialogue mis en œuvre par l’Institut de Recherche et de Dialogue pour la Paix (IRDP)
Instruments essentiels mobilisés par l’IRDP au service de la consolidation d’une paix durable au Rwanda, les « clubs de dialogue » connaissent désormais un succès sans précédent dans le pays.
Paris, avril 2007
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Dans le cadre de l’aide apportée aux femmes victimes de violences dans les centres « Vie de femmes » que l’ALVF a créés, 75 % des cas traités se rapportent aux conflits conjugaux et aux violences sexuelles, psychologiques ou physiques.
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L’étude, l’analyse et le débat sur l’articulation de la justice formelle et des pratiques populaires de résolution des conflits méritent une attention soutenue pour nos sociétés partagées entre l’oralité et l’écrit ; entre les tabous, le fétichisme et la notion de preuve, si l’on veut que le droit joue réellement son rôle d’équilibre des liens sociaux entre les humains.