Joseph Léa NKALWO NGOULA, Cameroun, abril 2016
L’Union Africaine à l’épreuve du terrorisme : forces et challenges de la politique africaine de sécurité
A la percée djihadiste sans précédent, qui malmène les appareils sécuritaires étatiques, s’oppose la faiblesse des mécanismes élaborés par l’UA pour contrer la menace terroriste au niveau régional et continental.
Keywords: Trabajar en alianza | Resistencia a los grupos terroristas | Oponerse a la impunidad | La responsabilidad de las autoridades políticas con respecto a la paz | | Seguridad y paz |
Résumé
L’Afrique est à la croisée de défis socio-économiques et sécuritaires majeurs. Face à l’urgence de la menace terroriste qui prospère sur la précarité sociale ambiante, l’Union Africaine (UA) a adopté un large éventail d’instruments juridiques et organisationnels pour endiguer son expansion sur le continent. A la percée djihadiste sans précédent, qui malmène les appareils sécuritaires étatiques, s’oppose la faiblesse des mécanismes élaborés par l’UA pour contrer la menace terroriste au niveau régional et continental. Nonobstant quelques avancées que l’on peut apprécier, persistent encore de nombreuses carences qui relèguent l’institution panafricaine au rang de maillon faible de la coopération internationale contre le terrorisme. La nature transfrontalière de la menace exige une prise en charge du problème au niveau continental. Mais celle-ci doit s’opérer de manière cohérente et coordonnée à travers l’élaboration d’une véritable stratégie antiterroriste. Aussi, la résolution des nombreuses pathologies qui affectent l’UA serait un atout dans cette bataille pour sortir l’Afrique du cercle vicieux de l’insécurité.
Contexte
Les entrepreneurs de la violence extrémiste ont changé d’échelle. Poursuivant jadis un agenda national, ils se sont progressivement internationalisés dans leur agenda et dans leur mode de déploiement. On observe aujourd’hui, parallèlement à l’affaiblissement du monopole des Etats, le triple phénomène de déterritorialisation, de réticulation − organisation en réseau − et de transnationalisation − dépassement du cadre étatique national − des mouvements terroristes et extrémistes. Face à ces dynamiques inédites, les réponses sécuritaires s’internationalisent et/ou se régionalisent. Les Nations Unies, l’Union Européenne mais aussi l’Union Africaine tentent de s’en saisir avec des moyens inégaux. La recrudescence des groupuscules et des attaques terroristes sur le continent nourrit cependant de vives inquiétudes et soulève des questions sur l’efficacité des moyens d’action mis en place par l’Union Africaine pour endiguer cette menace.
Idées majeures
Cette note s’articule autour de trois idées majeures :
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D’abord un constat : Contrairement au discours dominant sur l’inaction de l’Union Africaine face au terrorisme qui gagne du terrain en Afrique, il existe une large gamme d’instruments juridiques et de moyen d’actions – allant des mécanismes de coopération entre services de renseignement aux Forces régionales d’intervention – élaborés par l’UA pour contenir la menace terroriste sur le continent.
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Ensuite une évaluation : Malgré quelques expériences réussies, les mécanismes de lutte antiterroriste de l’Union Africaine peinent globalement à fonctionner efficacement pour des raisons qui tiennent à leur coordination et à leur financement. Ces problèmes nouveaux se superposent aux traditionnels problèmes de l’impuissance politique de l’UA et de l’absence de volonté politique de ses États membres, entravant les efforts dans la lutte antiterroriste.
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Enfin une recommandation : L’institution panafricaine se doit de penser une stratégie de lutte antiterroriste pour donner du sens et de la puissance à l’ensemble des instruments qui participent à son architecture de contreterrorisme.
Introduction
Le passage de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à l’Union Africaine (UA), à l’aube du nouveau millénaire, a inauguré un tournant décisif dans la dynamique d’intégration du continent. Il ne s’agissait pas seulement d’un changement de dénomination mais d’une véritable transformation structurelle en vue de relever deux challenges majeurs : permettre à l’Afrique de tirer son épingle du jeu de la mondialisation et répondre aux différentes crises qui sévissaient sur le continent.
Treize ans après la mise en place de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA), les résultats ne sont pas au rendez-vous. Paradoxalement, les dynamiques bellicistes n’ont cessé d’embraser des pans importants de l’Afrique. La carte des conflits et des foyers de tension s’est considérablement élargie, les poches de radicalisme se sont multipliées et la violence politique continue de se disséminer sur le continent. La montée du péril terroriste en Afrique met en relief les atermoiements de l’UA face aux nouvelles menaces transfrontalières qui gagnent du terrain sur le continent. La Tunisie, l’Algérie, l’Egypte, la Lybie, le Mali, le Nigéria, le Cameroun, le Tchad, le Niger, la Somalie, le Kenya ont tous été victimes du terrorisme au cours de l’année 2015. C’est la preuve que l’Afrique est en passe de devenir la plaque tournante du terrorisme transnational. Toutes les chapelles y sont représentées : des mastodontes de la galaxie salafiste1 aux start-ups du terrorisme qui recherchent une stature internationale2. L’émergence de foyers d’extrémisme au Sénégal, ainsi que les attentats de Ouagadougou (Burkina Faso) et de Grand-Bassam (Côte d’Ivoire), révèlent l’ampleur de la menace que fait peser les mouvements terroristes sur les États africains, et fait craindre un effet tâche d’huile qui pourrait plonger tout le continent dans une spirale de violences extrémistes.
La prolifération des extrémismes qui ignorent et méprisent les frontières représente sans doute une épreuve pour l’UA qui s’est donnée pour mission d’affirmer son leadership dans la gestion des crises sur le continent. Les efforts consentis par l’institution régionale pour préserver la paix, la sécurité et la stabilité du continent sont aujourd’hui éprouvés par l’évolution hypertrophiée de la menace terroriste.
La présente note se propose de dépasser les simples réquisitoires traditionnellement dressés contre l’UA pour reconnaître les efforts déployés, en évaluer les manquements et proposer des pistes pour renforcer l’efficacité de l’UA dans la lutte contre le terrorisme transnational.
I. Une nette avancée dans l’adoption des instruments mais des manquements dans leur mise en œuvre
A. Dix-huit années de réactions de condamnation et d’engagements de l’UA à combattre le terrorisme
Le terrorisme n’est pas une menace nouvelle en Afrique car il s’est progressivement implanté sur le continent depuis le début des années 19903. L’Afrique du nord fut la première région à faire face à cette nouvelle menace, d’abord comme victime, mais aussi comme base arrière pour des mouvements qui s’y sont installés pour mener plusieurs activités de recrutement et de formation de combattants. Cependant, c’est avec la destruction des deux ambassades américaines à Nairobi et à Dar es Salam le 07 Août 1998 que le terrorisme cesse d’être perçu comme une simple nuisance pour devenir une véritable menace stratégique en Afrique. Un an après, lors du 35e sommet de l’OUA de Juillet 1999, fut adoptée la Convention d’Alger qui traduisait le premier accord à l’échelle du continent sur la prévention et la lutte contre le terrorisme4. Plusieurs points avaient été abordés dans cette convention notamment la définition du terrorisme et l’engagement des États à : s’abstenir de tout soutien aux groupes terroristes, légiférer dans leur pays respectifs pour pénaliser les actes terroristes, coopérer en vue de lutter contre le terrorisme et extrader les auteurs des actes terroristes en cas de sollicitation d’un État Partie.
Un Plan d’action destiné à concrétiser les engagements et les obligations des États a été adopté par la réunion intergouvernementale de haut niveau des États membres de l’Union Africaine tenue à Alger, en septembre 2002. Ce plan intègre des dispositions spécifiques relatives notamment à la police et au contrôle des frontières, aux mesures législatives et judiciaires, à la répression du financement du terrorisme, à l’échange d’informations et à la coordination. La lutte contre le terrorisme franchi ainsi un nouveau pallier et le protocole additionnel à la convention d’Alger, adopté en Juillet 2004, vise justement à « renforcer la mise en œuvre efficace de la convention »5. Ce Protocole vise aussi à donner effet à l’article 3 (d) du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine qui stipule que l’un des objectifs du Conseil est de « coordonner et harmoniser les efforts du continent dans la prévention et la lutte contre le terrorisme international sous tous ses aspects »6.
