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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, 2003

Crise

La crise est un terme générique utilisé de manière classique pour caractériser une situation d’instabilité et d’incertitudes quant à l’avenir, que cela concerne une région toute entière (ex : les Balkans ), un pays de manière globale (la Côte d’Ivoire est une illustration récente), ou simplement un groupe social ou un secteur particuliers (la crise de la filière bovine par exemple).

La gravité d’une crise dépend bien entendu des implications qu’elle suppose (refondation du système économique ou politique…) et des répercussions (déstabilisation régionale…) qu’elle tendra à avoir. Dans tous les cas, une chose est sûre : il s’agit d’une période limitée dans le temps, d’une phase transitoire. Une crise est ce moment où l’équilibre social et/ou politique et/ou économique est rompu pour des raisons qui peuvent être soit conjoncturelles (il en va ainsi d’une catastrophe naturelle) soit structurelles (c’est le cas de l’évolution démographique). Dès lors, une transformation rapide de la situation a forcément lieu.

Deux évolutions sont donc possibles :

  • Soit la poursuite du processus de désintégration, pour aboutir à une situation d’ordre conflictuelle et/ou violente ;

  • Soit l’instauration d’un nouvel ordre social au sein duquel les lignes de forces s’agenceront d’une façon inédite.

On peut par ailleurs faire la distinction entre deux types de situations :

  • La crise interne - par exemple l’Argentine ou la Côte d’Ivoire - provoquée par des tensions ethniques, religieuses, socio-économiques. Crise interne ne signifie pas qu’elle n’a de répercussions qu’à l’intérieur du pays concerné, mais qu’elle y puise pour l’essentiel ses racines ;

  • La crise internationale - la crise de Cuba, ou celle des euromissiles, pendant la guerre froide l’illustrent parfaitement - due à des tensions stratégiques ou diplomatiques.

La crise la plus préoccupante est celle qui correspond à un choc profond porté au modèle de société tel qu’il a fonctionné jusque là. La seule « autorité » viable à long terme est celle qui apparaît légitime. Lorsque cette reconnaissance est perdue (sous la pression, par exemple, de la démographie) ou contestée (on peut penser aux oppositions politiques), la porte est ouverte pour une dérive conflictuelle. C’est alors l’échec des structures d’intégration politique et l’effondrement des normes régulatrices. Pour ceux qui sont appelés à intervenir dans de tels environnements (ONG, responsables économiques et politiques, militaires), la tâche est délicate, appelle une combinaison d’activités. Surtout, l’important pour eux est de comprendre la dynamique de la crise, en ne se limitant pas aux causes apparentes de celle-ci, mais en la re-situant dans son contexte historique et socio-politique.

Rarement une telle crise ne peut être résolue en interne : tout d’abord parce que, du fait du processus d’engrenage (spill over) et des liens qui peuvent exister avec des éléments externes (linkage policy), elle ne reste pas confinée à l’intérieur des frontières du territoire concerné ; ensuite parce que les parties elles-mêmes arrivent à un tel niveau d’antagonisme que le dialogue n’est plus possible entre elles.

Du point de vue de la terminologie commune, on tendra à employer indistinctement les termes de guerre, conflit, crise, violences… qui, bien que recouvrant à strictement parler des réalités diverses, font état d’une situation où les protagonistes ne veulent plus vivre comme ils l’ont fait jusqu’à maintenant et entrent en opposition plus ou moins violente et plus ou moins durable.