Paris, noviembre 2007
Remarques transversales sur les alliances citoyennes
Propos recueillis d’un travail de capitalisation réalisé en novembre 2007 par Hervé Maillot.
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I. Naissance d’une alliance
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II. Un modèle standard ?
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III. Les enjeux et le niveau mondial.
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IV. Le « facteur humain ».
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V. L’informalité stimulante d’une organisation articulée.
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VI. Le partage des imaginaires.
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VII. La pérennité et la stabilité.
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VIII. Retour sur la biodiversité des alliances.
I. Naissance d’une alliance.
Quelles sont les circonstances favorables au lancement d’une alliance ? Y a-t’il des conditions nécessaires, des ingrédients décisifs ? D’abord rappeler qu’on ne « convoque pas des individus et des institutions autour de la construction d’une alliance. On construit une alliance autour d’un problème qui préoccupe ces individus et ces institutions » [[Matthieu Calame, entretien.]] . Cela semble une lapalissade, mais en premier lieu, il faut bien une bonne raison de se rassembler en alliance ! Car le faire suppose que l’on recherche à la fois une unité de questionnement et d’action et une diversité de ressources et de réponses et cela demande un effort long, des convictions solides et une bonne confiance en soi et en les autres.
En général, à l’origine d’une alliance, on trouve donc un ensemble plus ou moins grand d’individus et de mouvements confrontés à un problème qui fait l’objet d’un diagnostic partagé. Ce diagnostic révèle la distance entre une situation présente insatisfaisante et une situation désirée. Celle-ci est souvent pensée comme un horizon, qui donne une direction de mouvement. Ici, chercher à mesurer la distance à l’horizon n’est pas pertinent du fait de la nature plus ou moins asymptotique de cet horizon. Ce point est très important et le fait de se mettre en marche en sachant qu’on ne sait pas évaluer la distance qui sépare de l’objectif est un élément essentiel de la notion d’alliance : l’alliance est une aventure, un périple au long cours ; ce n’est ni une campagne ni un tir balistique. Une alliance citoyenne se pense dans la durée et se bâtit dans une certaine temporalité, matérialisée par un agenda dont les éléments sont autant de repères sur le parcours. APM et l’alliance des fédérations d’ONG s’appuient sur l’agenda international pour travailler, se renforcer et construire un capital commun. Au sein de l’alliance des militaires (qui n’en est pas encore une), de l’AEI, de ORUS, d’APM, pour ne citer qu’eux, on sait l’importance des rencontres, vécues comme autant d’étapes de construction.
Parmi les facteurs de cohésion autour du problème contre lequel on aimerait agir, on trouve le sentiment d’impuissance auquel on se condamne si l’on choisit de demeurer isolé. Se rassembler en alliance s’est aller contre son propre sentiment d’impuissance et c’est donc aussi une façon de cultiver une bonne estime de soi (individuelle et collective).
A sa naissance et après, une alliance a besoin d’une locomotive, une entité qui va consacrer beaucoup d’énergie pour que l’alliance prenne corps. Cette entité dynamisante peut être une institution (la FPH pour l’ensemble des alliances, Coordination Sud pour la fédération d’ONG, la CFDT pour l’IRESCA) ou un groupe (parfois fort réduit) de personnes, souvent à l’initiative du mouvement. Dans tous les cas, ces pilotes possèdent ou doivent construire un pouvoir de convocation qui dépend du lieu (thématique, collégial ou géoculturel) où l’alliance est appelée à se développer, c’est-à-dire du rapport que ce lieu entretient avec la notion de légitimité, car la réponse à la question qu’est-ce qu’être légitime varie beaucoup d’un lieu à l’autre, d’une culture à l’autre. Pour ces personnes qui s’engagent les premiers dans le lancement de tels processus, il faut commencer à marcher avec sa seule légitimité de marcheur sans espérer la recevoir « d’en haut ». « Dans une période ou l’on confond la raison [la vérité, les choses qu’il faut oser faire] et le raisonnable [la vérité que l’on peut dire, les choses que l’on peut faire], ce qui entraîne un rétrécissement des perspectives et des audaces, celui qui n’est rien [pas de représentativité, pas de légitimité institutionnelle] et qui ose tout est forcément suspect. Il faut reconnaître que c’est naturel et que de ce fait, le procès d’intention est vite instruit. D’une manière générale ces mécanismes de méfiance, voire de rejet renvoie à la crainte de l’innovation, à la résistance au changement »[[Pierre Calame, entretien.]] . Par essence, les alliances se confrontent à cette résistance au changement. Et pour faire évoluer les systèmes, elles parient sur les hommes. Les quelques personnes qui se lancent dans l’aventure le font en étant convaincues que le changement « n’est pas seulement une affaire de déterminisme social ou institutionnel, [mais que] c’est aussi une affaire d’aventures humaines »[[Pierre Calame, fiche BIP n°2 322 - Petite histoire de la gouvernance urbaine à la sauce FPH (capitalisation du programme ETA 4).]] .
