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, Grenoble, July 2015

Témoignage de rencontres extra-ordinaires

Délia et Kirsten, une fille et une femme, deux parcours, une volonté commune : comprendre et agir pour briser les frontières imaginaires

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Lors du voyage d’étude, du 17 au 24 mai, réalisé par les jeunes de l’atelier agir pour la paix dans quatre villes européennes autour du projet, « comment faire société » j’ai eu l’opportunité de rencontrer une fille et une femme au dynamisme qui interpelle et qui donne envie de ne pas/plus être complices par nos silences et nos peurs face à cette violence, récurrente, que l’on observe dans divers parties du monde.

Délia, l’esprit critique n’a pas d’âge

Délia, jeune danoise de confession musulmane et dont l’âge ne reflète en rien la qualité de sa pensée et de ses analyses sur l’évolution du monde, a captivé le groupe lors de notre escale à Copenhague. Il est 19h, quand nous faisons notre entrée dans ce restaurant danois sur invitation de nos hôtes. Spontanément, chacun décide d’aller s’asseoir auprès de celui qu’il ne connaît pas. J’y décèle le jeu sur les représentations que nous utilisons dans les ateliers Agir Pour La paix. Je vais donc m’installer face à Délia. Bien que pris à une autre causerie, mon attention va être saisie par la qualité du débat et surtout la force des arguments de Délia. La phrase qui m’a convaincu de m’intéresser à ce que dit Délia est « [son] souci de comprendre et la liberté qu’ [elle se] donne de douter de tout ». Et elle va enfoncer le clou lorsqu’elle dira que même les dogmes religieux méritent qu’on s’y attarde. Le faire, poursuit-elle, « participe à construire son propre raisonnement et échapper ainsi à tous ces faux discours qui prétendent parler au nom de cette noble religion d’amour et de paix qu’est l’Islam ». Elle ne s’arrête pas là. Elle précise, en outre « …ne pas comprendre pourquoi quelqu’un commet un crime et on demande aux citoyens de confession musulmanes de venir justifier leur foi ». On n’a pas à obliger quelqu’un qui pratique sa religion dans la noblesse et l’amour du prochain de venir se justifier. On voit dans ces propos, la force d’une personne à faire la différence entre sa foi et son statut de citoyenne danoise. Et qui refuse, en l’occurrence, tout amalgame entre ceux qui, par la violence, affirment agir au nom d’une religion et ceux qui la pratiquent dans le respect de la vie et de la différence.

Interrogée sur la question du voile, elle répond : « ma maman porte le voile de même que la majorité de mes copines  ; moi je ne le porte pas alors que je suis de confession musulmane ». Il faut admettre poursuit-elle que « chaque personne exprime sa pratique de la religion de façon différente » et d’ajouter « dans le respect de l’autre ». On va apprendre, lors de cet échange, qu’elle a eu un échange avec ses parents sur la question du voile et qu’elle a affirmé à ses parents qu’[elle] « ne se sentait pas prête à porter le voile, pour le moment, et peut être qu’à l’avenir |elle] le fera ». On pourrait y voir dans ces propos comme un refus d’agir par mimétisme, mais par conviction. La liberté de pensée de Délia et la force de ses convictions ont scotché tout le monde. Mêmes ses amies, avec qui elle est à longueur de journée l’écoutaient avec une grande attention.

Sur le chemin du retour où nous logions, toutes celles et tous ceux qui l’ont écoutée ont simplement exprimé leur : « waouuuuuuuuu !!!!! »

Kirsten et la fraternité : des mots aux actes

Kirsten, une femme, dont la première vue pourrait être trompeuse sur sa force intérieure et sa volonté à ne pas se laisser enfermer par les peurs et les cloisons dans lesquels la société a tendance à nous loger ne nous a pas laissé indifférent. C’est à Amsterdam, alors que nous cherchons où nous restaurer que nous finissons par nous rendre dans un restaurant qui offre des spécialités hollandaises. Dans l’attente du repas, autour d’un échange, nous faisons la connaissance de Kirsten. Une médecin hollandaise à l’abri du besoin et qui habite un quartier dont la population est majoritairement constituée de population dont le pedigree révèle une appartenance sociale lointaine venant d’aires géographiquement situées au Maroc, en Surinam, en Turquie…

Comme second choix, Kirsten et sa femme vont décider de confier la garde de leurs enfants à une de leur compatriote hollandaise de confession musulmane et qui porte un voile. La relation avec leur compatriote viendra renforcer leurs convictions qu’au-delà du voile, la femme qui l’arbhore est par ailleurs porteuse d’humanité. Kirsten va se rendre compte que son orientation sexuelle n’est pas une barrière pour l’expression de la fraternité avec sa compatriote de confession musulmane.

Le troisième choix a été fait sur l’identification de l’école de ses enfants. Une école de culture mixte (enfants dont les parents viennent des aires géographiques précitées). Un choix qui reflète les convictions de ce couple. Les convictions qui reposent, pour l’essentiel, sur l’idée que l’humanité se trouve en chaque personne, que c’est la peur qui nous empêche de voir cette humanité et que cette humanité n’est pas l’apanage ou l’exclusivité d’une personne ou d’un groupe. Dans cette école, les enfants vont donner une leçon de vie aux parents par leur insouciance à faire fi de la différence pour laisser éclore cette fraternité qui ne choisit pas.

C’est donc cette insouciance qui va révéler aux parents des tares dont la particularité est leur fraternité sélective. Pour briser cette fraternité sélective et suivre les pas des enfants de l’école, Kirsten va rejoindre l’initiative de deux femmes hollandaises de confession musulmanes.

Une initiative qui vise à inviter les parents à briser ces frontières imaginaires et à se mettre ensemble, pour discuter ensemble, construire ensemble et unir leur force afin d’agir ensemble, pour une fraternité nouvelle qui repose sur une valeur partagée par toutes. Ces mamans vont alors s’employer à faire des selfies pour symboliser cette fraternité naissante et marcher sur les pas de leurs enfants.