Nathalie Cooren, Paris, 2005
La démocratie en Amérique latine : moyen d’expression et de gestion politique des conflits actuels.
Existe-t-il véritablement en Amérique latine une gestion démocratique des conflits ? Comparaison de trois pays : Argentine, Costa Rica et Cuba
La démocratie est entendue ici au sens de démocratie « sociale » (1). En effet, nous considérons que dans un pays réellement démocratique, celle-ci ne se limite pas au plan politique mais s’étend également au domaine social.
Une fois cette précision apportée, nous partons du principe que l’une de ses fonctions est la gestion des conflits. La social-démocratie ne nie pas la réalité des conflits dans une société, mais elle considère que leur résolution devrait passer par le compromis, à l’image des règles qui gouvernent les relations entre deux pays démocratiques (2), et elle prône ainsi la mise en oeuvre de procédures de négociation entre les différents acteurs de la société.
Or les conflits d’aujourd’hui en Amérique latine sont de nature socio-économique. Il existe donc un lien entre la démocratie et les questions socio-économiques.
Les démocraties d’Amérique latine se caractérisent par leur faiblesse (ceci est à peu près incontesté de nos jours). Une faiblesse qui se traduit par un désenchantement social envers un système démocratique qui était censé :
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Résoudre le problème de pauvreté.
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Gérer un changement de régime politique (le passage pour certains pays d’un régime autoritaire à un régime démocratique).
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Gérer un changement de développement économique (le passage du modèle de l’Etat centriste à l’économie de marché).
Dès lors, la question se pose de savoir s’il existe véritablement en Amérique latine une gestion démocratique des conflits. Si oui, qu’est ce qui entrave l’efficacité et la pleine réussite de la gestion par la démocratie des conflits dans cette région ?
Ce dossier propose une étude comparative de trois pays :
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l’Argentine ;
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le Costa Rica ;
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Cuba.
Un rappel de l’histoire de chacun, indispensable à la compréhension de leur politique, constitue le point de départ de l’étude. Puis, seront décrites et analysées les transitions politiques des pays visés (Argentine : 1982-1983 ; Costa Rica : 1948 ; Cuba : 1959). Ces périodes de transition sont capitales car elles permettent de comprendre l’actualité des pays en cause et d’affirmer qu’il existe aujourd’hui une gestion démocratique des conflits.
En effet, si certains considèrent la démocratie en Amérique latine comme inconcevable et inapplicable, mon hypothèse est qu’au contraire il existe bien, au sein du continent latino-américain, des pays dotés d’un régime démocratique permettant non seulement l’expression sociale des conflits mais aussi la gestion politique de ces derniers. Et de la même manière que, selon Arnaud Blin, les démocraties ne se font pas la guerre entre elles, je considère que le système démocratique permet la gestion pacifique des conflits internes (3).
Si de nos jours la situation reste imparfaite, il s’agit moins d’une inefficacité intrinsèque de la démocratie que d’un problème d’articulation des priorités dans la gestion des conflits.
Pourquoi choisir de comparer ces trois pays en particulier ?
Le cas de l’Argentine est emblématique et suscite à la fois admiration et scepticisme : riche et cultivée, l’Argentine donne souvent l’impression de ne pas avoir su profiter de son énorme potentiel. Fortement marquée par l’influence européenne, l’Argentine nous est proche, elle nous ressemble. Mais elle a souffert, meurtrie par dix années de plomb qui marquèrent à jamais son histoire politique, sociale et économique. La transition démocratique de ce pays est directement liée au passé militaire qu’il a enduré et c’est tout l’intérêt de son étude. Enfin, des raisons plus personnelles ont guidé ce choix, car ayant moi-même vécu six années à Buenos-Aires, j’ai ressenti le besoin de comprendre une actualité souvent bouillonante. Ce dossier met l’accent sur l’opposition entre les militaires et la société civile. En effet, malgré d’incontestables relations de complicité entre les militaires et une partie de la population (tout du moins au début) ou entre les militaires et l’Eglise, il est ici principalement fait état de la souffrance de la société civile du fait des disparitions et tortures imputables aux militaires.
