Faustin MULIRI MIRUHO, Bukavu, République Démocratique du Congo, January 2014
Les guerres à répétition en République Démocratique du Congo : causes et voies de sortie.
Vers de nouvelles guerres à répétition en République Démocratique du Congo.
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Présentation
Malgré les efforts consentis tant par la communauté internationale, les Nations-Unies, les instances régionales que les autorités nationales, les voies de sortie de guerres à répétition sont loin d’être amorcées en République Démocratique du Congo.
Les causes de conflits armés demeurent d’actualité depuis l’année 1965 à ce jour. Elles datent des règnes des Présidents Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, et Joseph Kabila.
Elles tirent leurs racines dans la problématique de la nationalité des peuples d’origine rwandaise, la mal gouvernance, la convoitise étrangère des ressources naturelles du Congo-Kinshasa, la présence de groupes armés étrangers, et les manipulations politiciennes, notamment.
Car le nombre de Congolais d’origine rwandaise ou d’expression Kinyarwanda demeure inconnu à ce jour. Il ne fait que croître ou décroître, selon la situation sécuritaire à l’Est de la République Démocratique du Congo et la présence des réfugiés rwandais sur le sol congolais. Ce qui crée des tensions liées à l’appropriation et à la gestion de terres occupées par ceux qui restent au pays ou qui y reviennent pour tenter de reprendre celles qui leur auraient appartenues. L’Etat congolais n’arrive pas à maîtriser les mouvements de la population à l’Est du pays et à mettre sur pied une politique foncière cohérente.
Contexte :
Pendant ce temps, la transparence en matière d’exploitation des ressources naturelles, les minerais notamment, pose plusieurs problèmes quant à l’identité de leurs exploitants, la gestion et la certification de leurs lieux d’origine et leur destination pour vente. Aussi, le refus de dialoguer avec les groupes armés d’origine rwandaise et ougandaise maintient les ressortissants de ces pays sur le territoire congolais. Ce qui aggrave l’insécurité à l’Est du pays malgré la présence au sein pays de la plus forte mission onusienne. Au lieu de manifester un patriotisme avéré et de s’ouvrir prudemment à des voies de coopération internationale transparente, certains dirigeants jouent aux sous-traitants, commissionnaires imbus de leurs propres profits et de certaines organisations internationales exploitant illégalement, ou presque, les ressources naturelles du pays. Consciente du phénomène, la population leur emboite le pas dans un contexte où la transparence cède la place au trafic illicite. Et pour protéger des intérêts égoïstes, plusieurs groupes armés sont créés chacun ayant un ou plusieurs acteurs politiques derrière pour les appuyer en faveur d’un positionnement politique, sous le prétexte très souvent fallacieux de protéger les intérêts de ressortissants de leurs milieux d’origine ou de faire face à une agression étrangère. Cependant, des agressions étrangères dans le but ultime d’occuper des parties du territoire congolais, de les administrer et de les gouverner en les coupant du reste du pays, constituent une réalité contre laquelle s’insurgent bon nombre de Congolais. Pourtant, ni la Communauté internationale, ni les Nations-Unies, encore moins les partisans de la balkanisation, n’osent expliquer publiquement au peuple congolais au travers d’un référendum, sans beaucoup d’espoir de gain de cause, les raisons pour lesquelles ils sont pour le découpage territorial de la nation congolaise.
