Astrid Fossier, Paris, juin 2003
Le gouvernement tibétain en exil
La modernisation du monde politique tibétain en exil a fait de la démocratie un moyen de lutte non violent pour la paix.
La création du gouvernement tibétain en exil a été proclamée le 29 avril 1959. D’abord basé à Mussorie, dans le nord de l’Inde, il a ensuite été déménagé à Dharamsala, en 1960. Après sa fuite hors de Chine en 1959, le Dalaï Lama décida de reconstituer un gouvernement en exil, le gouvernement central du Tibet, dont la mission serait à la fois de prendre en charge les réfugiés tibétains et de restaurer la liberté au Tibet.Sa Sainteté le Dalaï Lama est depuis 1959 le détenteur du pouvoir exécutif du gouvernement tibétain ; cependant, animées par le désir d’instaurer un régime plus démocratique, les autorités tibétaines créèrent le 2 septembre 1960, le Parlement tibétain en exil, connu sous le nom d’Assemblée des députés du peuple tibétain. Le 10 mars 1963 la Constitution, fondée sur la Déclaration universelle des droits de l’homme fut promulguée et appliquée au sein du gouvernement tibétain en exil. Les bases d’un régime démocratique étaient ainsi jetées.
I. Le parlement tibétain
C’est le plus haut organe législatif du gouvernement central du Tibet. Il est constitué de 46 membres élus de la manière suivante : chacune des provinces du Tibet historique (le Kham, l’U-Tsang et l’Amdo) est représentée par dix députés ; les quatre grandes écoles du bouddhisme tibétain ainsi que la tradition du Bön sont représentées chacune par deux députés ; deux députés représentent la communauté en exil en Europe ; un représente la communauté tibétaine en exil en Amérique du Nord et enfin trois députés représentent chacun un domaine : un pour l’art, un pour le science et le troisième pour la littérature. Ces trois derniers députés ne sont pas élus mais nommés directement par Sa Sainteté le Dalaï Lama.
L’assemblée est présidée par un président et un vice-président élus tous les cinq ans par les députés en leur sein. Tout tibétain âgé de plus de 25 ans a le droit de contester le résultat de cette élection. Les sessions de l’assemblée se tiennent tous les six mois. Cependant le Dalaï Lama peut convoquer l’assemblée en cas d’urgence d’un niveau national. Lorsque l’assemblée ne siège pas, un comité de douze membres gère les affaires courantes, constitué de deux membres par province, un membre par école religieuse et un directement nommé par le Dalaï Lama.
Pour rester en liaison constante avec la population en exil, des assemblées locales ont été instituées dans chaque communauté de plus de 160 individus. Ces assemblées locales sont l’exact réplique du parlement tibétain. Enfin, c’est le parlement qui est habilité à élire le Cabinet tibétain, le Kashag, ou Conseil des ministres.
II. Le Kashag
Le Kashag est le corps exécutif majeur de l’administration centrale, subordonné toutefois au Dalaï Lama. Le Kashag réunit les ministres et le Dalaï Lama pour prendre toutes les décisions en lien avec la communauté des réfugiés tibétains. Il a également pour responsabilité de maintenir le monde alerté de la question du Tibet.
Le président du Kashag, le Kalon Tripa, est élu par les tibétains en exil au suffrage universel. Sa nomination doit ensuite être approuvée par 50 % au moins des membres du Kashag. C’est le Kalon Tripa qui ensuite nomme les sept autres membres du Cabinet. Si le Kalon Tripa s’avère inapte a remplir son mandat, les membres du Kashag peuvent le démettre et soumettre ensuite de nouveaux candidats à l’approbation des tibétains en exil. Tous les membres du Cabinet ont un pouvoir et des responsabilités égales.
Sous la responsabilité du Kashag on trouve plusieurs départements chargé de gérer les affaires courantes dans différents domaines. Les départements principaux sont les suivants :
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Département de la religion ;
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Département de la culture ;
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Département des finances ;
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Département de l’éducation ;
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Département de la sécurité ;
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Département de l’information et des relations internationales ;
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Département de la santé.
III. La Commission suprême de justice
C’est l’organe judiciaire la plus élevé du gouvernement central du Tibet. Selon la constitution, cette commission est responsable de la gestion de tous les différends civils (divorce, différends commerciaux etc.) au sein de la communauté tibétaine en exil.
Cette commission n’a cependant pas compétence en matière pénale auprès de la communauté tibétaine. Ainsi lorsqu’un tibétain commet un crime par exemple, c’est la justice indienne qui se saisira de l’affaire, la commission suprême de justice tibétaine n’étant pas habilitée à juger ce type d’infraction.
IV. Les commissions autonomes
Il existe trois commissions autonomes :
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La commission de l’élection qui organise et supervise l’élection de tous les corps électifs, et notamment ceux du premier ministre et des membres de l’Assemblée des Députés ;
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La commission du service public qui recrute et nomme les fonctionnaires civils, comme par exemple les secrétaires des bureaux du Tibet à l’étrangers (350 personnes aujourd’hui) ;
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La commission d’audit responsable de la comptabilité des départements de l’administration et des structures qui en dépendent telles que les hôpitaux, les coopératives etc.