D’autres résolutions s’ajoutent aux engagements déjà pris par les États membres comme les résolutions (256) 2009 et (136) 20147 qui intègrent respectivement la lutte contre le financement du terroriste, le renforcement des capacités nationales et la promotion de la coopération internationale en matière de lutte antiterroriste, dans la liste des efforts de l’UA pour contrer le terrorisme.
Trois dates importantes viennent compléter cette chronologie des réactions de condamnation et des engagements de l’UA contre le terrorisme. La Décision de l’UA, prise en 2009, sur l’incrimination et la répression du paiement des rançons aux groupes terroristes pour obtenir la libération des otages ; la nomination, en octobre 2010, du Représentant spécial de l’UA pour la coopération contre le terrorisme ; et l’adoption en juillet 2011 d’une loi-type sur la lutte anti-terroriste afin d’aider ses États membres à renforcer et /ou mettre à jour leur législation nationale en matière de prévention et de lutte anti-terroriste.
B. Les faiblesses des instruments adoptés pour prévenir et lutter contre le terrorisme
Malheureusement les différentes résolutions adoptées par l’UA se traduisent difficilement en actes concrets comme l’a reconnu ouvertement Idriss Deby : {« Nous nous réunissons souvent, nous parlons toujours trop, nous écrivons beaucoup, mais nous n’agissons pas assez et parfois pas du tout »8. Le déficit d’ « Hommes d’action », c’est bien ce qu’on peut reprocher au leadership de l’Union Africaine après deux constats inquiétants : seul 41 sur les 53 États membres ont ratifié la convention d’Alger pourtant entrée en vigueur depuis le 06 novembre 2002 ; seuls 15 États ont ratifié le Protocole additionnel adopté en 2004 et entré en vigueur le 26 février 2014, dix ans après son adoption. Pourtant, cet instrument renforce la cohérence et la coordination, en définissant clairement les rôles respectifs des CER/MR, de la Commission et du Conseil dans les efforts de lutte contre le terrorisme. En outre, il fait obligation aux États membres de soumettre des rapports au Conseil de Paix et de Sécurité à des intervalles réguliers à déterminer, sur les mesures qu’ils ont prises pour prévenir et lutter contre le terrorisme, ainsi que sur toutes les attaques terroristes survenues sur leurs territoires. Il va sans dire que de tels rapports facilitent grandement le partage de l’information, la coordination et le suivi, par la Commission de l’UA, des décisions adoptées au niveau continental.
La remarque selon laquelle les différentes conventions et résolutions sur la lutte contre le terrorisme manquent de mécanismes d’application robustes trouve ses fondements dans la faiblesse des mécanismes de prévention, de lutte et de coopération entre les États membres dans le domaine du contre-terrorisme9.
S’ajoute à cela l’absence de dispositifs contraignants pour amener les États membres de l’UA à respecter les engagements pris dans les résolutions et à mettre en application les dispositions opératoires du plan d’action et des protocoles relatifs à la lutte antiterroriste. La mise en œuvre des résolutions ne repose plus que sur la volonté des dirigeants, avec des motivations parfois égoïstes ou altruistes10. Un exemple édifiant à ce sujet : seul 03 États membres, à savoir le Ghana, Maurice et le Burkina Faso, ont formellement demandé à la Commission de mettre à leur disposition une expertise juridique afin d’intégrer les dispositions pertinentes de la loi-type dans leurs législations pénales. Les autres États instrumentalisent encore leur loi antiterroriste pour museler la société civile, la presse et l’opposition politique11.
Quelques mécanismes ont vu le jour pour combler ces lacunes et permettre à l’institution panafricaine de s’organiser contre le terrorisme.
II. Des mécanismes de contre-terrorisme impuissants ?
Les efforts de l’UA pour prévenir et lutter contre le terrorisme sont également perceptibles dans son architecture institutionnelle et dans les mécanismes qu’elle a adoptés à l’échelle continentale et régionale.
A. Un dispositif institutionnel qui prend en compte la menace terroriste
Pour mettre fin aux menaces à la paix, à la sécurité et à la stabilité du continent africain – parmi lesquelles figure en bonne place la menace terroriste – la Commission de l’Union Africaine – autorité exécutive de l’organisation – a intégré un Département Paix et Sécurité (DPS) dans son schéma administratif en 2004.
Le rôle du DPS est de soutenir le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine (CPS)12 à travers la mise en oeuvre de la Politique commune africaine de défense et de sécurité, la promotion de programmes pour la prévention structurelle des conflits, la coordination, l’harmonisation et la promotion des programmes de paix et de sécurité en Afrique, l’opérationnalisation de l’architecture africaine de paix et de sécurité (APSA)13.
Ce département est constitué de quatre divisions parmi lesquelles figure une Division de Défense et de Sécurité (DDS) en charge, entre autres problématiques sécuritaires, du contreterrorisme. Le Commissaire à la Paix et à la Sécurité est chargé du suivi des questions liées au terrorisme. Ces observations témoignent d’une certaine volonté de l’UA d’accorder une attention particulière à cet enjeu majeur de sécurité.
D’ailleurs un sous-comité sur la lutte contre le terrorisme a été créé en 2014 par le Conseil de paix et de sécurité de l’UA. Il s’agit d’un organe subsidiaire composé de cinq membres du Conseil, représentant les différentes régions du continent, pour assurer la mise en œuvre des instruments pertinents africains et internationaux ; élaborer, vulgariser et examiner régulièrement la liste des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme, conformément au Plan d’action de 2002 sur la prévention et la lutte contre le terrorisme ; et s’acquitter d’autres tâches connexes14.
B. Le CAERT : une pièce centrale du dispositif africain de contreterrorisme
La convention d’Alger et son plan d’action adopté en 2002 ont donné naissance au Centre Africain d’Etude et de Recherche sur le Terrorisme (CAERT). Né en 2004 à Alger, le CAERT agit en tant que structure de centralisation des informations, des études et des analyses sur le terrorisme et les groupes terroristes, et vise à développer des programmes de renforcement des capacités en matière de lutte antiterroriste des Etats membres de l’UA.
Avec un réseau de 47 points focaux nationaux et 7 points focaux régionaux, cette cellule du contreterrorisme africain établit une plateforme d’interaction, de discussion et de coopération en matière de lutte contre le terrorisme entre le États membres et les Communautés économiques régionales, tout en maintenant une coopération étroite avec le Comité des Services de Renseignement et de Sécurité de l’Afrique (CISSA)15 et certains mécanismes régionaux à l’instar de l’Unité de Fusion et de Liaison (UFL) du Sahel. Le Directeur du CAERT sert en même temps comme Représentant spécial de l’UA pour la coopération contre le terrorisme.
L’importance croissante du CAERT dans la lutte contre le terrorisme s’apprécie à l’aune du bilan des activités qu’il mène et des réalisations qu’il revendique16. Il a contribué au renforcement des capacités techniques, scientifiques et opérationnelles de lutte contre le terrorisme des États membres de l’UA, à travers des programmes et des séminaires de formation ; tenu plusieurs réunions des points focaux nationaux et régionaux ; élaboré un modèle d’évaluation de la menace terroriste. Tous les semestres, il publie un « Journal africain pour la prévention et la lutte contre le terrorisme » en plus d’une revue de presse quotidienne sur la lutte contre le terrorisme, des rapports mensuels et annuels sur le terrorisme (bien que le site internet officiel du CAERT ne témoigne pas de la permanence de ces publications, car très peu de revues y sont relayées)17. Le CAERT a mis en place une équipe de veille qui émet régulièrement des messages d’alerte antiterroristes et des rapports d’analyse préliminaire sur des attaques terroristes. Une base de données sur la prévention et la lutte contre le terrorisme a été mise en place et des missions d’évaluation sont régulièrement conduites dans les États membres.
