Cheffi Brenner, Michel Doucin, Paris, enero 2006
Comment articuler un mécanisme international recevant des communications individuelles ou collectives après épuisement des voies de recours nationales quand la responsabilité publique des droits économiques, sociaux et culturels se trouve au niveau des gouvernements locaux (ou autorités locales), en particulier dans les États fédéraux ?
Keywords: Autoridades y Gobiernos locales
Cette question complexe interroge un certain nombre de pays dont les États sont de nature fédérale. Il ne saurait lui être donné de solution générale, car elle nécessite une analyse fine, au cas par cas, de la distribution des rôles en ce qui concerne la responsabilité des politiques publiques et l’administration de la justice (dont ses formes atténuées comme la médiation) dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels. Plusieurs intervenants ont toutefois cherché à poser quelques idées de principe.
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Une responsabilité nationale établie de façon solidaire
« Les États liés par des traités internationaux qu’ils ont ratifiés sont tenus de la mise en œuvre nationale suivant les spécificités de leur organisation interne de gouvernement. En effet, les structures locales de gouvernement peuvent être considérées comme des démembrements de l’État avec des nuances possibles. Pour ce qui est du contrôle opéré par les mécanismes universels, il faut souligner que l’État-partie est considéré dans sa représentation nationale globale quelles que soient les modalités internes de gouvernement. C’est donc, par ce biais que la responsabilité nationale sera établie de façon solidaire. Cette considération correspond aux réalités de la hiérarchie des normes et des mécanismes de recours.
Il revient à la représentation nationale de répondre solidairement des obligations internationales même si les lieux d’exécution sont décentralisées ou autonomes à l’intérieur de l’État. Ainsi, dans un cas concernant le Canada, les experts du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/Q/CAN/2 et E/C.12/4/Add.15) ont demandé à l’État canadien des "renseignements détaillés sur la manière dont les Comités (fédéral - provincial - territorial) des fonctionnaires […] et les Comités fédéraux, provinciaux et territoriaux des ministres responsables […] traitent des questions relatives à la mise en œuvre du Pacte et des observations finales du Comité". En termes d’exécution, les experts ont questionné le Gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sur les mesures adoptées non seulement par le gouvernement fédéral mais aussi par les gouvernements provinciaux en vue de remédier à certaines situations préoccupantes relevées antérieurement. » (Didier Agbodjan)
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Une responsabilité nationale prise en compte y compris dans le cadre d’un mécanisme universel de recours
Un mécanisme universel de recours est capable de réunir les informations relatives aux modalités internes de gouvernement de chaque Etat qui lui sont utiles pour situer les différents niveaux de responsabilité, sachant qu’en définitive, à l’international, c’est la représentation nationale de l’État-partie (soit à titre unique, soit solidairement avec des unités territoriales spécifiques) qui répond des faits intervenus sur le territoire national.
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Le cas d’une justice décentralisée au niveau interne
Au niveau interne de chaque État, lorsque existe une justice décentralisée, on pourra considérer que ce sera un premier degré d’examen devant être pris en compte avant tout recours devant le Comité. « Les Cours Suprêmes dans les États fédéraux pourront ainsi être poussées à jouer leur rôle de cassation au-dessus des Etats fédérés pour ces droits, jouant ainsi un rôle d’uniformisation de la protection de ces derniers. En Inde, déjà, le droit à l’eau a beaucoup progressé grâce à des recours introduits devant la Cour fédérale suprême. » (Michel Doucin)