Au lendemain de l’accession du pays à la souveraineté nationale et internationale en 1960, le Premier ministre fut assassiné. Avec la mort de Patrice Lumumba, car c’est de lui qu’il s’agit, l’espoir du pays congolais de voir ses aspirations se réaliser s’estompa. En 1965, le Général Mobutu prit le pouvoir au terme d’un coup d’Etat. Depuis, la dictature s’instaura. Mobutu sut instaurer le calme presque partout dans le pays sans se soucier de répondre aux attentes de la population congolaise en matière de démocratie, de respect des libertés individuelles, de partage équitable des ressources nationales et surtout de résolution rationnelle de la question de la nationalité pourtant accordée collectivement à tous les Congolais d’expression Kinyarwanda. La question resta pendante jusqu’au moment où la nationalité collective fut remise en question par quelques hommes politiques membres du Parlement de transition, mis sur pied juste après la Conférence Nationale Souveraine de 1990. Celle-ci eut lieu au terme d’un semblant de démocratisation du pays amorcé par Mobutu, devenu Maréchal autoproclamé. Depuis, certains Congolais d’expression Kinyarwanda prirent le chemin du maquis, où ils rejoignirent un irréductible rebelle dénommé Laurent-Désiré Kabila que Mobutu ne sut pas maîtriser. La situation s’aggrava au moment où Mobutu tomba gravement malade, le multipartisme faisant chemin en Afrique et l’Occident étant prête à se débarrasser des dictateurs. Ce fut juste à la chute du mûr de Berlin, lequel mit fin à la Françafrique au profit de la démocratisation. Mobutu fut évincé du pouvoir, Laurent-Désiré Kabila prit le pouvoir à la tête d’un conglomérat indescriptible un peu comme le SELEKA de Michel Djotodia récemment radié du pouvoir en République Centrafricaine.
Éléments déclencheurs du conflit :
Lorsque Laurent-Désiré Kabila tenta de radier les troupes étrangères venues l’aider à prendre le pouvoir, (il s’est autoproclamé Président de la République), une grande rébellion fut créée : le Rassemblement Congolais pour la Démocratie, RCD, appuyée par le Rwanda. D’autres rébellions furent créées presque partout à l’Est et au Nord du pays. L’Ouganda appuya celles du Nord, notamment. C’est dans cet imbroglio que fut assassiné Laurent-Désiré Kabila par l’un de ses gardes du corps, probablement instrumentalisé par certains laboratoires politiques étrangers. Joseph Kabila, son fils, prit le pouvoir. Mais il fut contesté par certaines Congolaises et Congolais, comme c’est toujours le cas aujourd’hui, quant à sa filiation avec Laurent-Désiré Kabila. D’autres le suspectent d’en savoir un peu plus sur la mort de son prédécesseur. Mais grâce au concours de la communauté internationale et à celui des Nations-Unies, un accord politique fut signé avec les rébellions. Un gouvernement composé d’un Président de la République (Joseph Kabila) et 4 vice-présidents fut mis sur pied. Puis des élections furent organisées en 2006. Joseph Kabila les gagna. D’autres devaient suivre au terme de son mandant : on est en 2011. Il fut proclamé vainqueur. Les opposants contestèrent. Jusqu’aujourd’hui.
Acteurs :
Pendant ce temps, des rébellions n’arrêtaient pas de naître à l’Est du pays. Les Nations-Unies viennent de dépêcher une brigade spéciale pour aider l’armée nationale, les FARDC, à juguler la rébellion à l’Est du pays. La première rébellion visée fut le Mouvement du 23 mars, M23 en sigle. Il a été défait. Mais ses hommes sont retranchés en Ouganda. D’autres au Rwanda. Pendant ce temps, le Commandant militaire chargé d’en finir avec les rébellions et vainqueur du M23, le Colonel Mamadou Ndala vient d’être assassiné dans des circonstances non encore élucidées. Qui est son assassin ? Saura-t-on un jour la vérité sur les causes de son assassinat et l’identité de ses assassins ? Quelle pourrait être la réaction de ses proches en armes ?