Force est de constater que le CAERT mène une activité particulièrement bouillonnante, en témoigne son Plan d’action stratégique sur la période 2014 – 2017 qui repose sur quatre piliers : le renforcement du partage et de la dissémination de l’information à travers la Salle de Veille et le Système d’alerte rapide contre le terrorisme du CAERT (CTEWS)18 ; l’amélioration de la qualité et l’augmentation de la fréquence de ses publications ; la mise en œuvre de programmes nationaux et régionaux de renforcement des capacités, y compris celles des Points focaux pour la lutte contre le terrorisme ; et le renforcement de la coopération entre le CAERT et les partenaires régionaux et internationaux.
Malgré ces activités particulièrement intenses, tels que relayées par ses rapports, les idées du CAERT ne parviennent manifestement pas à intéresser les Etats africains. Ses services en matière de contre-terrorisme semblent moins prisés par les États africains, par rapport à l’expertise des think tank et des services de contreterrorisme occidentaux et internationaux19.
Le partage de l’information utile entre les unités de renseignement de chaque pays, et leur transfert au niveau du CAERT, reste sans doute un challenge majeur à relever pour assurer une bonne exploitation et coordination du renseignement relatif aux activités des groupes terroristes. Mais il faudra compter, pour chaque Etat membre, avec des appareils de renseignement datés, une communauté du renseignement globalement médiocre et une politique de renseignement essentiellement tournée vers la sécurité intérieure (surveillance des opposants politiques, détection des facteurs de trouble à l’ordre tels que les putschs)20.
Le CAERT rencontre également beaucoup de difficultés à assurer la coordination entre les services de sécurité et de renseignement des Etats membres du fait de l’absence de systèmes de communication sécurisés permettant de partager l’information essentielle en temps réel. Ce dispositif est onéreux et l’UA mise sur les contributions volontaires des Etats membres21.
C. L’AFRIPOL : une opérationnalisation en attente
Les lignes de démarcation entre les groupes terroristes et les organisations criminelles qui opèrent en Afrique se brouillent de plus en plus. On pourrait raisonnablement opiner que le terrorisme en Afrique est une variante de la grande criminalité organisée eu égard au mode opératoire de certains mouvements extrémistes et à leur mode de financement, qui provient majoritairement de la contrebande (narcotrafic, trafics d’armes et d’êtres humains, enlèvements). C’est le cas des nombreux mouvements terroristes qui opèrent dans le Sahel. Initialement organisés en cartels, ces groupes ont progressivement muté en groupuscules salafistes au gré des alliances opportunistes avec les fanatiques de la région. Ils ont trouvé dans le Djihad une tribune pour donner une légitimité religieuse à leurs pratiques.
La transnationalisation des groupes « criminalo-salafistes » ou « narco-terroristes » a contraint les polices africaines à penser un mécanisme permettant d’accroître la coopération policière en vue de répondre à la menace incarnée par cette criminalité transnationale organisée. Cette réflexion a débouché sur la mise en place d’un Mécanisme africain de coopération policière dénommé « AFRIPOL ».
Élaborer une stratégie africaine harmonisée de lutte contre la criminalité ; promouvoir la coordination entre institutions de police aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique ; renforcer les capacités analytiques des polices africaines en matière d’évaluation des menaces criminelles ; mettre en place des centres d’excellence africains, en matière de police scientifique et technique, d’analyse criminelle, de lutte contre la cybercriminalité et de lutte contre le trafic illicite de drogue ; tels sont les objectifs affichés par cette ambitieuse structure qui s’est dotée d’un siège à Alger étalé sur une superficie de 1,4 hectare avec 28 bureaux et deux grandes salles de conférence.
Le projet Afripol est pourtant très récent. L’idée de sa création avait commencé à germer sous l’impulsion de la diplomatie algérienne lors de la 22e conférence régionale africaine d’Interpol, tenue en septembre 2013 à Oran. La conférence africaine des directeurs et inspecteurs généraux de police sur Afripol, organisée à Alger en février 2014, a permis l’adoption du document conceptuel et de la déclaration d’Alger. A l’occasion du 23e sommet de l’Union africaine qui a eu lieu à Malabo (Guinée Equatoriale) en juin 2014, les chefs d’Etat et de gouvernement africains ont approuvé la création d’AFRIPOL. Plusieurs autres réunions ont été organisées pour examiner et élaborer les statuts et l’architecture d’Afripol, son programme d’action ainsi que les options de son financement. La dernière rencontre des chefs de police africains date du 13 décembre 2015, pour l’inauguration de son siège à Alger et la promesse de son opérationnalisation en 2016. Cependant cette opérationnalisation tarde à se concrétiser tandis que les liens continuent de se renforcer entre les organisations terroristes et les entrepreneurs du crime organisé.
D. Une multiplication de mécanismes régionaux
Le CAERT, l’AFRIPOL et même le CISSA ont pour vocation de contribuer à la lutte antiterroriste à l’échelle continentale. D’autres initiatives visant à faire face aux menaces terroristes localisées dans une aire particulière sont placées sous la tutelle de l’UA. Ces initiatives revêtent soit la forme de missions avec envoi d’experts et/ou de troupes sous les auspices de l’UA, soit la forme de programmes visant à accroître la coopération sécuritaire entre les États de la zone d’intervention en vue de faire face à la menace terroriste.
En matière de programme, le Processus de Nouakchott22 lancé en mars 2013, en vue du renforcement de la coopération sécuritaire et l’opérationnalisation de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (AAPS) dans la région sahélo-saharienne, est l’un des visages de ces initiatives régionales portées par l’UA. Il prend la forme de forums bimensuels et biannuels réunissant respectivement les chefs des services de renseignement et de sécurité, et les ministres des affaires étrangères de onze pays23, avec la participation des structures compétentes de l’UA et des Nations Unies24. Ces rencontres permettent aux ressortissants des différents États d’échanger des vues sur la situation sécuritaire de la région, d’évaluer les différents risques et menaces qui pèsent sur les États, et de prendre des mesures en termes d’approfondissement de la coopération et de renforcement des capacités nationales pour faire face à ces défis sécuritaires. Lors de la réunion des ministres de la Défense et des chefs l’état-major des pays participant au Processus de Nouakchott, le 4 septembre 2015, les États se sont accordés sur la mise en place d’une force d’intervention pour le nord Mali en vue de mettre fin à la mainmise des terroristes et criminels sur cette région.
Les missions quant à elles sont présentes sur tous les théâtres d’opération où les groupes terroristes poursuivent leur campagne de terreur.
La Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (MISAHEL) est la structure de l’UA chargée de la mise en œuvre de la Stratégie de l’UA pour la région du Sahel. Cette stratégie comprend trois volets : la gouvernance, le développement et la sécurité25. Le volet sécuritaire comprend la lutte contre le terrorisme et le crime transfrontalier organisé qui se sont sanctuarisés dans la région. La MISAHEL poursuit sa mission en coopération étroite avec les autres structures de l’UA. Cette initiative va au-delà de la promotion de la coopération sécuritaire pour intégrer le soutien aux programmes de Démobilisation, Désarmement et Réinsertion (DDR) et de Réforme du Secteur de Sécurité (RSS) qui représentent autant d’axes pour réduire les facteurs qui attisent le développement des extrémismes. La MISAHEL est dirigée par le Haut Représentant de l’UA pour le Mali et le Sahel.
