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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche d’expérience Dossier : L’intervention Civile de Paix

, Paris, mai 2006

Des jeux pour la coopération au Kosovo

Présentation d’un projet de réconciliation de l’organisation "Equipes de Paix dans les Balkans".

Mots clefs : Théorie de la non-violence | Utilisation de la psychologie | Elaboration d'outils pédagogiques d'éducation à la paix | Eduquer des enfants à la paix | Organisation non-violente | Equipes de Paix dans les Balkans | Balkan Peace Team | Kosovo | Les Balkans | Ex-yougoslavie

"Equipe de paix dans les Balkans" (EpB) est une petite association active à Mitrovica depuis octobre 2001. Elle a pris le relais de « Balkans Peace Team International » présente de 1994 à 2000 à Split, Zagreb, Belgrade et Pristina. Son but, inscrit dans l’article I de ses statuts, est de contribuer à « réduire le niveau de violence » dans cette région du Kosovo après la guerre de 1999.

Les jeux coopératifs ayant été proposés aux enfants par Terre des Hommes Suisse, juste au lendemain de la guerre et ce jusqu’en 2002, EpB proposa, à nouveau, aux Institutions Internationales et locales impliquées dans le domaine de l’éducation, de mettre en place cette activité pour les enfants de 6 à 12 ans ; leur réponse fut très favorable.

C’est ainsi que, depuis mai 2003, des enfants albanais dans la zone sud de Mitrovica et des enfants serbes, roms ou bosniaques habitant la zone nord de la ville, découvrent les ateliers de « jeux pour la coopération ».

Rappelons que la ville est séparée en deux depuis la guerre ; la rivière Ibar marquant une frontière entre communautés.

EpB co-opère avec une autre association italienne, « l’Association pour la Paix », qui propose essentiellement le jeu comme activité.

Un programme pédagogique des jeux est proposé, élaboré avec les enseignants et les responsables pédagogiques de manière à l’adapter à la réalité des enfants. Du fait de la barrière de la langue, un(e) interprète (en langue française ou anglaise), est nécessaire pour permettre aux volontaires d’EpB de comprendre les échanges des enfants sur leurs ressentis après chaque exercice.

Il faut souligner l’importance de ce programme qui prend en compte tout ce que les enfants ont subi comme traumatismes liés à la guerre (violence de toutes sortes, séparation, morts des membres de la famille, déportation, vision de scènes atroces, etc.).

Ainsi, les jeux pour la coopération vont faciliter l’expression du corps, que ce soit par la parole, la poésie, le conte, le rythme, la danse, le chant, la manipulation de la terre, etc. Ces moyens mettent en valeur ou développent la créativité de l’enfant, ressource essentielle pour exister.

Progressivement, et selon le choix du jeu, les enfants vont pouvoir « vider » ce qu’ils ont vécu, vu, entendu ; découvrir la confiance en soi et dans les autres ; être capable de s’affirmer sans violence : une fois la peur exprimée, l’enfant découvre peu à peu ses ressources. Il peut alors constater qu’il peut accueillir l’autre, il peut se rendre compte de la différence mais également des points communs.

Ensemble, ils vont pouvoir communiquer. Puis, ensemble, ils vont pouvoir construire car seuls, ils ne s’en sortent pas ; avec les autres, c’est possible. L’autre n’est plus un rival.

Enfin, ce cheminement pédagogique les amène à se sentir responsables d’eux-mêmes, des autres, de leur ville, de leur environnement. C’est l’éducation à la citoyenneté.

Les enfants font parties d’une culture de l’oralité, il est donc nécessaire de répéter, de faire reformuler ou encore d’utiliser le dessin, plutôt que de les faire écrire.

Bien que ce fut une exigence des structures internationales et bailleurs de réaliser des projets « multiethniques », il était impensable d’organiser des ateliers inter-communautaires, à fortiori après les événements du 17 mars 2004.

Il est important de respecter ces étapes psychologiques si l’on veut que le travail fait par le jeu soit efficace, c’est-à-dire qu’il permette, finalement, aux enfants et aux enseignants de se réconcilier, en toute vérité, avec leurs adversaires d’hier.

C’est pourquoi, EpB a fait le choix de travailler d’abord au sein de chaque communauté avant de proposer des actions à des enfants de plusieurs communautés rassemblées. C’est à la fois un travail de fond et très pointu qui s’exerce sur des humains et non sur du matériel ! Il demande du temps et beaucoup de respect du cheminement de chacun. La visée transcommunautaire est le but de ce travail en amont.

Une raison d’ordre pratique était que de fait les écoles étaient « communautaires » parce que situées de chaque côté de l’Ibar...

EpB a la volonté d’assurer la transmission de ces techniques aux personnes des différentes communautés concernées afin qu’elles se les approprient, pour qu’à leur tour elles participent à la réduction du niveau de violence et à la construction de la paix à Mitrovica. C’est le rôle essentiel des volontaires EpB d’accompagner ces enseignants, ces responsables d’associations qui animent les ateliers et développent au fur et à mesure leurs compétences pour assurer la relève.

Que penser de l’impact de ces jeux sur le comportement des enfants ?

Après 5 mois d’expérience et à raison d’un atelier d’une heure et demi par semaine, il est encore tôt pour procéder à une évaluation. Cependant, nous avons rencontré en mai, les directeurs des deux écoles (Nord et Sud) pour connaître leur sentiment : ils sont unanimes, ils désirent que cela continue. Une directrice exprime le souhait que ces ateliers s’étendent à d’autres classes et donc à d’autres âges.

Il est constaté que les enfants acquièrent une liberté de parole grâce au temps consacré à l’expression de leur ressenti à propos du jeu : ils expriment leurs opinions aux adultes, alors qu’ils ne peuvent le faire en classe puisque le cours ne dure qu’une demi-heure et de ce fait l’enseignant(e) le concentre uniquement sur l’enseignement.

Les enfants sont fidèles, souvent attentifs et calmes lors de l’activité. Les professeurs ont remarqué qu’ils le restent après et qu’ils réfléchissent avant de parler.

L’idée de parler de « jeux pour la coopération », proposée par « l’Association pour la paix » nous semble préférable, car elle indique la notion de progression, de travail. Le terme de « jeux coopératifs » risque d’induire que de facto, ils sont en eux-même coopératifs ou qu’ils engendrent systématiquement la coopération, ce qui n’est pas le cas, loin s’en faut, bien que la notion de rivalité soit exclue de ces exercices. C’est déjà une première étape.

Dans le contexte de violence sous jacente, cette petite graine plantée avec d’autres ONG, en terre de Mitrovica est source d’espoir pour le futur.