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, Bassin du lac Tchad et Paris, Juillet 2012

L’insécurité transfrontalière au Cameroun et dans le bassin du lac Tchad

Une zone à la charnière de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, faisant état d’une large palette d’activités illégales et criminelles.

Ce dossier a été réalisé par Cyril Musila en tant que chercheur associé au programme Afrique subsaharienne de l’IFRI, à l’issue d’une mission de terrain effectuée dans la zone du bassin du lac Tchad entre juillet et août 2011. Cette étude a permis de cartographier l’insécurité transfrontalière tout en catégorisant les faits.

L’insécurité transfrontalière actuelle dans le bassin du lac Tchad s’inscrit dans l’histoire des dynamiques sociopolitiques et économiques de cette région commune au Cameroun, à la République centrafricaine, au Niger, au Nigeria et au Tchad, et qui sont fondées notamment sur l’élevage bovin et le nomadisme pastoral. Cette insécurité prend racine dans les razzias précoloniales pratiquées par quelques groupes ethniques qui seront étudiés plus loin et connues comme une forme d’économie parallèle et quasi légale.

Interdites et devenues clandestines sous la colonisation, les razzias se sont transformées en banditisme rural transethnique mené par des repris de justice qui s’appuyaient, pour se soustraire à la loi, sur les solidarités ethniques transfrontalières. La répression visant ces brigands n’a pas éradiqué le phénomène mais a néanmoins instauré une accalmie qui fut rompue à la fin des années 1970 par la guerre civile tchadienne. L’introduction des armes de guerre dans ce qui n’était que banditisme et l’irruption d’ex-combattants aguerris aux techniques de guérilla transformèrent le phénomène dans ses capacités d’agression et d’organisation de l’insécurité. Les contestations sociopolitiques des années 1990, sur fond de rébellions armées et de tensions ethniques, ont installé la violence et le crime dans le paysage économique et politique du bassin du lac Tchad.

Cinq principaux phénomènes semblent pertinents pour qualifier l’insécurité transfrontalière dans cette zone autour du lac Tchad :

  • 1) le banditisme militaire transfrontalier et le vagabondage des groupes armés ;

  • 2) le trafic d’armes légères et de produits de contrebande (carburant, produits pharmaceutiques, véhicules et pièces détachées) ;

  • 3) le braconnage transfrontalier et le trafic du bétail ;

  • 4) le trafic d’êtres humains et de documents d’identité ;

  • 5) l’insécurité foncière transfrontalière.

Tous ces phénomènes restent liés et ont des répercussions sur les équilibres démographiques, la sécurité intérieure des États et leur économie. Ils ont suscité la mise en place de politiques nationales sécuritaires et répressives, avec plus ou moins de succès. Alors que les réseaux criminels reposent sur des ressorts transfrontaliers, la coopération transfrontalière entre les États en matière de sécurité est restée timide voire inexistante.

La montée en puissance du groupe islamiste nigérian Boko Haram dans cette même zone pourrait éventuellement entraîner la création de liens avec les autres formes d’insécurité identifiées. Une analyse régionale de l’insécurité et de la façon d’y faire face est indispensable si les États concernés ainsi que leurs partenaires ne veulent pas voir s’envenimer une zone grise à la merci de dynamiques incontrôlables.

La présente étude porte sur les interactions transfrontalières entre le Cameroun, la République centrafricaine et le Tchad, ainsi que sur les influences en direction ou en provenance du Nigeria et du Soudan (1). Cette région a la particularité de catalyser les dynamiques du bassin du lac Tchad.

L’insécurité dans cette zone peut être résumée par ce paragraphe tiré de l’analyse d’Issa Saïbou (2), spécialiste de la région :

« L’enjeu essentiel de la criminalité transfrontalière en général et du banditisme de grand chemin en particulier dans le bassin tchadien, se trouve moins dans la détermination de la nationalité des malfrats, que dans leur transmigration. Ils se comportent comme les ressources de la zone CBLT (Commission du bassin du lac Tchad), à savoir l’eau et le poisson, qui serpentent, se rétractent d’un côté ou de l’autre de la frontière, se retrouvent en quantité réduite ici et en plus grand nombre là. Ils se comportent comme les autres acteurs économiques de la zone, à savoir les pêcheurs, les pasteurs et les paysans, qui ne suivent pas la frontière mais l’eau.

