Bernard Reverdy, Grenoble, France, November 1996
La recherche européenne au service du citoyen
Keywords: Scientific cooperation for peace | | | Europe
Le quatrième programme cadre de recherche et de développement technologique (1995-1999), est à peine engagé, que déjà la Commission ouvre le débat sur le cinquième programme en proposant au Parlement, au Conseil européen et aux pays membres une note d’orientation : “Inventer demain”, la recherche européenne au service du citoyen.
Rappelons l’importance du financement communautaire de la recherche en Europe.
L’Acte Unique de 1986 a fait de la recherche un des axes principaux des interventions communautaires. Même s’il n’est pas question de voir l’initiative de la Communauté se substituer à l’effort national de chacun des pays membres, la part que prennent peu à peu les crédits européens aussi bien dans le financement des laboratoires publics que dans celui des entreprises a un effet déterminant sur l’orientation de leurs travaux.
Ainsi selon les évaluations faites sur les programmes précédents, les crédits européens comptaient pour 40% des ressources externes des laboratoires publics et 45% de celles des PME. Pour les vingt premiers grands groupes industriels, la part européenne dans le financement externe ne s’élève qu’à 29%., tandis que celle du Ministère de la Défense se monte à 32%.
Sur le plan des orientations thématiques, les programmes européens ont été essentiellement centrés sur des objectifs technologiques : technologies de l’information et des télécommunications, technologies des matériaux, biotechnologies, énergie nucléaire. L’Acte Unique avait fixé comme objectif à l’intervention communautaire : “de renforcer les bases scientifiques et technologiques de l’industrie européenne et de favoriser le développement de sa compétitivité internationale”.
Ces objectifs vont-ils être remis en cause ? La note d’orientation proposée par la Commission nous laisse entrevoir une évolution : “d’une recherche jusqu’ici largement axée sur la performance technique, il s’agit d’évoluer, avec une efficacité accrue, vers une recherche mieux centrée sur les réponses à apporter aux besoins sociaux et économiques fondamentaux du citoyen…”.
Cette note identifie un certain nombre de défis et d’opportunités pour l’Europe au début du prochain siècle :
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les problèmes sociétaux de l’Union et le défi du développement durable : vieillissement de la population, coûts négatifs résultant de dommages à l’environnement et à la santé des populations ;
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les opportunités de marché et de création d’emplois en Europe : la protection de l’environnement, le marché en Europe : la protection de l’environnement, le marché des biotechnologies, sont-ils créateurs des emplois tant attendus ? la “société de l’information” est-elle porteuse de croissance économique et d’emploi ?
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le défi de la globalisation des connaissances et de la place de l’Europe dans le monde.
Ayant le souci de l’intérêt public pour le citoyen européen, les rédacteurs de la note proposent les thèmes prioritaires suivants :
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découvrir les ressources du vivant et de l’écosystème avec un accent particulier sur les applications des connaissances dans les domaines de la santé et de l’alimentation, de la maîtrise des pollutions et des déchets ;
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développer une société de l’information conviviale. Au-delà de la mise en place des infrastructures des systèmes numériques et des multimédia, quels seront les contenus des échanges ainsi facilités ? Comment utiliser ces techniques pour un meilleur accès de chacun à l’information et pour une meilleure cohésion au niveau européen ?
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favoriser une croissance compétitive et “durable”. La production de nouveaux objets ou de nouveaux services doit intégrer dès la conception la notion de cycle de vie et de réduction des externalités négatives.
Ce sont ces orientations qui seront soumises prochainement à l’examen du Parlement et du Conseil Européen.
Commentary
Les programmes européens ont une influence croissante sur la communauté scientifique. Pendant de nombreuses années, ce sont les crédits militaires qui ont dominé aussi bien la recherche publique que la recherche privée. Aujourd’hui ils représentent encore 67% du financement public de la R&D des entreprises en France. Plusieurs enquêtes ont montré que pour les entreprises comme pour les universités, les financements européens se substituent peu à peu aux financements militaires.
Il est donc primordial de s’intéresser aux orientations préparées par la Commission puisque son influence ira grandissante dans les travaux des chercheurs. L’effort de réflexion et de programmation engagé par la Commission est d’autant plus intéressant qu’il est sans doute le seul exercice dans les trois grandes régions économiques (Etats Unis, Japon, Europe) à être mené dans une certaine sérénité sans être l’enjeu d’effets d’annonce sans lendemain. Que reste t’il quatre ans après, de l’annonce du ticket Clinton-Gore de réorienter l’effort technologique américain du secteur militaire vers le secteur civil en le sortant de la tutelle du Pentagone (Reinvestment Technology Project) ?
Au delà des spécialistes, il conviendrait que l’ensemble des citoyens européens puisse participer à un débat sur ces orientations et que ce premier document encore imparfait dans sa composition soit enrichi sous l’influence des “acteurs de sens” et pas seulement de celle des différents lobbies d’intérêts économiques.