II. Un modèle standard ?
« Créer de toute pièce une alliance en y injectant un arsenal méthodologique ne marche pas. Il faut partir de rapprochements concrets autour de problèmes concrets. »
Michel Sauquet
Existe-t’il un modèle standard d’alliance citoyenne ? Non. « Il ne semble pas pertinent d’avoir une vision trop normative de ce qu’est une alliance citoyenne »[[Entretien avec Michel Sauquet.]] . Dans l’ensemble des collectifs plus ou moins identifiés comme alliances citoyennes, on constate une grande diversité et une plus ou moins grande organisation : quoi de commun en effet dans l’organisation de l’alliance des artisans de Paix cristallisée autour d’un site Web, la structure du réseau APM qui évolue et se recompose au rythme des négociations internationales et de l’émergence de grands thèmes comme l’alimentation, le grand collectif d’experts et de praticiens qui animent les chantiers d’ALOE ? Variable est aussi la mise en œuvre d’outils et dispositifs issus de la réflexion théorique animée par la Fondation pour le progrès de l’Homme et reconnus comme des éléments constitutifs d’une alliance : outils et méthodes de travail, formulation d’objectifs, adoption de chartes, rôle particulier des fondateurs, mise en place d’une instance d’arbitrage, etc. Il faut noter la sagesse de la FPH sur ces questions de structuration et de fonctionnement des alliances qu’elle soutient sans dogmatisme. Elle sait qu’elle se doit d’être souple dans la fixation de normes. Considérons par exemple le rapport à l’écrit que les alliances entretiennent, lui aussi très variable d’une culture à l’autre. Pour l’AEI, la déclaration de Dakar a valeur de charte sans qu’elle soit précisément identifiée et reconnue comme telle. De même au sein de la fédération d’ONG ou d’APM, il n’y a pas de charte mais il y a des textes, des déclarations communes.
La pratique montre qu’une alliance ne se décrète pas et qu’elle est d’autant plus solide qu’elle s’enracine dans des collaborations antérieures entre des personnes qui choisissent de se constituer en alliance.
III. Les enjeux et le niveau mondial.
« Le réalisme ce n’est pas de se donner des ambitions à sa mesure mais au contraire de subordonner son action à la réalité des défis du monde ; tant pis s’ils sont démesurés ; acceptons de n’y être qu’une goutte d’eau ». Un des 50 slogans de la FPH.
A priori, un processus de type alliance doit avoir une envergure au moins bi-continentale, car dans le cas d’un déploiement géographique plus restreint, tôt ou tard, le projet se révélera ne pas être à la hauteur des enjeux de la mondialisation et de ses régulations. « C’est une question d’efficacité : pour appréhender le monde mondialisé, il faut engager des processus de même échelle. Cela ne signifie pas qu’un projet local est inutile. Simplement, il est illusoire de penser qu’une alliance dont l’horizon est régional puisse se confronter à des enjeux globaux »[[Gustavo Marin, entretien]] . En outre, même si quatre vingt pour cent de la « masse » du problème considéré est localisée, tôt ou tard, la mondialisation impactera ledit problème, par la culture, par l’air respiré, par l’information, par l’économie, etc…. La mondialisation, qui pénètre partout, est en réalité partout devenue un phénomène localement mesurable. D’où la nécessité d’en tenir compte dans les stratégies locales de gestion des territoires : les vingt pour cent « non locaux » du problème, qui renvoient à une perception globale, déterminent souvent le problème en entier ainsi que sa résolution.
