Larbi Bouguerra, Paris, mars 2007
Pakistan : le jugement concernant le Balighar ne règle pas tous les détails
Le contentieux entre l’Inde et le Pakistan concernant le barrage de Balighar n’est pas encore définitivement réglé.
Mots clefs : La responsabilité des autorités politiques à l'égard de la paix | Accord de Paix | L'infrastructure au service de la paix | Partage équitable de l'eau | Fleuves et paix | Gouvernement indien | Banque Mondiale | Gouvernement du Pakistan | Inde | Pakistan
Réf. : -1. Water 21 Global News Digest du 20 février 2007, -2. François Durand-Dastès et Georges Mutin « Géographie Universelle : Afrique du Nord, Moyen-Orient, Monde indien », Edition Belin-Reclus, Paris, 1995.
Le Professeur Raymond Laffite, « expert neutre » nommé pour examiner le différend entre les gouvernements de l’Inde et du Pakistan relativement à la construction du barrage de Balighar sur le fleuve Chenab en Inde a donné le feu vert au projet. Il a cependant donné raison au Pakistan sur une de ses objections. Il a jugé que la hauteur de l’ouvrage doit être réduite de 1,5 mètre.
Ce projet de barrage a été, au cours des deux dernières décennies, une pomme de discorde entre les deux pays.
En 2005, le Pakistan a sollicité l’intervention de la Banque Mondiale à Washington alléguant que la construction de cet ouvrage violait le traité conclu en 1960 concernant la gestion et le partage des eaux de l’Indus.
Ce traité stipule que la décision d’un « expert neutre » était définitive et s’imposait obligatoirement aux parties.
Les premières réactions du côté de Karachi ont été des cris de victoire mais de récents articles de la presse pakistanaise laissent à penser que le Pakistan pourrait trouver à redire sur certains points avalisés par l’expert. Les objections viseraient principalement les vannes (écluses) des déversoirs. Le Pakistan craint que la partie indienne n’arrive ainsi à instituer un contrôle sur le débit et réguler en conséquence la quantité d’eau arrivant de l’autre côté de la frontière.
Commentaire
La question du partage des eaux entre l’Inde et le Pakistan est une question épineuse. Le Pakistan est un pays dont l’agriculture dépend presque entièrement de l’irrigation, une technique utilisée depuis 2500 ans avant J.C dans cette région du monde (civilisation Harrapa) : on dit du Pakistan qu’il est don de l’Indus- comme on dit de l’Egypte qu’elle est don du Nil. L’irrigation intéresse 14 millions d’hectares. Le traité de 1960 est un cas d’école : des pays qui se sont fait la guerre, que la religion sépare souvent et qui ont un très gros contentieux territorial sur la question du Cachemire sont cependant arrivés à conclure un accord sur la question de l’eau, traité garanti, il est vrai par une superpuissance : les Etats Unis. En vertu de ce traité, l’Inde a l’usage des eaux des rivières Sutlej, Ravi et Beas ; quant au Pakistan, il a l’usage de celles du Chenab, de la Jhelum et de l’Indus. Mais la situation est plus complexe. Ainsi, si le barrage de Firozpur sur le Sutlej se trouve en Inde, l’irrigation de la rive droite en aval pakistanais en dépend.
Le système de barrages est nécessaire pour réguler l’eau et constituer des réserves. Nées dans l’Himalaya, l’Indus, le Jhelum et la Sutlej principalement et dans une moindre mesure la Chenab, la Ravi et la Beas s’approvisionnent à la formidable réserve neigeuse dont les eaux de fonte sont particulièrement précieuse lors de la transition des saisons rabi (printemps) et kharif (automne), plus régulières, mieux assurées que les eaux de pluie de la mousson d’été dont le déclenchement, la durée et l’intensité sont d’une extrême variabilité. Lorsqu’elles sont diluviennes, les pluies de mousson – comme on l’a encore vu récemment- par les pertes humaines, les cultures anéanties, les habitations détruites ou endommagées, les glissements de terrain, les canaux mis hors service, peuvent avoir des incidences bien au-delà des zones affectées surtout que les aménagements hydrauliques successifs aboutissent à la réalisation d’un seul et grand système qui irrigue, on l’a dit, 14 millions d’hectares. On notera que 60% du volume total fourni par les eaux de pluies l’est lors des trois mois pluvieux de juin à août.
On comprend ainsi pourquoi les barrages peuvent être à ce point importants : régulation, stockage, production d’énergie électrique…d’autant que le Pakistan est un pays essentiellement aride ; un dixième seulement du territoire, au nord, est épargné.
Il est heureux de constater que ces deux grands pays par la culture, la civilisation et le poids démographique (dotés cependant de l’arme atomique) recourent à l’arbitrage et aux experts pour résoudre des différents sur la partage des eaux. L’eau heureusement, peut être une voie vers la paix.