L’Initiative de coopération régionale sous conduite de l’UA pour l’Élimination de l’Armée de Résistance du Seigneur (ICR-LRA)26 a été autorisée par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA en novembre 2011 et est opérationnelle depuis mars 2012. A travers son Mécanisme conjoint de coordination, présidé par le Commissaire de l’UA à la Paix et à la Sécurité ; sa Force régionale d’intervention (FRI) avec un effectif maximal envisagé de 5 000 soldats fournis par les pays affectés ; et son Centre des opérations conjointes, armé par des officiers détachés par les pays affectés, l’ICR-LRA s’emploie à renforcer la capacité opérationnelle des pays affectés par les exactions commises par la LRA, à créer un environnement propice à la stabilisation des régions affectées et de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire aux régions touchées. Cette mission a contribué à réduire de manière significative la capacité de nuisance du groupe LRA à travers la destruction de ses camps en RDC et en RCA, et la perturbation de ses réseaux d’approvisionnement.
Le Centre de coordination des opérations conjointes de l’AMISOM (CCOC) est un dispositif important de la stratégie de contre-insurrection conduite par l’AMISOM27 et le gouvernement somalien. Elle est née sur les cendres de l’Unité de Fusion et de Liaison de Mogadiscio, initialement crée par l’AMISOM avec le soutien du CAERT. Son objectif est de faciliter le partage d’informations et la coordination des opérations de l’AMISOM et des forces de sécurité somaliennes à travers : un renforcement des capacités des organismes de sécurité somaliens dans la collecte et l’analyse des informations et du renseignement, ainsi que le partage et la diffusion, en temps réel et de manière sécurisée, d’informations opérationnelles ; la surveillance des frontières de la somalie pour empêcher l’entrée des criminels et des terroristes ; la mise en place de structures similaires dans les secteurs dans lesquels des contingents de l’AMISOM sont déployés28.
La lutte contre Boko Haram représente l’un des multiples fronts ouvert par l’UA contre le terrorisme. Elle s’est traduite par un soutien à l’opérationnalisation de la Force Multinationale Mixte (MNJTF). Cette dernière rassemble des unités civiles et militaires de quatre pays membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT)29 plus le Bénin. L’initiative régionale commence à prendre forme en juin 2014, date à laquelle l’UA exprime sa volonté de mettre en place une force régionale semblable à celle créée contre l’ICRLRA pour mettre fin aux atrocités de Boko Haram dans le Lac Tchad. Elle choisit alors de s’appuyer sur le projet amorcé par le CBLT. Le 06 mars 2015, l’UA entérine la création de la Force Multinationale Mixte après plusieurs réunions de concertation des chefs d’États et experts. Le mandat de la MNJTF est déterminé et son Concept d’opérations (CONOPS) est validé. Néanmoins, les responsabilités sont partagées entre l’UA et la CBLT à travers la signature d’un Protocole d’accord le 20 octobre 2015 qui précise le rôle de la Commission de l’UA et du Secrétariat de la CBLT dans la mise en œuvre du CONOPS.
L’Union Africaine est visiblement sur tous les fronts si on s’en tient à la panoplie de mécanismes créés pour combattre le terrorisme sur son sol. Cependant le bilan des engagements qu’elle multiplie reste mitigé et l’efficacité des mécanismes mis en place est diversement appréciée.
E. Une batterie de mécanismes à l’effectivité et à l’efficacité limitée
Si dans une région comme le Sahel, on peut saluer les avancées obtenues grâce au renforcement de la coopération entre les services de renseignement et de sécurité – ce qui s’est traduit par l’arrestation et l’extradition de plusieurs djihadistes30 – on peut également déplorer les difficultés à maîtriser les flux de plus en plus importants de djihadistes et à déjouer les attaques qu’ils planifient. L’ampleur des attaques dans la région malgré l’importance des moyens et des acteurs engagés31, en sus du dispositif de l’UA, dénote une certaine faiblesse des instruments en place à juguler les campagnes de terreur lancées par les salafistes dans la région.
Les initiatives de l’UA, bien que bonnes en intention, restent intrinsèquement limitées car l’institution ne semble guère avoir les moyens politiques et financiers de sa politique. Les moyens politiques lui font défaut puisqu’elle ne parvient pas à peser suffisamment sur les États pour obtenir d’eux une collaboration totale face aux crises sécuritaires aiguës. Cette impuissance à faire plier les États s’est illustrée lors des concertations des pays de la CBLT pour mettre en place une force régionale destinée à lutter contre Boko Haram. Les tensions historiques entre le Cameroun et le Nigéria et les guerres de leadership qui opposaient le Tchad au Nigéria ont considérablement ralenti la coopération entre les services de renseignement et de sécurité de la région. Boko Haram a profité de ces divisions pour s’implanter et élargir son rayon d’action32. Pourtant, la médiation de l’Union Africaine sur ces dossiers n’a pas été au rendez-vous. Seule l’urgence de la menace a contraint ces États à dépasser leurs antagonismes.
Sur le plan financier, la quasi-totalité des mécanismes mis en place ont beaucoup de mal à fonctionner à cause de l’insuffisance des ressources financières. Certains États rechignent à
participer au financement de programmes pourtant destinés à faire fonctionner les régimes de sécurité collective. La faible marge de manoeuvre financière de l’Union Africaine compromet l’efficacité des mécanismes dont l’existence ne se limite désormais qu’aux rencontres multilatérales annuelles où l’on discute des grands enjeux sécuritaires, définit des objectifs ambitieux et élabore des plans d’action robustes qui ne seront que rarement mis en œuvre33. Le projet de création d’un « Fonds anti-islamiste » destiné à financer la lutte contre les insurrections islamistes en Afrique avait été proposé par le président kenyan Uhuru Kenyatta en septembre 2014. Mais 34il a rapidement été abandonné du fait de l’échec de la coopération financière, récurrente pomme de discorde au sein de l’UA. Faute de pouvoir mobiliser des fonds auprès des États membres, l’UA se retourne vers des partenaires extérieurs35, ce qui ne manque pas de poser de nouveaux défis géopolitiques.
Il est régulièrement admis qu’il existe un lien inextricable entre la souveraineté budgétaire en matière de défense, l’autonomie stratégique et l’indépendance politique sur la scène internationale. En d’autres termes, la possession de ressources autorise à opérer des choix autonomes en matière de défense et de sécurisation de son territoire. Mais l’autonomie stratégique ne se limite pas là, elle intègre également la capacité de procéder à sa propre définition de la menace, des priorités et des choix tactiques. Cependant la dépendance financière de l’Union Africaine36 vis-à-vis de ses partenaires financiers réduit considérablement sa promptitude et ses marges de manoeuvre dans ses choix sécuritaires. La plupart des mécanismes précédemment présentés reposent significativement sur l’assistance internationale, ce qui expose à deux principaux risques.
Le premier est le risque de voir un programme privé de financements extérieurs parce que les intérêts stratégiques des partenaires ne sont pas menacés dans la région où le programme est implémenté. Il s’en suit qu’ils orienteront davantage leurs efforts vers les régions qui entrent dans leurs priorités stratégiques au grand dam parfois des choix prioritaires de l’UA37.