Quant au Costa Rica, il s’agit d’un pays à part : marqué par sa tradition démocratique, sa culture de la Paix, il se différencie des autres pays d’Amérique latine. Il est intéressant à étudier puisque ses choix politiques se sont souvent démarqués des autres. Ils l’ont conduit à échapper à la violence et à l’autoritarisme qui touchaient le reste du continent, notamment dans les années 1970-1980, décennie du règne des dictateurs. Et lorsque dans les années 1980 souffle un vent de démocratisation en Amérique latine, le Costa Rica, représenté par son président Oscar Arias (4), a joué un rôle déterminant dans la pacification et la conduite du processus de démocratisation incarné par le Traité Esquipulas. Le Costa Rica constitue donc une sorte de modèle à suivre. Pourtant, son étude m’a permis de découvrir une réalité plus complexe que le tableau idyllique souvent dépeint à son sujet. Dans ce dossier j’ai donc choisi de retenir le thèse de la « neutralisation » des classes pour deux raisons : tout d’abord parce qu’elle permet de démontrer que l’« oasis démocratique », dont on parle souvent pour décrire le Costa Rica, n’est pas sans faille, mais aussi car l’ensemble des sources auxquelles j’ai eu accès expliquaient la consolidation de la démocratie par cette théorie.
Enfin, Cuba, symbole même de la dictature… Pourquoi le modèle démocratique n’a pas réussi à triompher dans cette île ? Comment Fidel Castro est-il parvenu à s’imposer comme le plus ancien des dictateurs encore en vie et au pouvoir ? Pourquoi les Cubains n’ont pas eu le choix de la démocratie ? L’exception dictatoriale de l’île me semble particulièrement intéressante à étudier comme contre-exemple du processus de démocratisation suivi par les deux autres pays précités. Ce dossier abordant Cuba comme contre-exemple, met d’avantage l’accent sur les handicaps d’un régime peu respectueux des libertés individuelles que sur les réussites du système, en matière de santé et d’éducation notamment.
Après un rappel de l’histoire des trois pays, allant de leur indépendance à leur transition politique (I), l’étude portera sur l’analyse de ces transitions démocratiques (II). Cette analyse doit permettre de mieux appréhender la situation actuelle des uns et des autres ; une situation dont le bilan sera dressé afin de pouvoir conclure si oui ou non, il existe aujourd’hui une gestion démocratique des conflits en présence (III).
En conclusion je vous montrerai que le régime démocratique, en Argentine et au Costa Rica, a effectivement permis l’expression des conflits et leur gestion politique, tandis que l’absence de démocratie à Cuba, empêche encore à ce jour les conflits de s’exprimer et donc d’être gérés par la voir politique.
Autrement dit, la démocratie en tant que système politique permet une expression et une gestion démocratique des conflits y compris en Amérique latine.
Notes :
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(1) : La « social-démocratie » : notion allemande ; politique qui part du pluralisme social et qui défend la « modération » politique.
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(2) : Arnaud Blin, Géopolitique de la paix démocratique, Ed. Descartes et Cie, Paris, 2001, p.144.
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(3) : Arnaud Blin, Géopolitique de la paix démocratique, Ed. Descartes et Cie, Paris, 2001, p.19.
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(4) : Prix Nobel de la Paix en 1987.
Auteur du dossier :
Nathalie Delcamp
Documents
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L’Argentine ou le constat d’une décadence
Rappel de l’histoire argentine précédant la transition politique du pays de 1982-1983. Il s’agit d’analyser son passé historique comme préalable à la compréhension des spécificités de sa transition et consolidation démocratiques.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Le Costa Rica ou « l’oasis démocratique » d’Amérique latine
Rappel de l’histoire du Costa Rica précédant la transition politique du pays en 1948 comme préalable à la compréhension des spécificités de cette « Suisse de l’Amérique latine ».
