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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche de témoignage

, Lille, septembre 2014

Témoignages sur les enjeux de la sécurité et du terrorisme en Afrique

Politologues, sociologues, historiens, philosophes et chercheurs ont partagé leurs réflexions et analyses sur les questions de sécurité et de terrorisme en Afrique, lors d’une conférence organisée au mois de juin 2014 par l’ASEAF.

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″Les conflits armés naissent dans l’esprit des hommes. C’est aussi dans l’esprit des hommes qu’il faut ériger les principes de paix″. Cette recommandation de l’UNESCO a permis à l’Association des stagiaires et Étudiants Africains en France (ASEAF), de tenir vendredi 13 Juin 2014 une conférence sur le thème de la sécurité et du terrorisme en Afrique.

Aujourd’hui, avec les nouvelles formes de menaces et d’attaques qui pèsent sur le continent, l’ASEAF en partenariat avec la fondation Gabriel Péri, ont permis aux politologues, sociologues, historiens, philosophes, et autres chercheurs d’apporter des pistes de réflexion face à ces violences qui ont pour corollaire la criminalité, l’instrumentalisation des religions dans les espaces publics, les kidnappings, violences généralisées etc. Ainsi des discours d’ouverture, tous les officiels ont appelé à l’arrêt des menaces terroristes qui planent sur l’Afrique du Mali au Nigeria en passant par le Cameroun et la RCA. D’où l’appel du Dr Paul Kananura qui a insisté de façon retentissante sur ce qui conviendrait d’être nommé à juste titre comme l’appel des intellectuels épris de paix. L’appel de Paris exprimé par le Dr Paul Kananura s’adressait donc à tous ceux qui menacent la paix et la sécurité en Afrique.

Les récents enlèvements des jeunes filles au Nord du Nigéria rappellent que le terrorisme est présent en Afrique. Ainsi dans les différentes interventions des officiels, tout le monde a été unanime pour combattre ce fléau du terrorisme. Mais qu’est ce donc le terrorisme ?

Michel MASO, Directeur de la fondation Gabriel PERI qui a assuré la modération a permis d’introduire les différents intervenants qui ont réfléchi sur l’Afrique face aux défis du terrorisme.

On retiendra l’unanimité dans les différentes interventions sur le fait qu’il n’existe à ce jour aucune définition du terrorisme qui fasse consensus.

Le colonel Major Honoré Nombré qui est par ailleurs secrétaire général de la défense nationale du Burkina Faso, a analysé en fin connaisseur des stratégies militaires, l’implication militaire dans les différents conflits armés. Selon lui, il existe deux types de guerre, une dite classique et une autre dite asymétrique.

Les menaces terroristes font partie de ces guerres ″asymétriques″ et planétaires qui selon lui demeurent un des défis majeurs de la sécurité du continent. Ainsi pour lutter contre ces menaces, il convient de développer les renseignements.

Cette contribution est d’autant plus vraie que pour libérer les otages de Boko Haram, le gouvernement Camerounais a privilégié les renseignements associant les leaders d’opinion, chefs de village, chefs traditionnels, etc. Le Préfet Yves Bonnet en fin connaisseur des enjeux géostratégiques de la paix a soulevé des questions pertinentes sur les menaces de la paix. Ce qui a permis au politiste Nouhoume Bâ, chercheur en sciences politique de proposer des solutions radicales et iconoclastes sur le boycott, des armes et de la monnaie qui sert à s’acheter ces armes qui se retournent contre nous.

Quant à Jean-Paul Gourévitch, consultant international dont le dernier ouvrage, croisade islamiste paru en 2011, est encore présent dans les esprits, il faut combattre le terrorisme. Se livrant à des statistiques sur la progression du nombre d’attentats dans le monde, Jean-Paul Gourévitch a analysé de façon globale l’impact du radicalisme des terroristes sur l’Afrique.

Emmanuel Dupuy en sa qualité de professeur de Géopolitique et de président de l’Institut Prospective et sécurité en Europe (IPSE) a placé son analyse sur les perspectives géopolitiques de la menace terroriste avec toutes les crises que le monde connaît aujourd’hui. Ce qui a permis à Jean Dufourcq en tant chercheur en affaires stratégiques et rédacteur en chef de la revue défense nationale, d’analyser ces désordres planétaires que le Colonel Major qualifie de guerres asymétriques.

Pour Jean Dufourcq, les menaces terroristes qui pèsent sur le continent africain sont dûes à quatre principaux handicaps de ce continent à savoir :

  • L’Etat, nation car nous avons plusieurs Etats africains, mais pas encore de nations.

  • Le libéralisme économique.

  • Les guerres intercommunautaires.

  • et l’Union Africaine.

Cette analyse qui peut paraître discutable à l’ère de la mondialisation n’avait pas pour but de contourner l’Afrique à un modèle de gouvernance qui lui soit propre, mais à un principe de réalité qui fait que le continent agit et décide quelque peu par mimétisme.

Avec autant de conflits intercommunautaires en RDC, en RCA, l’heure n’est-elle pas venue pour ce continent d’avoir une force d’interposition capable de dissuader les différents belligérants et de lutter efficacement contre les menaces terroristes. L’exemple de la France au Mali est une parfaite illustration de l’incapacité de l’union Africaine à intervenir au Mali

L’après-midi a été consacré à une réflexion de l’Afrique face à l’intégrisme et l’Afrique contre le terrorisme.