« Aujourd’hui, l’utilisation tâtonnante de mots comme « glocal » révèlent que les outils conceptuels actuels ne permettent pas encore de décrire et relier les nouvelles géographies et les dynamiques qui s’y déploient. » Gustavo Marin
Il faut donc se mettre au niveau des enjeux. Mais alors, dans une stratégie de développement et de croissance d’une alliance, faut-il d’emblée se mettre à l’échelle globale ou choisir une sorte de croissance du rayon d’action et de réflexion du local vers le global ? Dès lors que proximité spatiale et proximité relationnelle se sont peu à peu découplées, le local devient multiple et il faut redéfinir les termes « proche » et « lointain »[[Une des manifestations visibles de ces changements est la « société en tuyaux d’orgue » dont parle Pierre Calame.]] . Les atlas politique et sociologique sont de moins en moins corrélés à la géographie physique. Les flux d’idées, de cultures, les migrations dessinent des frontières encore invisibles et fort différentes des frontières entre états tracées à des époques révolues [[Gustavo marin donne à ce sujet l’exemple de la communauté hispanophone au USA qui change peu à peu la donne culturelle, économique et politique des relations entre le Mexique et les Etats-Unis.]].
« Quand on est invité à se mettre à hauteur des vrais enjeux et qu’on le fait, on devient très petit non seulement vis-à-vis des enjeux mais aussi vis-à-vis du programme de travail et de la liste de projets que la dynamique collective engagée produit. » Lydia Nicollet
La capitalisation des alliances et les témoignages recueillis montrent que penser une organisation progressive de type « poupées russes » n’est pas bon, non seulement parce que la géométrie et la géographie ont changé, mais aussi parce que le fait de se mettre en prise directe avec la dimension mondiale donne de la force et tire vers le haut. Dès le départ, l’alliance naissante doit penser sa problématique et construire ses relations au niveau international. Bien sûr, cela dépend des conditions de lancement de l’alliance, des moyens dont elle dispose, du type de problématique abordée et l’arrimage à la planète peut prendre plus ou moins de temps. Mais on voit bien dans le cas de la Fondation Sciences Citoyennes ou de l’IRESCA par exemple, la force et l’accroissement de vision que ces deux alliances tirent de leur prospections extra hexagonales.
IV. Le « facteur humain ».
« La confiance est plus forte que le droit parce que le droit se contourne et la confiance se trahit ». Un des 50 slogans de la FPH.
Il est ici question de mettre en évidence ce que les alliances doivent aux femmes et aux hommes qui les composent et comment ce type de collectif tire sa force des relations humaines qu’il abrite.
Pour comprendre ce qui fait la force d’une alliance citoyenne, il est légitime de produire une réflexion théorique sur ce mode d’organisation de la société civile et ce faisant, on va trouver des origines à cette force. D’une alliance à l’autre, on exhibe cependant un invariant qui semble bien être la première source d’énergie du processus : au-delà de toute considération organisationnelle et fonctionnelle, ce qui détermine l’ensemble de la mise en mouvement et le « style » d’une alliance doit beaucoup au vécu et aux motivations profondes des personnes impliquées dans le processus et peut-être plus encore à l’origine du processus.
Les alliances citoyennes sont des OVNI (Organisations Vivantes Non Institutionnalisées) dont le lancement demande un certain courage, beaucoup de conviction et quelque chose de l’ordre de la nécessité : pour leurs fondatrices et fondateurs, il est impossible que l’alliance qu’ils portent ne voit pas le jour. Ensuite tout est affaire de dynamique collective.