En un mot, ils vont et viennent, au gré du mouvement des ressources qu’ils convoitent, gérant la frontière comme un pont entre le lieu du crime et le lieu de la jouissance du butin. La nationalité de tels bandits est inscrite dans leur histoire et sur leur faciès, lesquels leur permettent de passer inaperçus dans l’enceinte d’un cadre géographique et sociologique qui, pour politiquement morcelé qu’il est, n’en demeure pas moins uniforme du point de vue des cultures, des ressemblances et des solidarités ethniques » (3)

L’insécurité transfrontalière, ensemble d’actes délictueux dont les auteurs, les victimes et les répercussions vont au-delà des frontières étatiques, s’inscrit donc dans les réseaux et les sillages de ces allées et venues, dont les auteurs et les victimes sont ces mêmes acteurs à savoir pêcheurs, paysans, cultivateurs, éleveurs-pasteurs, jeunes et moins jeunes. Tous organisent un ensemble d’activités à caractère criminel comprenant les embuscades sur les routes pour dépouiller les voyageurs aux trafics d’armes, d’êtres humains, le trafic de drogues, de médicaments contrefaits ou de carburant, les vols de bétail et les braquages de banques. Dans la structuration de ces activités, la frontière sert de balancier entre l’État où est illicitement prélevée la ressource souvent violemment et celui où cette ressource est stockée ou écoulée. Cette organisation spatiale confère aux activités concernées une portée internationale et favorise la connexion à des réseaux globaux de criminalité.

Ainsi peut-on redouter des liaisons entre l’insécurité transfrontalière dans ce « bassin du lac Tchad » situé à la lisière du Sahel avec l’activisme du groupe nigérian Boko Haram [dans l’État du Bornou] et d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) (4), qui engendreraient ou accéléreraient la formation de nouvelles formes de menaces.

L’étude commencera par fixer quelques repères historiques. Elle établira une cartographie de l’insécurité transfrontalière, en donnera les caractéristiques et les causes. Elle analysera ensuite les politiques mises en place par les États pour y faire face avant de tracer enfin quelques perspectives en forme de conclusion.

Notes :

  • Lien de l’étude sur le site de l’IFRI : www.ifri.org/?page=detail-contribution&id=7278

  • (1) : Elle se concentre principalement sur les départements camerounais de la Vina (région de l’Adamaoua, avec pour chef-lieu N’Gaoundéré), du Diamaré (région de l’Extrême-Nord avec pour chef-lieu Maroua) et du Logone-et- Chari (Kousséri étant le chef-lieu de ce dernier département, faisant lui aussi partie de la région de l’Extrême-Nord) à partir desquels des enquêtes ont été menées entre mai et août 2011 en direction des zones frontalières du Tchad (N’Djamena), du Nigeria (État du Bornou dont la capitale est Maiduguri) et de l’Ouest de la Centrafrique (cf. carte infra).

  • (2) : Professeur et Directeur de l’École Normale Supérieure de Maroua.

  • (3) : I. Saïbou, « L’embuscade sur les routes des abords du Lac Tchad », Politique Africaine, n° 94, juin 2004, p. 15.

  • (4) : A. Nossiter, « Islamist Threat with Qaeda Link Grows in Nigeria », New York Times, 17 août 2011. Voir également, du même auteur : A. Nossiter, « Islamist Group With Possible Qaeda Links Upends Nigerian », New York Times, 17 août 2011. Disponible à l’adresse suivante :www.nytimes.com/2011/08/18/world/africa/18nigeria.html?_r=1&ref=adamnossiter

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