Les acteurs en présence :
Comment la communauté internationale et les Nations-Unies comptent aider le gouvernement congolais à instaurer une vraie démocratie et à faire respecter les droits humains en République Démocratique du Congo après 14 ans de tentatives échouées ? Comment le gouvernement congolais compte mettre un terme à la convoitise des ressources du pays face à certaines multinationales prêtes à tout ? Que faire pour emmener les dirigeants congolais à renoncer à leurs intérêts personnels au profit d’un patriotisme au service de leurs peuples et de la Nation ? Comment convaincre le Rwanda et l’Ouganda de négocier avec leurs rebelles présents en République Démocratique du Congo pour pacifier l’Est du pays ? Comment éradiquer les groupes armés derrière lesquels certains opérateurs politiques se cachent et les manipulant au profit de leur positionnement ?
Comment se perçoivent les parties prenantes directement concernées par le conflit ?
Que faire pour convaincre le Rwanda de la non-instrumentalisation du groupe rebelle FDLR, composé de ses ressortissants, par le Gouvernement congolais ? Le balbutiement de l’opposition politique au Rwanda ne risque-t-elle pas de conduire à la tentative de recourir aux armes à feu pour instaurer la démocratie au Rwanda ? Une telle démarche ne pourrait-t-elle pas consolider le FDLR, rwandais, au détriment de la construction de la paix en République Démocratique du Congo ? Le Gouvernement congolais a-t-il intérêt à désarmer de toute urgence les FDLR pour priver le Rwanda de motifs de ses interventions armées au pays ? Le Rwanda a-t-il intérêt à voir ses ressortissants quitter le sol congolais afin d’y réduire les motifs de ses interventions ? Et l’Ouganda ? Et les multinationales qui appuient les groupes armés étrangers en R. D. du Congo ? Les Nations-Unies souhaiteraient-elles vraiment mettre rapidement fin à leur mission en R. D. du Congo ? A combien se chiffre les Congolais locuteurs du Kinyarwanda ? Comment rassurer les autres Congolais face à leur nombre exact ? Que faire pour les convaincre de les accepter et de les considérer comme des compatriotes à part entière, c’est-à-dire jouissant de tous les droits relatifs à leur nationalité ? Comment convaincre certains locuteurs du Kinyarwanda de cesser de jouir d’une double nationalité là où la Constitution n’en reconnaît qu’une et une seule ? Faudrait-il emmener les dirigeants congolais à accepter l’appropriation de plus d’une nationalité ?
Conclusion
Avec la traque des opposants politiques et la condition des défenseurs des droits de l’homme, auxquelles il convient d’ajouter le manque de transparence dans la gestion de la chose publique, la démocratie et la bonne gouvernance sont loin d’être une réalité en République Démocratique du Congo.
Aussi la question de la gestion et de la protection des ressources naturelles étant toujours omniprésente, la stabilité est loin de s’instaurer. Car l’exploitation illégale de ressources naturelles demeure une question d’actualité.
Quant à la stabilité à l’Est du pays, elle est loin d’être effective tant la présence de la multitude de groupes armés demeure une réalité.
La stabilité est loin d’être acquise tant que des pays limitrophes (Rwanda et Ouganda) refusent de négocier avec leurs ressortissants armés encore présents à l’Est de la R. D. du Congo.
Les promesses de campagnes des dirigeants actuels n’étant pas tenues telles qu’attendues, la confiance du peuple demeure hypothétique ainsi que l’alternance au pouvoir au sommet de l’Etat et d’autres institutions clefs.
Il faudrait songer à amorcer des activités socio-économiques et à caractère développemental à grande échelle dans les zones habitées par des Congolais d’expression Kinyarwanda pour réduire le chômage et stabiliser les milieux. Ce qui mettrait de mettre un terme au phénomène d’enrôlement par les groupes armés. Aussi convaincre des Congolais non locuteurs du Kinyarwanda d’accepter et de considérer leurs compatriotes sans les pointer du doigt ni les suspecter là où les autres causes des conflits sont très bien connues.
Quant à certains locuteurs du Kinyarwanda, ils devraient apprendre à respecter les lois du pays en demeurant des Congolais dignes de ce nom ; c’est-à-dire ne pas jouer un double jeu : celui de certains dirigeants de pays voisins.