V. L’informalité stimulante d’une organisation articulée.
« L’organisation d’une alliance représente un réel défi : être construite sans être rigide, être souple sans être floue. C’est difficile. Mais quand ça « prend », quand ça réussit, c’est très puissant et cette réussite repose sur la responsabilité individuelle et la confiance. Bien sûr, en terme de structure de pensée, ce n’est pas la plus confortable mais c’est très exaltant. » Nathalie Dollé
Bien que non institutionnalisée et informelle, une alliance n’en est pas moins un être vertébré. On ne parle pas ici de mécanismes de transmission d’une quelconque autorité mais de nombreuses articulations dédiées aux échanges et à la production collective. Des cuisines où l’on se parle et l’on invente mais pas de salle de contrôle. « Accepter d’être créateur et lancer des processus au long cours, c’est résister contre sa propre éducation » [[Karine Goasmat, entretien.]]. Passer d’un système rigide dont le logiciel de gestion régule l’action à un collectif évolutif qui voyage vers son objectif avec sa seule liberté d’entreprendre dans une éthique commune, c’est passer d’une équipe de soutiers à un équipage de navigateurs. Et parier sur les individus en les laissant s’embarquer dans leur processus produit de bien meilleurs résultats que de borner et délimiter l’action au travers de normes et procédures rigides. Les cultures managériales actuelles (notamment des institutions publiques) parient finalement très peu sur la confiance et le pouvoir créateur des individus. Et on paie le prix fort l’obligation faite à chacun d’être d’abord un exécutant au fonctionnement parfaitement compatible avec les règles du jeu qui sont surtout des règles de contrôle du jeu. On voit bien dans le cas de l’alliance pour une nouvelle gouvernance en Afrique ou de la Charte des responsabilités humaines ce que produit un climat de confiance dans lequel les initiatives individuelles foisonnent, attisées par une obligation de résultat et une responsabilité assumées.
VI. Le partage des imaginaires
« Les méthodes plus que l’action sont des révélateurs de la cohésion. La manière de faire, de partager de collaborer fait partie du contrat et ça dit beaucoup ». Karine Goasmat
C’est là une vraie difficulté qui ne se réduit pas à une question de qualité d’écoute. C’est dans le temps que le calage se fait et qu’on mesure si il s’opère réellement. Là, il faut des garanties à la hauteur de l’enjeu car si les imaginaires divergent, les protagonistes peuvent se retrouver embarqués dans de véritables situations d’échec, des situations où « les passions se retournent ». Ce retournement des passions est le résultat d’une dérive invisible au quotidien, faite d’une succession de malentendus, de non-dits qui s’accumulent jusqu’au moment où il apparaît que les routes ont divergé de manière irréversible. Comment s’assurer que les imaginaires sont « calés » ? Par la réflexion et la convergence sur le « pourquoi » ? Par l’action et la convergence sur le « quoi » ? Oui bien sûr, mais pas seulement, car dans les exercices de réflexion commune, les personnes ne traversent pas toujours assez leur propre discours pour entrer dans l’univers de l’autre [[A lire sur ces questions l’ouvrage de Michel Sauquet et Martin Vielajus, L’intelligence de l’autre.
Prendre en compte les différences culturelles dans un monde à gérer en commun.]] ou adopter un réel aperspectivisme[[ Concept du à Jean Gebser. Voir à ce sujet www.thetransitioner.org/wikifr/tiki-index.php?page=Aperspectivisme&highlight=aperspectivisme]] . Et l’action, elle, ne laisse pas assez de place au questionnement et à l’évaluation. Au quotidien, la cohésion vient plus du « comment » que du « pourquoi » ou du « quoi » : ce sont les méthodes et leur respect qui cimentent le collectif. Et d’ailleurs, les problèmes liés aux méthodes de travail collaboratif ne renseignent pas d’abord sur la qualité des méthodes mais révèlent les décalages entre alliés. S’il semble finalement aisé de se mettre d’accord sur les idées, les concepts et la théorie, c’est dans la pratique et la manière de faire les choses que se trouve véritablement le ferment de l’unité.
VII. La pérennité et la stabilité.
Le fonctionnement transversal, décentralisé et sans structure hiérarchique sont des qualités en soi. Elles n’empêchent pas a priori d’éventuelles luttes de pouvoir. Mais celles-ci sont sans doute d’autant plus importantes que les organisations qu’elles traversent sont structurées. Pour une alliance dans laquelle « le pouvoir se crée mais ne se prend pas », le risque est d’être affaiblie par des luttes d’influences qui concernent d’abord la vision, l’horizon du processus et son enracinement dans une histoire longue. Par exemple, une personne qui arrive en cours de route avec toute sa conviction, son adhésion, sa motivation aura des difficultés à intégrer que l’histoire ne commence pas avec lui. Dès lors il faut se demander ce qui garantit que le processus est à la fois stable, souple et suffisamment intégrateur, tout en possédant une part immuable qui préserve le sens profond du projet. Certaines alliances ont adopté une charte qui grave dans le marbre ce qui est intangible.