Le second risque est l’incertitude qui plane sur les engagements des donateurs, qui peuvent se raviser ou revoir leurs promesses à la baisse, ce qui ne manquera pas d’avoir un impact sur la mise en œuvre du mécanisme. C’est le problème que soulevait Moussa Faki Mahamat, ministre tchadien des Affaires étrangères, en confiant au journal Le Monde : « En 2013, les donateurs internationaux avaient promis 530 millions de dollars pour aider à la lutte antiterroriste au Mali, où nous avons déployé 2 500 hommes. Ce qui nous a coûté près de 150 millions de dollars. Mais seulement 40 millions de dollars ont été mis à la disposition de la force africaine, et le Tchad, en première ligne dans la lutte contre le terrorisme, a reçu des miettes. »38
Les faiblesses des outils régionaux et continentaux destinés à lutter contre le terrorisme semblent avoir précipité le continent dans l’étau du salafisme djihadiste. Le constat est partagé par le président tchadien, Idriss Deby Itno, devenu président de l’UA en 2016, qui affirmait déjà en 2014 : « Les insurrections qui balaient actuellement de nombreuses parties de l’Afrique se portent très bien grâce à la faiblesse des mécanismes de réponse »39. La menace terroriste a pris des proportions encore plus grandes au cours de l’année 201540 avec des conséquences tout aussi tragiques41. Les développements récents de la situation sécuritaire dans le Sahel, rythmée par les attaques revendiquées par Al-Mourabitoune à Bamako et à Ouagadougou, démontrent l’importance stratégique de l’Afrique dans la guerre d’influence qui oppose Al-Qaeda à l’État Islamique42. Les deux organisations rivalisent de cruauté pour conquérir des parts dans le marché du djihadisme43. En Somalie, le groupe Al-shabab semble avoir regagné ses capacités opérationnelles et multiplie désormais des offensives à l’instar de l’attaque sur l’hôtel Syl perpétrée le 26 févier 201644. En Afrique du Nord, la crise politique et sécuritaire qui menace la Libye a offert un sanctuaire aux nombreuses factions islamistes affiliées à l’État Islamique45. Face à cette percée islamiste, inédite dans l’histoire du continent, il y a urgence à renforcer les mécanismes de réponse et à garantir leur coordination efficace à travers la définition d’une véritable stratégie antiterroriste en amont.
III. L’absence d’une véritable stratégie antiterroriste
A. Des moyens d’action routiniers et disparates
L’approche régionale de l’Union Africaine en matière de lutte contre le terrorisme est assez connue et consiste à créer ou soutenir une Force régionale d’intervention (FRI) qui se décline en composante policière, civile et militaire46. Le mandat assigné à cette force est partout le même, l’UA reproduit les schémas classiques de sortie de conflits, englobés sous le jargon « peace-keeping » et « peace-building ». En d’autres termes, il s’agit pour cette force régionale de : rétablir la sécurité dans la région à travers une intervention musclée, faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire, reconstruire l’État (s’il est en déliquescence) ou restaurer son autorité (s’il s’agit d’une zone grise), reformer l’armée et les services de sécurité ou juste renforcer ses capacités, faciliter la coopération opérationnelle entre les appareils de sécurité et de défense de la zone d’intervention. Les Forces Multinationales Mixtes, l’AMISOM, l’ICR-LRA partagent sensiblement la même feuille de route avec de légères différences liées aux spécificités des contextes d’intervention.
Mais au-delà de cette approche qui répond en partie aux besoins du terrain, il faudrait admettre que l’UA fait preuve d’un manque d’innovation dans ses méthodes d’intervention. Ses actions sont assez disparates et ne procèdent guère d’une approche systémique et méthodique de prévention et de lutte contre le terrorisme. C’est en partie ce qui explique les difficultés rencontrées dans la coordination des mécanismes existants. Pourtant il existe des exemples dont l’UA pourrait s’inspirer.
B. L’exemple de la stratégie antiterroriste de l’Union Européenne
Tout en reconnaissant que la lutte contre le terrorisme reste avant tout une compétence nationale, l’Union Européenne a élaboré en 2005 une stratégie antiterroriste qui s’articule autour de quatre domaines d’actions : la prévention, la protection, la poursuite et la réaction47. Des priorités précisant dans le détail les mesures à prendre sont associées à chaque domaine d’action. Les moyens d’action élaborés à l’échelle européenne sont mis à contribution pour renforcer le poids de l’Union Européenne dans la lutte contre le terrorisme.
Le domaine de la Prévention consiste à « empêcher que les individus se tournent vers le terrorisme en s’attaquant aux facteurs et causes profondes qui mènent à la radicalisation et au recrutement en Europe et au niveau international »48. Elle s’est traduite dans l’élaboration d’une Stratégie de lutte contre la radicalisation et le recrutement de terroristes qui repose sur la coordination des politiques nationales, le partage d’informations et le recensement des bonnes pratiques. Le Réseau de Sensibilisation à la Radicalisation (RAN) représente à ce stade l’outil de l’UE qui soutien et met en relation les différents acteurs engagés dans la lutte contre la radicalisation et le recrutement des personnes à des fins terroristes. Le Centre pour l’Analyse de l’Information et Europol apportent également leur pierre à l’édifice préventif en évaluant les menaces qui pèsent sur les États membres tout en coordonnant le partage des informations et des analyses.
Le volet consacré à la Protection vise à « protéger les citoyens et les infrastructures et réduire leur vulnérabilité aux attentats en renforçant la sécurité des frontières, des transports et des infrastructures critiques »49. L’autre dimension de la protection consiste à réduire les conséquences des attentats terroristes. Frontex, Airpol, le Système d’Information Schengen et le Registre des Passagers Aérien (PNR) répondent aux besoins de surveillance et de sécurisation des frontières terrestres et maritimes de l’union.
La Poursuite est le troisième domaine d’action qui vise à « enquêter sur les territoires et poursuivre les terroristes à l’intérieur des frontières européennes et au-delà, empêcher la planification, les déplacements et les communications, désorganiser les réseaux de soutien, empêcher l’accès au financement et au matériel nécessaire à la réalisation des attentats et traduire les terroristes en justice »50. L’Union Européenne agit à ce stade en encourageant l’échange d’informations et de données du renseignement, en fournissant une analyse commune de la menace et en renforçant les capacités opérationnelles des États en matière de répression. Le soutien apporté en matière de poursuite est assuré par Eurojust – qui facilite la coopération judiciaire – avec le concours d’une palette d’outils à l’instar du Mandat d’arrêt européen et le Système Ecris, qui connecte les bases de données contenant les casiers judiciaires. Europol y joue aussi un rôle déterminant en facilitant la coopération policière.
Le dernier pilier qui porte sur la Réaction se donne pour objectif de « se préparer, dans un esprit de solidarité, à faire face aux conséquences d’un attentat terroriste et à les atténuer le plus possible en améliorant les capacités de l’UE à gérer les effets de l’attentat, la coordination de la réaction et les besoins des victimes »51. L’UE intervient dans ce domaine en soutenant les associations nationales de victimes et en encourageant la mise en place d’un Dispositif de coordination des crises assorti de procédures opérationnelles. Plusieurs autres outils transversaux viennent se greffer à ce dispositif particulièrement robuste. On peut citer le Réseau Atlas qui rassemble les forces d’intervention de l’UE ; le Fond de Sécurité Intérieur (FSI) qui promeut la mise en œuvre d’une coopération pour, entre autres, la gestion des risques et des crises ; le Comité Permanent de Sécurité Intérieur (COSI) qui facilite la coordination des actions opérationnelles entre États pour une meilleure cohérence des acteurs européens responsables de la lutte contre le terrorisme. L’ensemble de ces moyens d’action sont coordonnés par un Coordonnateur de la lutte contre le terrorisme qui siège à Bruxelles.
A l’observation, on peut saluer la cohérence dans la réponse collective apportée par l’UE à la menace terroriste. La stratégie antiterroriste définie en amont facilite la coordination des différents mécanismes de l’UE tout en permettant aux États membres de coopérer en bonne intelligence pour contenir la menace terroriste. Sans exiger de l’Union Africaine qu’elle reproduise une stratégie semblable, il lui serait tout de même bénéfique de s’en inspirer. La définition d’une stratégie en amont est un préalable indispensable pour coordonner efficacement les différents moyens d’action de lutte contre le terrorisme adoptés au niveau régional et continental. Cette stratégie serait surtout très utile pour éviter un problème majeur qui compromettrait le financement, et donc le fonctionnement, des différents mécanismes créés : il s’agit du problème du chevauchement des mécanismes de lutte antiterroriste en Afrique.