Si le premier panel n’a pas dégagé l’unanimité sur la définition du terrorisme considéré comme menace globale avec les cas du Mali, du Nigeria et de la Somalie, le deuxième panel, en revanche, a réfléchi sur les stratégies à mettre en œuvre pour prévenir le terrorisme en s’appuyant sur les expériences de médiation nationale, régionale et internationale qui ont fait leurs preuves.

L’Afrique face à l’intégrisme et aux menaces diffuses a été analysée sous l’angle de nouvelles formes de terrorisme qui s’enracine dans une Afrique qui fait face à la pauvreté, la corruption et l’injustice.

Parmi, les interventions, on retiendra entre autres, celle de :

Anne Giudicelli, fondatrice de TERR(o) RISC, structure spécialisée sur le risque politico-sécuritaire en Afrique et au Moyen-Orient, a rappelé que le terrorisme est à géométrie variable puisque tout dépend de qui l’utilise, et dans quel contexte politique national et international il émerge. Le Colonel Auguste Barry, conseiller technique du ministère de la Défense du Burkina Faso, a effectivement appelé à s’interroger à chaque fois sur les acteurs du terrorisme. Sont-ils étatiques, non étatiques, ou opposants à un régime dictatorial ? Tous utilisent la violence pour imposer une tendance, une idéologie, qu’elle soit politique ou religieuse. Les terroristes considèrent leurs actes légitimes, puisqu’ils se voient comme des combattants pour la liberté, telle qu’ils la définissent.

Le Dr. Brice Mankou, sociologue, a souligné qu’au moment où l’émergence économique de l’Afrique est médiatisée, l’immense majorité des populations demeure privée de ses besoins humains fondamentaux, à savoir, la santé, la sécurité alimentaire et l’éducation. Cela fait naître des sentiments de désespoir et d’injustice, alors que passent les 4X4 rutilants de ceux qui, en toute impunité, les abandonnent à l’insécurité et au dénuement.

La pauvreté n’est bien sûr pas la source du terrorisme, mais c’est un des leviers sur lesquels l’extrémisme violent s’appuie. Lorsqu’il n’y a aucune perspective de vie meilleure, surtout pour les jeunes, les promesses faites au nom d’une idéologie peuvent, de fait, exercer une fascination. Selon l’écrivain Michaël Kamgaing Sidze, les inégalités socio-économiques Nord-Sud font également le terreau des terrorismes, car ces mouvements pointent les inégalités et attisent la haine envers l’Occident afin d’attirer de nouvelles recrues.

Les pays très industrialisés brandissent depuis longtemps leurs propres valeurs morales alimentant ainsi la propagande des groupes fanatisés qui les considèrent justement comme immorales. Depuis des années, des régimes du Sud sont soutenus ou abattus par les puissances néolibérales du Nord qui, ne voyant que leur intérêt, préfèrent ignorer les conséquences tragiques que cela entraînera. Les répercussions de l’intervention en Libye sont connues de chacun. Samuel Laurent, auteur de « Sahélistan, de la Libye au Mali : au cœur du nouveau djihad », en a brossé une analyse sans appel. En trois ans, cette intervention a fait imploser le pays, ouvert le septentrion malien aux groupes armés, et transformé la Libye en brasier jihadiste. Au moment où l’Irak sombre, l’Afrique subit une terreur d’une rare violence, alimentée en armements par le fruit des narcotrafics et des prises d’otages, et tout ça au nom d’un prétendu jihad.

Les actes terroristes revendiqués par Boko Haram au Nigéria et dans le nord du Cameroun, avec le risque de les voir aller se nicher en RCA déjà en proie à une crise sécuritaire majeure, en sont le tragique exemple actuel. Mezri Haddad, philosophe et ancien ambassadeur de Tunisie auprès de l’Unesco, a qualifié les pays qui soutiennent le terrorisme d’islamo-fascistes. Il a dénoncé qu’on accepte de pactiser avec eux pour certaines choses, alors qu’on sait qu’ils sont pourvoyeurs du terrorisme qu’on prétend combattre ailleurs. Il a insisté sur le fait qu’il considère que les interventions de l’Occident sont toujours décidées dans un esprit impérialiste et colonialiste, ajoutant que rien n’a jamais été fait nulle part, depuis la nuit des temps, sans qu’il n’y ait eu des visées d’intérêts.

Marie-Reine Hassen, ancienne ministre, et présidente du MRC Centrafrique (Mouvement pour le Rassemblement et le Changement), a reconnu que malgré la multitude de débats, mesures et recommandations sur la sécurité, malgré les millions de dollars dépensés en Afrique comme en Occident, rien n’a jamais été appliqué, et que rien n’a empêché son pays de sombrer dans le chaos. Elle estime que sans volonté politique réelle, rien n’aboutira, et qu’il est temps de passer des paroles aux actes.

Anne Giudicelli a soulevé la question de savoir qui sont les réels bénéficiaires des financements internationaux alloués pour lutter contre le terrorisme que rien ne semble pouvoir enrayer. Ceux qui, en Occident, accordent les fonds, cherchent-ils ainsi à consolider leur ingérence dans les affaires locales ? Ceux qui sont aux commandes des pays récipiendaires ferment-ils les yeux sur certaines pratiques pour préserver les profits personnels qu’ils peuvent tirer de cette manne ?

Cette conférence s’est achevée par des résolutions et recommandations à l’endroit des décideurs, des organismes du système des Nations-Unies et surtout la création d’un observatoire des conflits armés en Afrique.

En pièce jointe : Le rapport officiel de la rencontre.

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