Richard Pétris, Grenoble, France, agosto 2006
En avant !
Après la rencontre de Santiago du Chili sur les militaires, la paix et la démocratie.
Keywords: Política y paz. Cumplir con nuestros derechos y nuestras responsibilidades. | Subordinación del poder militar al poder civil | Compromiso de los militares por la paz | Defensa militar de la paz | | Seguridad y paz | Actores sociales. Ciudadanos y sus organizaciones. | Actores Políticos. Autoridades políticas y militares. | Ejército nacional | Militares | Instituciones de enseñanza, Centros de investigación , Científicos | Sociedad Civil | Pasar de la lógica de gestión de los conflictos por la violencia a la lógica de la negociación política | Favorecer el acercamiento entre militares y civiles | Américas | Chile
La fin de l’ordre militaire
La fin de l’ordre militaire est inscrite à long terme dans la marche à la démocratie de nos sociétés, de toutes nos sociétés. Il ne s’agit pas de la vision béate d’une évolution rêvée, mais bien d’une réalité relevant d’une construction lente qu’il faut sans cesse encourager : créer les conditions d’une sécurité qui ne dépende pas uniquement de l’imposition de la force mais davantage de la recherche permanente d’un équilibre entre les différents acteurs d’un collectif dont l’aspiration ultime, quoi qu’on en dise, vise plutôt un apaisement des relations sociales et de la vie publique. Nous venons d’en faire la démonstration en réunissant pour la première fois un groupe international d’officiers pour réfléchir sur ce thème, au Chili dans un lieu où le projet aurait paru impossible il y a quelques années et ceci ouvre un certain nombre de perspectives prometteuses.
Le refus d’un retour à un régime militaire
Car les images imprimées dans les mémoires sont encore fortes du Palais de la Moneda et de son président sacrifié, symboles d’une République violentée par un général, dictateur archétype d’une époque qui parait révolue en Amérique Latine. Mais elles l’étaient plus encore pour cette dizaine d’anciens officiers argentins, chiliens, uruguayens et vénézuéliens, qui témoignaient du prix qu’ils avaient payé, dans leurs pays respectifs, pour leur loyauté à une légalité constitutionnelle : celui de l’emprisonnement, voire de la torture pour certains. Avec d’autres officiers brésiliens, colombiens, équatoriens, mais aussi allemands, espagnols, français, indiens et pakistanais, ils participaient à cette rencontre internationale organisée à Santiago – par l’Ecole de la paix et la Fondation Charles-Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme avec un partenaire de la société civile chilienne – sur le thème : « Les militaires, la paix et la démocratie ». A cette occasion, un véritable consensus s’est dégagé sur le rôle et la fonction du militaire cantonné au service exclusif de l’Etat pour assurer la défense et la sécurité de la collectivité. Mais aussi sur la nécessité d’établir un dialogue permanent entre les acteurs du secteur de la sécurité et la société civile ou ses représentants chargés de les contrôler. Or ce double consensus devait être confirmé, quelques jours plus tard, par les résultats d’un sondage réalisé dans dix-huit pays d’Amérique Latine par une organisation non gouvernementale chilienne et que celle-ci résumait en disant que la démocratisation « commence à porter ses fruits » : une nette majorité des sondés, 62 %, rejetait tout retour à un régime militaire. Les rencontres organisées à l’issue de ce séminaire ont permis de conforter cette approche : avec des représentants d’organisations de défense des droits de l’Homme dans une commune très militante de Santiago, avec des jeunes, plutôt incrédules à priori, dans une ancienne prison politique transformée en centre culturel à Valparaiso, comme nous l’avions fait au Sénat pour évoquer, là, le contrôle parlementaire du secteur de la sécurité.
Une double coopération indispensable pour garantir la paix
Davantage encore que l’affirmation théorique d’une éthique, ce qui frappe et convainc, en effet, ce sont les témoignages de cette réconciliation illustrée par l’exemple du couple franco-allemand, notamment à travers la fraternité d’armes, ou préfigurée par les efforts conjoints pour le dialogue et la coexistence pacifique de cet ancien amiral, chef d’état-major de la marine indienne, et de son camarade le général pakistanais, persuadés ensemble de la stérilité à long terme de leur guerre fratricide. Car ce qui importe, désormais, c’est la coopération dans deux directions essentielles.
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La première a été indiquée par un général français de haut rang participant à la rencontre et qui rappelait sa position d’ancien commandant du Centre de doctrine d’emploi des forces : « Les armées ne sont plus les acteurs des victoires d’aujourd’hui. Elles en sont les indispensables facilitateurs, mais la paix, phénomène éminemment dynamique, ne peut être approchée et préservée que par la mise en œuvre des différents volets civils complémentaires (juridiques, économiques, financiers, constitutionnels, etc.) d’un plan global de sortie durable de crise. Quel que soit le type des interventions, la dimension politique l’emporte et l’emportera toujours sur l’approche strictement militaire ». Et d’ajouter, dans cette perspective, qu’il était important, en particulier, que les militaires échangent avec la société civile.
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L’autre dimension de la coopération abordée est celle qui peut conduire à une intégration régionale des questions de sécurité. Le cas de l’Europe montre ce qu’elle a apporté en termes de stabilité et de paix à un groupe de pays, quels que soient les défauts qu’on puisse trouver à cette construction. Ainsi tous les participants ont considéré que la promotion de l’intégration régionale des pays d’Amérique latine était une condition indispensable au développement et à la paix du sous-continent. On notera un peu plus tard que le même Latinobarometro déjà cité, a révélé que l’intégration régionale était plébiscitée par 85 % des opinions.
Les enjeux de sécurité globale et d’intégration régionale
Le bilan largement positif de cette rencontre de Santiago du Chili a montré que si le risque de rechute est sans doute écarté en Amérique latine c’est notamment parce qu’il existe un consensus croissant dans le monde sur les conditions démocratiques du recours à la force des et par les forces armées, sur leur rôle en matière de défense et de sécurité et aussi sur leurs limites. C’est pourquoi les réseaux réunissant des militaires, d’active et de réserve, des universités et des centres de recherche, des autorités publiques et des organisations non gouvernementales, doivent être développés afin d’approfondir ces concepts de sécurité globale et d’intégration régionale. On peut imaginer ce qu’un pays comme la Colombie gagnerait à une meilleure compréhension de ce qui fonde une sécurité authentique pour sortir de sa crise. De même il faut relever que c’est un général vénézuélien, proche conseiller du Président Chavez, qui a enrichi le débat sur la coopération régionale en l’inscrivant dans une co-responsabilité internationale qui s’impose de plus en plus. Le bénéfice majeur de cette réunion, en reprécisant les responsabilités des différents acteurs, militaires, politiques et représentants de la société civile, est d’avoir rappelé que la paix et la démocratie sont l’affaire de chacun et requièrent un intense travail de collaboration de tous.