José Pablo Batista, Guatemala, December 2004
Le « plan Arias » opposé au « plan Reagan » pour la pacification de l’Amérique Centrale à la fin du XXe siècle
L’élaboration commune d’un projet de pacification pour l’Amérique centrale dans les années 1980.
Lors de son arrivée à la présidence du Costa Rica en 1986, M. Oscar Arias était confronté à une menace importante : son pays était de plus en plus concerné par les conséquences politiques et militaires des conflits armés des pays voisins. En effet, le Guatemala, le Salvador et le Nicaragua étaient alors traversés par des conflits armés internes d’une grande intensité. M. Arias a décidé de s’allier aux autres Présidents de la région pour prendre tout de suite le chemin de la paix.
En effet. Ces derniers, aidé par des pays amis, avaient entamé des initiatives pour la pacification de la région, notamment M Vinicio Cerezo, Président du Guatemala à l’époque, et M Napoleon Duarte, Président du Salvador à l’époque.
En même temps, M. Oscar Arias avait entamé ses efforts pour la paix avant même sa prise de fonctions. Il s’était rendu dans les quatre autres pays de l’Amérique centrale et d’autres pays de l’Amérique du Sud et rencontré les plus hautes autorités pour les inviter à se réunir au Costa Rica dès sa prise de fonctions en vue d’entamer des dialogues sur les défis majeurs de la paix des sociétés latino-américaines. Une fois réunis à San José, il a proposé la formation d’une « Alianza Continental para la Democracia y la Libertad » avec, comme projet, le combat commun pour la démocratisation et la pacification de l’Amérique latine, afin que tous les citoyens puissent jouir de leurs droits sociaux, économiques et politiques, sans aucune domination par le biais de la violence. Ce premier plan Arias visait tout particulièrement le Nicaragua sandiniste qui n’était pas, à ses yeux, un régime démocratique. En même temps, ce plan avait le soutien des Etats-Unis. Depuis, M. Arias a continué sa quête active de partenaires en vue de constituer des alliances pour la paix.
Après la signature du document « Esquipulas I » en 1986, le président du Costa Rica, M. Oscar Arias, présenta aux gouvernements centre-américains son plan (les arguments développés ici s’inspirent du « Plan Arias » ainsi que d’un ouvrage publié par M. Arias où il développait les fondements théoriques de ses approches : O. ARIAS, El camino de la paz, Editorial Costa Rica. San José 1989).
Les autres Présidents centre-américains, avec le soutien des démocrates de leur pays, ont répondu en mettant en avant une approche un peu alternative à celle de M Arias. Ils proposaient, en fait,
un chemin politique : la pacification de la région exigeait sa démocratisation. La paix n’était pas le produit de la victoire militaire des uns sur les autres. La signature des accords de paix n’était pas non plus suffisante. Il fallait entamer une réorganisation des régimes politiques des pays pour qu’un État de droit soit effectivement en vigueur. Il fallait aussi réaliser une véritable réforme des rapports sociaux à l’intérieur des pays pour canaliser pacifiquement les conflits internes.
Paix et démocratie étaient indissociables. Tant qu’il y aurait des régimes autoritaires, de droite ou de gauche, producteurs de phénomènes d’exclusion, de manipulation ou d’oppression politique des populations, la violence trouverait ses sources. Les dirigeants centre-américains étaient alors engagés dans les mécanismes de construction de la paix tout en s’attaquant aux causes de la violence.
Cette approche révélait une originalité concernant les relations de l’époque entre les autorités centre-américaines et celles des États-Unis. Le discours officiel de l’administration Reagan laissait entrevoir l’existence de ce qui en Amérique centrale était appelé alors « le Plan Reagan ». La Maison-Blanche avait des intentions précises afin de régler, à sa façon, la crise centre-américaine.
Les différences des deux approches, l’approche centre-américain-l’approche Reagan, peuvent être résumées comme suit :
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Le plan Reagan affirmait que les conflits centre-américains étaient très différents les uns des autres et que chaque pays avait besoin d’une solution adéquate et à des vitesses différentes. Le Plan des centre-américains privilégiait quant à lui les causes communes et les phénomènes transversaux. Selon ce plan, la mise en application des dispositions devait être faite dans les cinq États et de façon simultanée. Il était hors de question d’envisager des procédures de pacification et de démocratisation qui favoriseraient la division de la région.
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Le plan Reagan affirmait que les sandinistes nicaraguayens n’étaient que des agents du communisme international et que leur gouvernement était un ennemi de la démocratie, qu’il fallait donc le démanteler. Le plan des centre-américains reconnaissait au contraire la légitimité de tous les gouvernements centre-américains, y compris du gouvernement sandiniste. C’était au peuple nicaraguayen de soutenir son gouvernement ou de l’évincer, par le biais des élections démocratiques.
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Le plan Reagan affirmait que pour évincer du pouvoir les sandinistes il fallait soutenir la CONTRA, le mouvement armé rebelle nicaraguayen, véritable représentant de la démocratie au Nicaragua. Le Plan des centre-américains ratifiait quant à lui l’illégitimité de tous les mouvements armées subversifs d’Amérique centrale : l’URNG (Guatemala), le FMLN (Salvador) et la CONTRA (Nicaragua). Par là même, l’interdiction de tout soutien à un quelconque mouvement subversif armé de la part de n’importe quel État.
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Le plan Reagan affirmait qu’il fallait réformer en profondeur le système politique nicaraguayen pour y introduire la démocratie jusque là inconnue, alors que ceux des autres pays pouvaient continuer à évoluer doucement vers davantage de démocratie. Le Plan des centre-américains affirmait au contraire que tous les régimes centre-américains devaient être réformés pour avancer dans la voie de la démocratisation.
Il ne s’agit pas uniquement d’oppositions sur des questions techniques. Il s’agit de la proposition de deux plans de paix différents, chacun relié à deux approches géopolitiques divergentes.
Commentary
Face aux difficultés qu’il rencontrait, dues non seulement aux oppositions mais aussi aux hésitations des uns et des autres, M. Arias disait à l’époque « la première condition pour la paix est de la vouloir de toute son âme ». En 1987, lors de la réunion sommet « Esquipulas II », les présidents de l’Amérique centrale ont opté pour l’adoption et la mise en œuvre du plan Arias, délaissant ainsi le plan Reagan.