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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche de témoignage Dossier : Le Nil : conflictualités et initiatives de paix

, Paris, mars 2007

Le haut barrage d’Assouan et le lac Nasser sèment-ils la discorde ?

Depuis son érection en 1967, le barrage d’Assouan a été l’objet d’un intense débat et les discussions continuent….plus paisibles et moins habitées par la passion et les rancoeurs politiques.

Mots clefs : L'infrastructure au service de la paix | Fleuves et paix | Aménagements hydrauliques pour la paix | Banque Mondiale | Egypte | Soudan | Le Nil

J’ai rencontré en mars 2007, lors d’un séjour en Egypte, des spécialistes géographes, biologistes, anciens politiciens et j’ai évoqué à nouveau avec eux la question du barrage.

Notons tout de suite que ces personnes ont reconnu que, pendant longtemps, cette question ne pouvait être traitée sereinement. Certains en prenaient prétexte pour faire le procès du régime du Colonel Nasser, le père du projet.

Le barrage est né dans des conditions politiques très particulières. La guerre froide battait son plein. La Banque Mondiale qui, au départ, avait consenti à financer le projet s’en est dessaisi- peut être sous la pression des Etats Unis qui trouvaient trop à gauche et anti -impérialiste le colonel Nasser qui dirigeait alors le pays. Finalement, c’est l’Union Soviétique qui prendra le relais et réalisera ce gigantesque projet, inauguré en grande pompe par MM. Khroutchev et Nasser. Grâce à cette réalisation surhumaine, l’influence soviétique s’exercera pendant longtemps dans la vallée du Nil.

Pour mes interlocuteurs, le barrage ne sera complètement envasé que dans 750 ans. C’est dire qu’il va encore beaucoup servir l’Egypte. Mais l’envasement demeure le talon d’Achille de tout barrage.

Cet ouvrage protège maintenant l’Egypte, ses champs, ses habitations, ses infrastructures des dégâts des inondations annuelles du Nil. L’eau est à présent parfaitement contrôlée et judicieusement employée.

Alors que les autres pays du bassin versant nilotique ont souffert, au cours des dernières années, de la sécheresse, l’eau retenue derrière le haut barrage a permis de faire trois récoltes annuelles de riz au lieu d’une seule précédemment et, qui plus est, avec des rendements meilleurs. Ce qui n’est pas négligeable face à la démographie explosive du pays. En fait, le barrage a permis l’irrigation de plus de surfaces cultivées et il fournit aujourd’hui de l’eau même au projet pharaonique de Toschka, dans le désert lybique- projet voulu par le président actuel Moubarak et que beaucoup d’écologistes condamnent.

Point important : le barrage œuvre pour la paix car le Soudan a aussi augmenté ses surfaces irriguées grâce à l’eau de retenue.

Le barrage a permis au pays de s’électrifier. Le moindre village aujourd’hui jouit de l’électricité.

Il a permis l ‘installation d’une industrie moderne – chimique et pétrochimique notamment - dans la région d’Alexandrie et dans la Haute Egypte. Il a de cette manière permis de baisser la facture pétrolière du pays.

Il est vrai que ces industries chimiques ont été créées pour fournir surtout des engrais (nitrates, urée..) puisque l’inondation ne se faisant plus et les alluvions étant retenus derrière le barrage, il fallait nourrir la terre et donc recourir aux engrais artificiels.

Le barrage et le lac Nasser fournissent aux Egyptiens des protéines par la production de poissons que l’on retrouve sur les étals des marchés cairotes et qui arrivent maintenant par trains réfrigérés après avoir pendant longtemps été délivrés par les avions soviétiques Antonov.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’aspects négatifs ?

Bien sûr que si !

Il y a d’abord l’évaporation de l’eau du lac Nasser mais les experts ne se sont pas mis d’accord sur son importance comme ils ne sont pas en mesure de dire l’effet du barrage sur les aquifères.

Le barrage n’a pas apporté le paludisme et ses eaux ne contiennent pas de larves d’anophèle. Quant à la bilharziose, elle sévissait avant sa construction.

Il y a aussi les effets de l’absence d’alluvions sur les berges du fleuve mais les effets ne sont pas encore perceptibles.

Le plus grave est l’érosion des côtes en Méditerranée et les atteintes aux pêcheries. C’est ainsi que les sardines ont pratiquement disparues car elles ne sont plus alimentées par les apports organiques du Nil. Il faut enfin évoquer la prolifération des herbes due aux eaux polluées par les engrais provenant des rizières et des champs de canne à sucre. Cette végétation gêne la navigation et offre un gîte aux insectes.

Sources :

  • 1. Entretiens réalisés au Caire dans la semaine du 4 au 11 mars 2007.

  • 2. « Le haut barrage et ses effets » Etude n° 4 dans le cadre du Programme « Egypte 2000 » (en langue arabe)

Commentaire

Tout compte fait, la plupart des observateurs s’accordent maintenant pour apprécier objectivement le haut barrage et oublier les rancoeurs du passé. La politique est mise entre parenthèses.

Ils sont formels : les avantages de l’édifice sont bien plus importants que ses effets négatifs.

Il a permis d’établir une paix durable entre le Soudan et l’Egypte et entre les divers utilisateurs dans le pays même.

Il a contribué à la paix sociale et au développement du pays.