C. Les problèmes du chevauchement des mécanismes de lutte antiterroriste en Afrique
La duplication, sur un même théâtre d’opération, des mécanismes ou des initiatives visant à lutter contre le terrorisme est liée à l’absence de cadre global qui définisse la mission à poursuivre, les grandes orientations ou axes d’intervention assortis d’objectifs précis, le plan d’action détaillé, les services ou instruments destinés à réaliser ces actions, les ressources dont devraient bénéficier chaque instrument ou service, le calendrier d’exécution de chaque activité et les responsabilités de l’UA et des Communauté économiques régionales. Une telle démarche, qui s’opère en amont, offre une lisibilité et une visibilité accrue sur les différentes actions poursuivies et facilite leur coordination et leur ajustement permanent aux contraintes internes (faiblesses et lacunes du mécanisme) et externes (changement observés sur terrain). Elle permet également de mettre à contribution les autres organes et institutions spécialisées de l’Union Africaine pour garantir un rendement optimal.
Il existe des régions dans lesquelles plusieurs programmes poursuivant les mêmes objectifs sur le même domaine d’intervention se chevauchent pour contenir une même menace. La région du Sahel nous offre un exemple assez édifiant du phénomène de duplication des instruments de contreterrorisme. Dans cette région en proie à l’activisme de plusieurs groupes islamistes, une première initiative visant à lutter contre le terrorisme a vu le jour à travers la coopération des « pays du champ » qui rassemblent l’Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Mali. Après la signature en 2009 d’un Mémorandum de coopération et de coordination des actions de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, les pays du champ ont créé en avril 2010 un Comité d’état-major opérationnel (CEMO) chargé de coordonner leurs actions militaires antiterroristes. Ils ont également mis en place une Unité de Fusion et de Liaison (UFL), une sorte de centre de renseignement contre le terrorisme.
A partir de 2013, l’Union Africaine engage dans la même région le Processus de Nouakchott destiné à renforcer la coopération sécuritaire entre les États en vue de lutter contre le terrorisme. En 2014, quelques États se rassemblent et créent le G5 Sahel, réunissant la Mauritanie, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad pour, disent-ils, « coordonner leur politique de développement et de sécurité dans la lutte contre le terrorisme ». Le 20 novembre 2015, après les attentats de Bamako, les chefs d’État du G5 Sahel envisagent le lancement d’une force anti-terroriste conjointe. Lors de leur deuxième comité de défense et de sécurité tenu le 3 mars 2016, ils réitèrent cette volonté en rajoutant un projet de mise sur pied d’un centre de coordination basé en Mauritanie, dont la mission sera de surveiller et alerter sur les menaces terroristes. Toutes ces initiatives dans le Sahel se superposent aux programmes pilotés par les forces françaises et américaines.
En s’appuyant sur ces exemples d’initiatives de contreterrorisme dans le Sahel, le chercheur William Assanvo conclut :
« Malheureusement, comme il est de tradition, elle (la lutte contre le terrorisme dans le Sahel) a également pêché par un grand nombre de problèmes relatifs au manque ou la faible cohérence et coordination entre ces différentes initiatives, chaque acteur poursuivant généralement un agenda (politique, diplomatique ou géopolitique) et mettant en œuvre des instruments particuliers, et se focalisant sur un pays ou un groupe de pays. Ce qui a souvent conduit à la duplication des actions. Cette situation est susceptible d’avoir un impact sur l’efficacité même de l’assistance internationale dans son ensemble. »52
L’inflation d’instruments qui poursuivent tous les mêmes objectifs ne peut que poser d’énormes problèmes de coordination et de financement. En effet, chaque mécanisme fonctionne grâce aux contributions des État qui y sont impliqués et aux soutiens multiformes des partenaires bilatéraux et multilatéraux. La superposition des mécanismes alourdit les charges et empêche les États d’honorer leurs multiples engagements financiers. Les partenaires aussi sont acculés de demandes et ne savent plus trop où allouer les ressources.
Pourtant, la définition d’une stratégie commune en amont aurait facilité non seulement la coordination des mécanismes mais aussi l’allocation des ressources pour une gestion efficiente et efficace des crises sécuritaires.
L’ensemble des anomalies susmentionnées entravent les efforts engagés par l’Union Africaine pour lutter contre le terrorisme. Pour y remédier, des réformes et des initiatives doivent être prises.
IV. 10 points pour améliorer l’efficacité de l’UA dans la lutte antiterroriste
Les actions entreprises par l’Union Africaine pour enrayer la menace que fait peser les groupes terroristes sur ses États membres sont multiples mais connaissent des lacunes. Ces lacunes consistent à la fois en l’absence d’une approche globale, qu’il conviendrait de définir au préalable, et en des instruments ou initiatives à adopter d’urgence pour renforcer le dispositif de lutte antiterroriste. Dix mesures se révèlent particulièrement importantes à adopter pour accroître l’impact des efforts de l’institution panafricaine dans la lutte contre le terrorisme transnational. L’adoption de ces mesures permettrait de réduire la menace terroriste.
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1) Élaborer une véritable stratégie de lutte contre le terrorisme à l’échelle du continent. Il est question de se doter d’un cadre global qui va orienter les efforts de l’UA et des partenaires extérieurs dans la lutte contre le terrorisme. Cette stratégie n’exclut pas l’élaboration de stratégies régionales plus ajustées aux réalités de la zone. Mais celles-ci doivent être une déclinaison de la stratégie globale pour garantir une coordination efficace ;
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2) Développer des approches plurisectorielles (sécurité, gouvernance, développement) et multidimensionnelles (prévention, protection, poursuite, réaction), associées à une diplomatie multi-acteurs53 pour lutter contre le terrorisme sur les différents théâtres d’opération. L’approche doit être holistique pour pouvoir s’attaquer à toutes les dimensions de la lutte antiterroriste ;
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3) Impliquer pleinement et de manière cohérente l’ensemble des programmes, organes et institutions de l’UA qui existent déjà dans ses efforts pour endiguer la menace terroriste. Leur prise en compte empêche toute duplication d’initiative au sein de l’institution panafricaine. Par exemple le Programme Frontière de l’UA (PFUA) devrait être coordonné aux efforts de contreterrorisme pour améliorer les contrôles aux frontières et réduire la mobilité des groupes terroristes. Le Conseil économique, social et culturel (ECOSSOC) pourrait également jouer un rôle important en faisant participer pleinement les sociétés civiles africaines et en coordonnant leurs actions dans le domaine de la prévention et de la lutte contre le terrorisme ;
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4) Coordonner le plan d’action de l’UA en matière de lutte antiterroriste avec les efforts engagés par les Nations Unies dans le cadre de la Stratégie antiterroriste mondiale adoptée par son assemblé générale le 8 septembre 2006. Cette démarche accroîtrait l’efficience des actions entreprises par les deux parties dans ce domaine ;
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5) Résoudre la difficile équation du financement de l’UA pour accroître sa marge de manoeuvre dans la gestion des crises sécuritaires et atténuer sa dépendance vis-à-vis des partenaires et des bailleurs de fonds. Deux solutions se présentent : soit elle définit des sanctions pour contraindre les États à honorer leurs engagements financiers54, soit elle trouve des sources de financement alternatif en relançant le projet de taxe sur les nuits d’hôtel, les billets d’avion et les SMS55 ;
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6) Convaincre ou contraindre tous les États membres à signer et/ou ratifier l’ensemble des instruments pertinents de l’Union Africaine relatifs à la prévention et la lutte contre le terrorisme. Cette action renforcerait la coopération sécuritaire et faciliterait davantage les mécanismes de lutte antiterroriste ;
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7) Renforcer le partenariat stratégique avec les États-Unis et la France pour une meilleure coordination des efforts engagés par les différents acteurs dans le cadre de la lutte antiterroriste. Par exemple, le renseignement recueilli par la France dans le cadre de l’opération Barkhane, ou par les drones américains qui survolent les zones qui abritent les foyers salafistes, pourrait être très utile au CAERT et au CISSA qui sont dépourvus des technologies servant à collecter ce type d’informations (drones, satellites) ;
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8) Créer au sein du CAERT une cellule de réflexion protective pour anticiper sur les différentes mutations des nouvelles menaces transfrontalières en rapport avec l’évolution du paysage stratégique africain. On ne l’a pas vu venir, mais la transition démographique du continent, avec une proportion de plus en plus grande de jeunes, a été pour beaucoup dans le développement sans précèdent des mouvements terroristes. De telles corrélations et bien d’autres doivent être anticipées ;
La médiation de l’Union Africaine doit être d’une grande importance sur deux dossiers :
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9) Sur le dossier libyen, le vide politique a favorisé l’implantation des groupes terroristes affiliés à Daesh et malgré la médiation des Nation Unies, « le processus politique évolue plus lentement que l’expansion de Daesh »56. L’Union africaine devrait donc jouer sa partition pour l’avancement du processus politique en multipliant les contacts avec les différentes parties pour obtenir la validation d’un gouvernement d’union nationale ;
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10) L’UA doit peser de tout son poids dans le Maghreb pour relancer la coopération sécuritaire bloquée à cause du différend qui oppose Rabat à Alger. Cette coopération est d’autant plus nécessaire que cette région grouille de factions islamistes qui, du fait de leur grande mobilité, échappent allègrement aux mailles sécuritaires des États.