V. Les réformes démocratiques
La démocratisation du régime tibétain a toujours été un des piliers de la réflexion sur la paix du Dalaï Lama. En 1990, il décida la dissolution de la 10ème Assemblée et du Kashag afin de demander au Parlement de nommer démocratiquement les membres du Cabinet. Auparavant, les Kalons du Kashag (les ministres),étaient directement nommés par le Dalaï Lama. Le 14 juin 1991, la 11ème Assemblée devint l’autorité législative de la communauté en exil, incluant dans son mandat l’élection du Kashag.
La même année, l’Assemblée publia un texte appelé la Charte des Tibétains en exil énonçant les droits et devoirs de la communauté et posant les bases d’un système démocratique efficace garantissant le respect des droit individuels et collectifs et adapté aux particularités du Tibet.
La dernière étape des réformes démocratiques fut la rédaction d’un document intitulé « Les lignes directrices de la politique du Tibet futur et les traits fondamentaux de sa Constitution ». Ce texte serait mis en place dès le retrait des troupes chinoises du Tibet. Les principaux points de cette constitution sont les suivants :
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Mise en place d’un gouvernement intérimaire. Ce gouvernement de transition aura pour rôle d’organiser une Constituante qui sera elle chargée de rédiger une nouvelle constitution sur la base du projet préparé en exil.
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Le Dalaï Lama n’occupera plus le poste de chef de l’Etat.
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Un chef de l’Etat intérimaire sera désigné. Il aura les mêmes prérogatives que le Dalaï Lama.
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Le pouvoir législatif sera confié à l’Assemblée nationale tibétaine constituée de deux chambres. La chambre basse sera composée de membres élus au suffrage universel direct tandis que la chambre haute sera composée de membres élus par les assemblées provinciales et de membres directement nommés par le président.
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Le chef de l’Etat et le vice-président seront élus par les chambres hautes et basse de l’assemblée nationale tibétaine. Ils seront détenteurs du pouvoir exécutif.
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La cour suprême de justice sera la plus haute instance judiciaire du pays.
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La politique du Tibet libre aura une orientation sociale fondée sur les principes de non violence.
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Une grande importance en politique sera accordée à l’environnement.
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Le Tibet sera transformé en zone de paix démilitarisée et neutre.
Mais malgré ces projets pour le futur du Tibet et les efforts qui sont faits dans le sens de la démocratie, le gouvernement tibétain doit gérer aujourd’hui des luttes nouvelles au sein du peuple tibétain.
Depuis quelques années déjà, la communauté tibétaine s’éparpille à travers le monde. Au gré des opportunités humaines et économiques, les Tibétains partent s’installer ailleurs et ces départs délitent petit à petit les liens unissant leur communauté. Même si ce phénomène n’est pas encore d’une ampleur inquiétante, la mondialisation touche aussi ces exilés et risque à terme de porter atteinte à leur identité culturelle. Face à ce phénomène, un des rôles du gouvernement tibétain est de maintenir le lien de ces communautés avec le Tibet d’origine et ses représentations en exil et à l’étranger. Les bureaux du Tibet à travers le monde servent cet objectif, mais la tâche n’est pas aisée pour un gouvernement aussi peu riche que le gouvernement tibétain. Une autre lutte du gouvernement central du Tibet concerne l’éducation de son peuple. En exil, les conditions d’éducation son difficiles et malgré les aides nombreuses que reçoit la communauté pour construire des écoles tibétaines, beaucoup d’enfants suivent leur scolarité à l’école indienne, ce qui là aussi met en danger l’identité culturelle tibétaine. Face à tous ces dangers, nombre de Tibétains s’éloignent aujourd’hui du Dalaï Lama et de ses idéaux de non-violence. Le nombre de membres du Congrès de la Jeunesse Tibétaine est en constante augmentation et les positions de cette organisation de plus en plus radicales. Beaucoup de Tibétains suivent le Dalaï Lama sur le plan social et culturel, de manière instinctive. Cependant pour qu’ils ne soient pas attirés par une lutte violente opposée à la politique pacifiste du Dalaï Lama et du gouvernement en exil, il est important qu’ils apprennent les valeurs des droits de l’homme et s’approprient cet idéal de lutte non-violente.
Ainsi ce sont ces trois axes qui symbolisent la lutte pour la paix du gouvernement tibétain :
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Maintenir les liens unissant les tibétains malgré les conditions de l’exil ;
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Préserver l’identité culturelle tibétaine ;
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Apprendre a chacun les valeurs et le respect des droits de l’homme.
VI. Adresses du gouvernement tibétain en exil et de sa délégation française
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En Inde : Central Tibetan Administration, DHARAMSALA 176215, District Kangra, H.P. (INDE)
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En France : Bureau du Tibet, 84 bd Adolphe Pinard, 75014 Paris (France)
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