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Cuba ou l’île de l’autoritarisme tropical
Rappel de l’histoire cubaine précédant la Révolution en 1958-1959 comme préalable à la compréhension d’une dictature encore en vigueur de nos jours.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Transition démocratique d’un pays : quelques précisions théoriques
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Transition politique en Argentine
Analyse de la stratégie mise en oeuvre pour la transition politique en Argentine.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Consolidation de la démocratie en Argentine
Analyse du processus de consolidation de la démocratie en Argentine.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Le phénomène démocratique au Costa Rica : quelques précisions théoriques
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Transition politique au Costa Rica
Analyse de la stratégie mise en oeuvre lors de la transition politique au Costa Rica.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Consolidation de la démocratie au Costa Rica
Analyse du processus de consolidation de la démocratie au Costa Rica.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Transition politique à Cuba : quelques précisions théoriques
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Consolidation du pouvoir absolu de Castro et élimination de tous ses éventuels adversaires
La première étape de la stratégie politique adoptée par Fidel Castro consiste à asseoir le nouveau pouvoir, convaincu que la chute de la dictature ne signifie pas pour autant le triomphe de la révolution.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Des réformes radicales comme seconde étape de consolidation du pouvoir absolu de Fidel Castro
Ces réformes ont pour objectifs d’une part de s’assurer le soutien du peuple cubain et d’autre part d’éradiquer tout comportement considéré comme amoral par le régime.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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L’ère de la pénurie et des contradictions
Les tentatives de lutte contre la crise économique du pays via l’adoption de mesures draconniennes font éclater au grand jour le vrai visage de la Révolution.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Confrontation des stratégies mises en œuvre lors de la transition politique
Confrontation des caractéristiques les plus marquantes concernant les stratégies mises en oeuvre lors des transitions politiques de l’Argentine, du Costa Rica et de Cuba.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Confrontation des stratégies politiques lors de la consolidation démocratique
Confrontation des caractéristiques les plus marquantes des stratégies politiques mises en oeuvre lors de la consolidation démocratique en Argentine et au Costa Rica. Mise en perspective de Cuba.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Argentine, Costa Rica et Cuba : identification commune d’un défi politique de rupture avec le passé
Argentine : rompre avec le passé militaire. Costa Rica : rompre avec le passé populiste calderoniste et l’oligarchie. Cuba : rompre avec le passé dictatorial de Batista
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Argentine, Costa Rica, Cuba : identification commune de défis économiques
Argentine : faire face à une crise extrêmement grave ; trouver des solutions. Costa Rica : centraliser la majorité des pouvoirs au sein de l’Etat afin de permettre à ce dernier d’intervenir directement dans le domaine économique et social du pays. Cuba : nationaliser la plupart des pans de l’économie ; Cuba aux Cubains et non pas aux Américains.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Argentine, Costa Rica, Cuba : identification commune d’un défi social
Argentine : redonner confiance à une population meurtrie par la dictature ; réaffirmer les valeurs démocratiques ; prouver qu’il est possible de résoudre un conflit démocratiquement, sans avoir recours à la force. Costa Rica : faire face à une polarisation sociale extrêmement grave. Cuba : mobiliser toutes les catégories de la population (d’où les réformes radicales) pour obtenir leur appui.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Bilan politique de santé démocratique : Argentine
Bilan politique actuel de l’état de santé démocratique de l’Argentine, suite notamment à la crise de 2001 et l’élection du président Nestor Kirchner.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Bilan politique de santé démocratique : Costa Rica
Bilan politique actuel de l’état de santé démocratique du Costa Rica, via l’étude du comportement électoral des Costariciens et de leur position face à l’éventualité de réformes ainsi que l’analyse du problème de la corruption dans les affaires publiques.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Bilan social de santé démocratique : Argentine
Bilan social actuel de l’état de santé démocratique de l’Argentine via l’analyse de l’impact de la crise de 2001 sur la représentation politique et l’identité même de la société argentine.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Bilan social de santé démocratique : Costa Rica
Bilan social actuel de l’état de santé démocratique du Costa Rica via l’évaluation du soutien de la société à la démocratie et de la position de celle-ci face à un éventuel coup d’Etat.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Bilan économique de santé démocratique : Argentine
Bilan économique actuel de santé démocratique de l’Argentine précédé de l’étude des manifestations de la crise inédite de 2001 et de ses facteurs (tant endogènes qu’exogènes).
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Bilan économique de santé démocratique : Costa Rica
Bilan économique actuel de santé démocratique du Costa Rica via la description de la politique économique de la décennie perdue des années 1980 et l’analyse de la politique économique des années 80 à aujourd’hui.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Cuba : une actualité difficile à cerner
Le cas de Cuba est délicat. Malgré toute la documentation disponible, les avis sont très partagés, entre ceux qui considèrent le gouvernement du Comandante comme une dictature et dénoncent les exactions permanentes, et ceux qui, au contraire, défendent l’idée selon laquelle il existerait, à propos de Cuba, une propagande internationale totalement fausse et démesurée, destinée à diaboliser un système qui ne serait finalement pas si terrifiant. Où se situe donc la vérité ? La réponse à cette question est absolument fondamentale pour pouvoir dresser un bilan actuel de Cuba. Au risque de paraître peu téméraire, je partirai du principe que la vérité se situe entre les deux.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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La confrontation de l’Argentine, du Costa Rica et de Cuba tout au long de ce dossier, que ce soit au niveau historique, stratégique ou du bilan actuel qu’il a été fait, permet d’affirmer qu’il existe bien en Amérique latine une expression et une gestion politique des conflits par le biais de la démocratie.
Nathalie Cooren, Paris, 2005
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Paris, 2005