Conclusion
La prolifération des mouvements terroristes en Afrique a contraint l’Union africaine à se doter d’une large gamme d’instruments juridiques et organisationnels pour adapter son architecture de défense et de sécurité à la nouvelle menace transfrontalière.
Malgré le danger que cette menace représente pour l’Afrique, elle offre aussi aux États Africains une opportunité de coopérer en touchant à des domaines qui jusque-là relevaient de la souveraineté des États.
Sous l’impulsion de l’Union Africaine, les efforts en matière de lutte contre le terrorisme se mutualisent, les cadres de coopération sécuritaire se multiplient mais l’efficacité de toutes ces initiatives est amoindrie par l’absence d’un cadre stratégique qui oriente les actions et par les maux intrinsèques à l’institution panafricaine.
Pour emprunter au vocabulaire sociologique, la menace terroriste en Afrique est un fait social total. C’est-à-dire, en l’espèce, une sorte de pathologie à partir de laquelle on peut lire l’ensemble des maux et faiblesses structurelles qui affectent le continent. Le terrorisme est sans conteste une unité d’analyse pertinente pour saisir des contradictions en Afrique.
Cependant rien n’est perdu car une bonne coordination et une réelle volonté politique des dirigeants dans la lutte contre le terroriste permettraient d’enrayer l’expansion de cette menace sur le continent africain et de marquer un pas significatif dans la réalisation de l’idéal d’une « Afrique pacifiée et sécurisée » exprimé dans l’Agenda 2063 de l’Union Africaine.
Notas
Nkalwo Ngoula Joseph Léa, « L’Union Africaine à l’épreuve du terrorisme : forces et challenges de la politique africaine de sécurité », Thinking Africa, Note d’analyse politique n°35, Avril 2016.
1Nous pouvons citer parmi ces mastodontes Al-Qaeda et Daesh qui opèrent à travers des franchises telles que Boko Haram, Al-Shebab, AQMI, Al-Mourabitoune, Jund Al-Khalifa, Ansar Baït Al-Maqdi, Ansar Al-Charia, Oqba Ibn Nafaa, etc., implantées dans le Maghreb, le Sahel et la corne de l’Afrique.
2Des mouvements tels que l’ADF-Nalu (Allied Democratic Forces) – présent en Ouganda et dans l’Est de la RDC – et le Front de libération du Mecina (FLM) – présent dans le Nord et marginalement dans le centre du Mali – font figure de start-up du terrorisme en Afrique. Pour un panorama des mouvements terroristes qui opèrent en Afrique, voir : François Vandendriessche, « Comprendre et lutter contre les groupes armés au Sahel », Thinking Africa, NDR no 24, Janvier 2016 ; Nkalwo Joseph Léa. « L’Afrique dans le collimateur de l’islam radical », Thinking Africa, NDR n° 21, Juillet 2015.
3La première vague de la mouvance islamique émerge dès 1992 au sein du GIA (Groupe islamique armé) après l’annulation par le pouvoir algérien des élections qui avaient consacré la victoire du Front Islamique du Salut.
4Il est important de rappeler la résolution [AHG / Res.213 (XXVIII)] sur le renforcement de la coopération et de la coordination entre les Etats dans l’optique de lutter contre les phénomènes d’extrémisme et de terrorisme adoptée par l’OUA en 1992.
5Protocole à la convention de l’OUA sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, Addis-Abeba, 08 juillet 2004.
6Ibid. P.4
7Résolution sur « La lutte des pays africains contre le terrorisme sous toutes ses formes à travers le renforcement des capacités nationales et la promotion de la coopération internationale dans ce domaine », Rabat, 02 novembre 2014.
8Discours du président Idriss Deby lors de l’ouverture du 26e sommet de l’UA le 30 janvier 2016.
9Nous reviendrons plus en détail sur ces différents points dans les parties II et III.
10Les Etats les moins exposés à la menace s’impliquent très faiblement avec, pour conséquence, un ralentissement de la coopération interétatique pour contrer une force qui se déplace allègrement entre les frontières tout en en redessinant de nouvelles.
11Lire à ce sujet : « Egypte : une nouvelle loi antiterroriste menace la liberté de la presse », Jeune Afrique, juillet 2015 ; « Comprendre les lois antiterroristes de 15 pays africaines en deux infographies », Jeune Afrique, août 2015.
12Le CPS de l’Union Africaine est l’organe de sécurité collective et de prévention visant à faciliter la prise de décision effective face aux conflits qui émergent sur le continent et à la reconstruction qui s’en suit. Il est composé de 15 membres élus sur une base régionale par la conférence des chefs d’Etat. Lire à ce sujet Delphine LECOUTRE, « Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, clef d’une nouvelle architecture de stabilité en Afrique ? », Afrique contemporaine, 2004.
13www.peaceau.org/fr/page/2-divisions Consulté le 25 mars 2016. L’AAPS ou APSA (en anglais) regroupe un ensemble d’outils tels que le panel des sages, le fond pour la paix (SPF), le système d’alerte précoce (CEWS) et les forces africaines en attente (FAA) en vue de proposer une réponse globale aux crises sécuritaires qui affectent l’Afrique. Sur ce point, lire Alphonse Zozime Tamekamta, « L’ARCHITECTURE DE PAIX ET DE SECURITE DE L’UNION AFRICAINE (APSA) : ARTICULATIONS ET ENJEUX DE LA GOUVERNANCE SECURITAIRE AU XXIE SIECLE », Thinking Africa, NAP n° 24, Janvier 2015.
14« Rapport de la présidente de la commission sur le terrorisme et l’extrémisme violent », Nairobi, 02 septembre 2014.
15Le CISSA a été fondé le 26 août 2004 à Abuja (Nigéria) afin d’aider l’UA et ses structures à cerner les menaces et les défis sécuritaires du continent. C’est un mécanisme de dialogue, d’étude, d’échange d’informations et d’analyses, de concertation et d’adaptation des stratégies en vue de faire face aux menaces à la sécurité en Afrique. Le Secrétariat Exécutif de ce service de traitement, d’analyse et de transmission du renseignement est basé à Addis-Abeba (Ethiopie) afin de faciliter la coordination avec l’UA.
16Cf. « Rapport de la présidente de la commission sur le terrorisme et l’extrémisme violent », Op. Cit. & « African Centre for the Study & Research on Terrorism », 10th Anniversary, 2014.
