Richard Pétris, Grenoble, France, mars 2006
Un processus de stabilité et de bon voisinage dans le sud-est de l’Europe
Une démarche "anti-empire"
Mots clefs : Actions de coopération politique locale pour la paix | Initiatives de coopération politique internationale pour la paix | Voie diplomatique pour chercher la paix | Géopolitique et paix | Construction d'une alliance pour la paix | Traité d'amitié et de coopération | Pacte de stabilité | Construction d'alliances citoyennes | Relations internationales et paix | Diplomate | Union Européenne | OSCE | Reconstruire la paix. Après la guerre, le défi de la paix. | Prévenir des conflits | Utiliser la voie diplomatique pour gérer des conflits | Agir à l'échelle internationale pour préserver la paix | Soutenir des démarches de réconciliation après-guerre | Europe | Ex-yougoslavie | Les Balkans | Bosnie | Méditerranée
Le 13 décembre 1995, la veille de la signature de l’accord de paix sur la Bosnie à Paris, la France a fait adopter à Royaumont une déclaration sur « un processus de stabilité et de bon voisinage dans le sud-est de l’Europe et dans la région concernée au sens large » par les Ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union Européenne, de ceux du sud-est européen, des Etats-Unis et de la Russie, les représentants de l’OSCE et du Conseil de l’Europe.
Ce processus s’inspire du Pacte de Stabilité en Europe, adopté à Paris lors de la Conférence finale des 20 et 21 mars 1995 : un ensemble de traités d’amitié et de coopération entre pays voisins. Les points d’attention particuliers du Pacte sont : la lutte contre toutes les manifestations d’intolérance (nationalisme agressif, racisme, chauvinisme, xénophobie, antisémitisme) et pour la démocratie et les droits de l’homme. Ce Pacte contient plus de 120 accords, arrangements et déclarations politiques portant sur : la coopération transfrontalière régionale (amélioration des transports routiers et des moyens de télécommunication, modernisation des postes frontières, etc.), les questions relatives aux minorités (relations institutionnelles, études, langues), la coopération culturelle (coopérations dans l’enseignement, apprentissage des langues, programmes d’histoire), la coopération économique régionale (programmes énergétiques, développement économique et social, etc.), la coopération juridique et la formation administrative (fonctionnement des ONG, douanes, citoyenneté, naturalisations, etc.), les problèmes environnementaux (sécurité nucléaire, déchets radioactifs, qualité de l’eau, etc.). Il faut y ajouter aussi près d’une centaine de projets de soutien financé par 200 millions d’ECU du programme PHARE. Ces projets portent sur la coopération économique, culturelle ou transfrontalière, ainsi que sur les minorités et l’environnement.
Il participe, ce processus, d’une démarche plus générale destinée à contribuer à « l’édification d’une Nouvelle Europe, une Europe de démocratie, de paix, d’unité, de stabilité et de bon voisinage » . Trois axes de réflexion sont privilégiés qui appellent les participants à « mener un effort commun et continu :
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l’amélioration ou la restauration progressive du dialogue et de la confiance,
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la prévention des tensions et des crises,
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la réconciliation, la coopération régionale, la reconstruction économique et le bon voisinage » .
L’Union européenne se propose de mettre en place, avec le concours d’autres intervenants éventuels, des mesures d’accompagnement au profit de projets concrets favorisant la stabilité et les relations de bon voisinage. Elle pourrait proposer les projets suivants :
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des rencontres entre professionnels des médias, par exemple une « semaine des médias » au cours de laquelle l’Union européenne pourrait lancer un programme d’aide aux médias indépendants de la région,
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un séminaire sur « la coopération transfrontalière en Europe » au cours duquel les Etats membres présenteraient leur expérience ainsi que la gamme des accords existants,
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un colloque entre experts en relations internationales de la région.
L’objectif poursuivi est de permettre à des interlocuteurs d’une même profession de reprendre les relations interrompues par le conflit sans qu’ils se retrouvent dans un face à face pénible et délicat.
Commentaire
Cette initiative qui cherche à inscrire la résolution du conflit de l’ex-Yougoslavie dans une perspective plus large et mise sur la prévention, traduit une nouvelle constante de la diplomatie française et internationale ; la référence au Pacte de Stabilité en Europe adopté à Paris en mars 1995 est explicite, ce pacte dont l’esprit et la méthode inspirent également l’idée d’un « Pacte de stabilité pour la Méditerranée » dans la ligne d’un partenariat euro-méditerranéen qui a été discuté à la conférence de Barcelone.
Là où l’on fait parfois remonter les origines de la tragédie des Balkans à la dislocation de l’Empire austro-hongrois et où l’on considère généralement que l’Europe s’est discréditée par son impuissance, il faut noter, en reprenant la formule de Michel Foucher, directeur de l’Observatoire européen de géopolitique, que ce qui est reproché à l’Europe c’est « de ne pas avoir fonctionné comme un empire qui impose sa loi à la périphérie » . Effectivement, l’exercice est ici tout autre : le « processus de stabilité et de bon voisinage » privilégie désormais la démarche contractuelle, une démarche que l’on pourrait qualifier d’ « anti-empire » .