Claude-Richard MBOWOU, Yaoundé, Novembre 2011
Discussion autour des concepts de conflit et de violence
Conflit (gestion, résolution, transformation), violence, non-violence…
Nonobstant la multiplicité des concepts proposés à débat, cette discussion s’est pour l’essentiel focalisée sur les concepts de conflit et de violence et a meublé la première phase de la matinée de cette journée, sans pour autant que l’enjeu ne soit de valider une quelconque thèse, mais de rendre compte de la diversité des points de vue et de susciter la réflexion.
Sur la notion de conflit, si les participants divergent quant à leurs approches tant au plan analytique que pragmatique, ils conviennent tout au moins de son caractère inhérent à la vie en société. On ne peut imaginer ou rêver de sociétés sans conflits. Le conflit est simplement un révélateur de la diversité des intérêts présents à tout moment dans la société. Le conflit doit être perçu non pas comme un problème en soi, mais comme un révélateur de la diversité des aspirations dont il faut tenir compte à un moment donné et en un lieu donné. Mais au-delà de le reconnaître comme inhérent, la question se pose de savoir comment l’aborder ? S’agit-il de le gérer, de le résoudre ou de le transformer ?
Pour les uns, on ne peut que le gérer, c’est-à-dire prendre des mesures de nature à réduire le caractère violent du conflit. Dans cette optique, l’intervention sur le conflit, loin de prétendre en supprimer les causes n’agit que pour limiter les moyens d’expression du conflit. D’autres, par contre, ont estimé que la notion de gestion en elle-même pouvait comporter des biais idéologiques renvoyant à un modèle économique qui pose le gestionnaire en tiers extérieur dans la relation constitutive du conflit. Alors qu’il en est partie prenante. La notion de gestion appellerait également des clarifications renvoyant à deux logiques possibles que distingue FOUCAULT : la logique de la police et la logique de la politique. La première se contentant d’endiguer la violence, de maintenir l’ordre pour garantir la paix sociale. Bref, une approche strictement autoritaire du conflit. La seconde, de nature démocratique, privilégiant fondamentalement l’arbitrage et la conciliation des intérêts dont le conflit est l’expression. Tel qu’il est possible que l’énergie présente dans le conflit soit utilisée pour provoquer des changements.
Des participants ont également relevé la nécessité de dissocier conflit et violence. Ce n’est pas le conflit en soi qui mène à la violence. Dans cette optique, le conflit serait assimilable à une énergie, à une dynamique qui existe dans toute société et qui n’est intrinsèquement ni positive ni négative. Le conflit peut par exemple devenir violent dès lors qu’il y a passage d’un conflit d’intérêt à un conflit d’identité. Des besoins d’approfondissement sont néanmoins apparus. La violence est-elle systématiquement négative ? N’est-elle pas aussi une forme d’expression ou de langage qui mérite d’être décrypté ? La violence est-elle intrinsèquement destructrice ? N’est-elle pas un moment inéluctable dès lors que l’action vise à modifier substantiellement les rapports sociaux ? Peut-on imaginer de révolution sans violence ? Qui est légitime à juger de la légitimité de la violence ? Sa négativité, si tant est qu’on l’admette, est-ce une question de degré ou de nature ? Dans une situation d’oppression, que dire de la violence comme moyen de légitime défense ? La non-violence elle-même ne comporte-t-elle pas de la violence ? Quelle place accorder à la notion de violence révolutionnaire consubstantielle au marxisme et qui renvoie à une autre éthique de la violence définie à partir d’une perspective matérialiste dialectique ?