17Quelques revues peuvent être listées : ACSRT African union annual terrorism situation analysis report, ACSRT Terrorism daily news briefs, ACSRT Newsletter…
18Counter Terrorism Early Warning System
19Nous pouvons citer quelques services très impliqués dans le renforcement des capacités des unités nationales tels que l’Institut interrégional des Nations Unies pour la Recherche sur la Criminalité et la Justice (UNICRI), la Conférence internationale sur les stratégies nationales et régionales de lutte contre le terrorisme (CTITF), le Forum mondial de lutte contre le terrorisme (GCTF), le Centre de Coopération mondiale contre le terrorisme (CGCC), La CCT, l’ONUDC, l’Institut d’études de sécurité (ISS), et les nombreux autres services compétents de facture américaine, française, britannique et israélienne.
20François Soudan, «Renseignement : tout un système de surveillance à bâtir », Jeune Afrique, septembre 2015.
21« Rapport de la présidente de la commission sur le terrorisme et l’extrémisme violent », Op. Cit.
22Pour une présentation sommaire : www.peaceau.org/fr/article/ouverture-de-la-cinquieme-reunion-des-chefs-des servicesde-renseignement-et-de-securite-des-pays-de-la-region-sahelo-saharienne#sthash.CSKtWZW9.dpuf Consulté le 02 mars 2016.
23Algérie, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Libye, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal et Tchad.
24Le CAERT, le CISSA, l’UFL, la CEDEAO, la CEN-SAD, la Capacité régionale de l’Afrique du Nord (NARC), le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest (UNOWA) et la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
25Plus de détail dans : « Stratégie de l’Union Africaine pour la région du Sahel », 449e réunion du Conseil de Paix et de Sécurité, août 2014.
26« Rapport de la présidente de la commission sur le terrorisme et l’extrémisme violent », Op. Cit. ; Thomas Poulin, « Historique de l’opération ICR/LRA », Réseau de recherche sur le Opération de Paix, juillet 2013.
27La Mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM) a été lancée en 2007 par le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA dans un contexte de déliquescence de l’Etat Somalien. Son mandat a plusieurs fois été prolongé et ses effectifs révisés. Elle compte aujourd’hui plus de 22000 hommes issus des pays de la région (Ouganda, Burundi, Ethiopie, Kenya).
28« Rapport de la présidente de la commission sur le terrorisme et l’extrémisme violent », Op.
29Il s’agit du Cameroun, du Niger, du Nigéria et du Tchad. Ces pays ont fondé la CBLT en 1964 pour assurer une gestion durable et équitable du Lac Tchad et régler pacifiquement les différents et les problèmes qui affectent la zone.
30L’arrestation en Côte d’Ivoire de sept djihadistes maliens appartenant à la Katiba Khalid Ibn Walid et leur extradition au Mali en septembre 2015 symbolise la réussite de la coopération amorcée à travers le Processus de Nouakchott. On peut rajouter l’arrestation par les services de sécurité mauritaniens d’une dizaine de djihadistes sénégalais en février 2016 et leur extradition vers le Sénégal.
31Il s’agit ici de l‘opération Barkhane conduite par la France et des opérations menées par les forces spéciales américaines. Lire à ce sujet : Craig Whitlock, « U.S. expands secret intelligence operations in Africa », Washington Post, June 14 2012 ; Jean-Yves Haine, « L’endiguement renforcé. Les politiques de sécurité de la France et des États-Unis en Afrique », Ifri & OPC Policy Center, février 2016 ;
32Nkalwo Joseph Léa, « L’Etat islamique en Afrique de l’ouest (ex-Boko Haram) : La stratégie de diversion face à l’assaut de la coalition armée », Thinking Africa, NAP n° 30, août 2015.
33Le journal Le Matin Algérien nous offre une analyse particulièrement intéressante sur ce constat en s’appuyant sur l’exemple des mécanismes de coopération dans le Sahel : « Y-a-t-il une cohésion dans la lutte contre AQMI au Sahel ? », août 2012.
34« L’Union africaine envisage de créer un fonds anti-islamistes », Reuter, Septembre 2014.
35En première ligne figurent la France, les États Unis, l’Union Européenne et certains organes des Nations Unies tels que l’Office des Nations Unies contre le Drogue et le Crime (UNODC).
36« Les projets opérationnels et de fonctionnement de l›Union africaine sont financés à plus de 80% par l›Union européenne » rappelait Samuel Nguembock en Novembre 2014 dans un entretien relayé par l’IRIS sous un titre fort évocateur : « L’Union africaine : une puissance diplomatique ? ». En 2014, le « Plan Mugabé », présenté en 2015, visait à réduire cette dépendance financière en prélevant des taxes sur les billets d’avion, les nuits d’hôtels et les SMS échangé sur le continent.
37La France, par exemple, accorde peu d’intérêt à la menace terroriste qui pèse sur la Somalie ou le Kenya, pays anglophones qui ne font pas historiquement partie de son pré-carré. Ses efforts sont en grande partie orientés vers le Sahel, où se situe, selon les stratèges de la défense française, « la frontière sud de son périmètre stratégique ». Jean Yves Haine, Op. Cit.
38« L’Afrique, solidaire de la France, et déterminée à combattre le terrorisme », Le Monde Afrique, novembre 2015.
39Propos du président Idriss Deby au Sommet des chefs d’État de l’UA organisé à Malabo en juin 2014.
40« La lutte contre le terrorisme en Afrique, une mission cruciale mais négligée », Xinhua, janvier 2016.
41Seulement pour le cas Boko Haram, Le rapport de l’Ocha (le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU) daté du 4 décembre 2015 indique que les incidents liés à Boko Haram et les attaques de la secte nigériane ont fait au moins 3 500 victimes civiles durant l’année 2015.
42« Attentats à Ouagadougou : Il y a surenchère entre Aqmi et Daech », Interview de Mathieu Guidère, Le Parisien, Janvier 2016.
43« Attaque à Ouagadougou : comment Al-Qaïda cherche à reprendre du terrain sur l’État islamique », Francetvinfo, Janvier 2016.
44En Janvier 2016, les shebab avaient attaqué un camp du contingent kenyan de l’AMISOM à El-Adde (Sud de la Somalie), revendiquant la mort de plus de 100 soldats kenyan.
45« Comment l’État islamique est parti à l’assaut de l’Afrique », Le Monde, Janvier 2016.
46C’est le lieu de rappeler que cette force rassemble essentiellement les contingents des États de la région où la menace s’est installée, et accessoirement quelques États volontaires qui n’en sont pas directement exposés (c’est le cas du contingent de la Sierra Leone au sein de l’AMISOM ou de celui du Bénin au sein de la MNJTF).
47« Stratégie de l’Union Européenne visant à lutter contre le terrorisme », Coordonnateur de la lutte contre le terrorisme, novembre 2005.
48Ibid.
49Ibid.
50Ibid.
51Ibid.
52Willian Assanvo, « Menace terroriste en Afrique de l’Ouest : état des réponses nationales, régionales et internationales », OVIDA, septembre 2012, P. 33.
53La diplomatie traditionnelle qui fonctionne par des réunions formelles entre représentants officiels des États pour discuter des questions liées aux défis sécuritaires doit être définitivement dépassée. L’importance devrait désormais être donnée à la diplomatie multi-acteurs qui associe différents domaines socio-professionnels (Etats, ONG, entreprises, associations, religieux, chercheurs, militants, bailleurs de fonds, OIG) dans la réflexion sur les moyens de lutte contre le terrorisme.
54Le système des contributions volontaires des Etats à des mécanismes de coopération sécuritaire n’étant pas toujours efficace.
55Selon les estimations qui avaient été faites, 2 dollars sur les nuits d’hôtels et 10 dollars sur les billets d’avion des vols en partance ou à destination de l’Afrique permettraient de lever 730 millions de dollars par an. De surcroît, une taxe additionnelle de 0,005 dollar par SMS échangé sur le continent rapporterait 1,6 milliard de dollars par an. De quoi financer les projets de l’UA évalués cette année à 440 millions de dollars.
56Selon les mots de Martin Kobler, chef de la mission de l’ONU en Libye.