Une alliance est un être vivant fragile conçue pour ne pas se fossiliser. Sans structure ni système qui porte son code génétique et son histoire, elle ne maintient son cap que par l’action de ses membres et le respect du principe fondamental de la responsabilité partagée. L’arrivée de nouveaux membres est à chaque fois une promesse de créativité et un renfort, pourvu que ce renouvellement ne mette pas en péril les principes fondateurs de l’alliance. Il peut être utile de fonder un groupe de garants de ces principes, capables d’arbitrer les débats sur les orientations à long terme du mouvement. A ce titre, tant que cela est possible, les fondateurs constituent des « garants de choix » puisqu’ils portent en eux la plus longue part de l’histoire de l’alliance.
VIII. Retour sur la biodiversité des alliances.
La diversité des alliances est grande et réjouissante. Elle prouve que dans de nombreux domaines, milieux et parties du monde il est possible de développer de nouvelles manières « de se relier à l’échelle locale, régionale, mondiale, afin d’élaborer, de mettre œuvre, de penser et d’agir en commun dans le respect de l’autonomie de chacun ». Elle montre et célèbre la fertilité du croisement de deux désirs : le désir de créer et le désir d’exercer sa responsabilité. Individuellement et collectivement, de la plus petite échelle, celle de sa propre personne, à la plus grande, la planétaire. A l’échelle mésoscopique des alliances, deux d’entr’elles, transversales à toutes les autres, symbolisent particulièrement ces deux désirs fondamentaux : l’alliance des artistes et l’alliance pour une Charte des responsabilités humaines. La première travaille à interroger et enrichir le regard que l’Humanité porte sur elle-même et sur le monde. La seconde travaille à construire un cadre relationnel durable entre l’Humanité et le monde. L’une aide à mieux se connaître, l’autre aide à mieux se pratiquer.
« Entre » ces deux alliances, des communautés travaillent, parfois ensemble, à la construction d’intelligences collectives. Elles ont en commun la légèreté de leur organisation, la souplesse d’action et le souci de développer des systèmes d’échanges productifs. Leur « rapport poids/puissance » les place en tête des organisations « écologiques » de la société civile. Aujourd’hui dévolues à la réflexion, à la circulation des idées et à l’élaboration de propositions, germes d’une communauté mondiale de citoyens en devenir, elles se positionnent vis-à-vis des pouvoirs politiques et économiques en place comme le faisaient « les salons du 18eme siècle, au rôle fondamental, mais qui n’avaient aucune existence institutionnelle publique. Ces salons étaient tenus par des dames, donc par des personnes exclues de la course au pouvoir et ainsi les salons étaient considérés comme apolitique et socialement non dangereux »[[Matthieu Calame, entretien]] pour les puissants. Ces expérimentations sociales et citoyennes vont se poursuivre et préfigurent peut-être des assemblées citoyennes. « Ces assemblées citoyennes seront des processus sociaux plus consistants, des rassemblements non éphémères, pour se prononcer, élaborer, proposer en instituant la société civile ».
Au cours de cette première étape de capitalisation, les animatrices et animateurs de ces alliances citoyennes ont souvent exprimé le désir d’interagir et de tisser des liens concrets entre alliances. Ainsi, après une première période qui a vu le développement de l’Alliance pour un monde responsable, plurielle et solidaire, puis une seconde période qui est celle du passage de l’Alliance aux alliances, on perçoit ici et là le désir d’entrer dans une troisième période, celle de la construction d’une alliance des alliances, dans laquelle chacun trouve sa place et son terrain d’action, peut préserver son identité et son intimité et déployer sa créativité en confiance pour développer non pas une « identité d’alliance mais [d’]une culture d’alliance »[[Nathalie Dollé, entretien.]] .
Terminons par une sorte de zoom arrière pour mieux percevoir une réalité très prometteuse : il existe de nombreux autres collectifs qui possèdent cette culture d’alliance sans nécessairement la nommer ainsi [[Comme le rappelle Matthieu Calame, il est parfois utile de ne pas nommer les choses et de préserver un flou qui fluidifie les relations et autorise les collaborations. Laisser émerger les consciences collectives sans chercher à imposer une identité commune.]] , qui partagent les convictions et les engagements de l’ensemble des alliés et de la FPH sans en partager nécessairement le « lexique » et qui constituent autant de perspectives exaltantes de rencontres et de collaborations.