José Pablo Batista, Guatemala, janvier 2005
Les populations mayas de l’Amérique centrale : les nouvelles organisations religieuses comme instruments de participation citoyenne et de transformation sociale
La nouvelle configuration religieuse des populations mayas du Guatemala et du sud du Mexique devient, par le biais de ses organisations communautaires, un instrument privilégié et efficace de propositions et de participation politique alternative pour des secteurs sociaux exclus du système politique dominant.
Après cinq siècles sous la houlette du catholicisme, la population maya peuplant le Guatemala et le sud du Mexique se trouve en pleine dérégulation religieuse. Le marché des biens symboliques se diversifie et se libéralise. L’hégémonie de l’Église catholique couvrant de son manteau la religion maya laisse la place à la croissance du protestantisme mais, surtout, à la prolifération de nouvelles sociabilités religieuses indépendantes du catholicisme et du protestantisme institutionnel. De petites communautés évangéliques, pentecôtistes, charismatiques, etc. s’organisent ici et là, décentralisant ainsi le contrôle sur le symbolique.
Faisant suite au processus de conquête et d’évangélisation de la part des espagnols, les Mayas avaient su recomposer leur religion par des moyens très divers de conversion, d’association, de brassage, de résistance, etc.
Actuellement, une nouvelle recomposition religieuse se déploie dans deux espaces spécifiques.
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Premièrement, au sein d’une population sortant d’une guerre civile meurtrière où elle a occupé l’une des premières places, tant comme victime que comme acteur malgré elle, et dont les blessures sont encore aujourd’hui ouvertes (notamment du côté guatémaltèque)
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Deuxièmement, parmi les populations rurales de la campagne ou de la périphérie des grandes villes de la région, vivant des situations de précarité extrêmement difficiles.
Des communautés mayas officiellement catholiques dont l’exclusion politique était légitimée et sublimée par des approches théologiques transcendantalistes « les derniers seront les premiers dans le royaume de Dieu », « vous aurez votre récompense dans les cieux », s’organisent en des communautés nouvelles, sans organisation institutionnelle et sans liens directs avec les religions historiques, privilégiant la solidarité et l’organisation sociale. Ces nouvelles petites communautés sont souvent gérées par un « pasteur », aussi charismatique qu’autoritaire, articulant les fonctions de « père protecteur » ainsi que de « cacique », d’un groupe de personnes cherchant à se donner une certaine crédibilité dans un contexte d’anomie sociale.
Une distinction entre le domaine théologique et le domaine politique s’avère évidente.
Si les contenus théologiques maniés par ces petites communautés, notamment par leurs pasteurs, issus de processus sociaux d’improvisation et d’auto-nomination, n’ayant presque aucune formation théologique, mettent l’accent sur le respect de l’autorité légitime et sur la « quiétude politique » des nouveaux croyants, les pratiques instaurées produisent des effets politiques pouvant être considérés comme pervers.
S’organisant en petites communautés à caractère religieux, habitées par le désir de sortir de l’exclusion politico-sociale, les marginaux de la société maya arrivent à former de nouveaux acteurs religieux, mais aussi sociaux, économiques et politiques, opposés à l’imposition séculière d’un système politique facteur d’exclusion et à l’hégémonie d’une seule élite étrangère et polyvalente.
Commentaire
Les effets politiques possibles de cette recomposition religieuse ont été analysés en termes de reproduction des formes traditionnelles d’autorité à la périphérie du système politique, contribuant à l’établissement de liens de clientélisme avec les vieux caciques nationaux via les partis politiques, et portant atteinte, de ce fait, à la démocratisation par le détournement du processus électoral.
Une autre approche montre aussi sa pertinence : celle de l’émergence d’une petite élite sociale, organisant et structurant une grande partie de la population maya à la base, qui prend de plus en plus de pouvoir à l’échelle locale. Les expressions religieuses d’organisation citoyenne deviennent des instruments privilégiés et efficaces de propositions et de participation politique alternative pour des secteurs sociaux exclus du système politique dominant.