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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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, Paris, avril 2009

Figures du Palestinien. Identité des origines, identité de devenir

Elias Sanbar partage avec nous un portrait riche et intelligent du Palestinien d’aujourd’hui. Il s’agit d’une « représentation en mouvement » de l’histoire des lieux où l’identité palestinienne s’est formée.

Mots clefs : Théorie du conflit identitaire | Construction et utilisation de l'identité culturelle | Mouvement de libération politique | Déconstruire les discours identitaires | Palestine | Proche Orient

Réf. : Figures du Palestinien – Identité des origines, identité de devenir. Elias Sanbar, Gallimard, 2004.

Langues : français

Type de document :  Ouvrage

Le livre décrit la manière dont les Palestiniens se définissent et la façon dont ils sont perçus et définis, du XIX siècle jusqu’au nos jours. L’auteur explore les clés de l’identité « toujours en construction » d’un peuple qui lutte pour sa reconnaissance.

Pour parler de l’identité palestinienne, Elias Sanbar semble rechercher une nouvelle approche de l’histoire et, en même temps, une nouvelle conception de l’identité adaptée aux Palestiniens.

Qu’entend-on entende par « figures du Palestinien » ? Il s’agit des différentes formes d’une identité en construction. Il s’agit également de fournir « des instruments » capables d’approcher le thème de l’identité collective tout en refusant de se figer sur le paradigme de l’Etat-nation. Sanbar refuse de considérer les identités comme étant figées dans le temps.

Selon Elais Sanbar, les Palestiniens sont prisonniers de cette incompréhension de l’histoire, de « ce postulat d’une identité supposée éternelle et immuable ». Dans la conception classique de l’histoire, « l’antériorité devenait source de légitimité et de présence exclusive ». Les Palestiniens eux-mêmes se sont fait entraîner par leurs adversaires sur ce terrain très dangereux et ils ont fini par se lancer dans des thèses fantastiques sur l’origine d’une culture et d’une identité nationale palestinienne ancestrale.

Sanbar propose au contraire de remplacer la question « d’où sommes-nous ? » par la question « où sommes-nous ? ». Il justifie ce choix pour se libérer du « mythe de l’instant zéro des identités » et de « l’idée que les identités posséderaient des dates de naissance à partir desquelles débuteraient leur continuité ». Il refuse « le concept de genèse en tant qu’instant succédant au chaos ».

«L’ identité en devenir » prend forme, consistance, à travers une chaîne des figures opposées à « l’identité de l’identification » définie par rapport à l’Etat-nation. Cette dernière forme d’identité est figée dans le temps et son caractère est supposé être inaltéré. Au contraire, l’identité « du devenir » naît de la capacité à se reproduire en d’autres figures tout en restant reconnaissable.

I. La première figure : gens de la terre sainte

Avec cette figure, l’auteur cherche la légitimation de l’existence d’une Palestine comme pays réel et non comme un endroit idéalisé comme Terre Sainte.

La Palestine est un Pays avec une cohérence interne et multiconfessionnelle dans lequel les différences ne s’excluent pas l’une avec l’autre et ce, malgré les épisodes de violence intra-religieuse. Comment cela est-il possible ? la réponse à cette question est au centre des argumentaires de l’auteur : “C’est parce qu’ils ne sont pas prisonniers du postulat « Peuple élu = droit exclusif sur la Terre sainte » que les enfants de cette terre, Palestiniens juifs inclus, se sont en permanence considérés comme Ahl Filastîn, Gens de Palestine, c’est-à-dire dépositaires naturels de tout ce qui fut révélé en ces mêmes Lieux. » Les gens de Palestine se considèrent comme les dépositaires des lieux où les trois religions monothéistes convergent jusqu’à former une « grande famille de la Terre sainte ».

Les problèmes surgissent quand cette terre devient « terre d’intérêts et de conquête ». La valeur symbolique de la terre de Palestine est indissociable de la conception habituelle qu’on donne à son histoire et à sa position stratégique et géopolitique. Cette caractéristique particulière fait de la Palestine un « espace cible ». Ainsi la population qui y habite se considère elle-même comme un « peuple cible ».

Cette dimension de la Palestine comme « espace – objectif » est d’abord une création culturelle propre du XIX siècle. C’est au cours de ce siècle que la Palestine est redécouverte, réinventée, réoccupée. La tradition est pratiquement réinventée. La Palestine est ainsi investie de sentiments et de symboliques annonçant la colonisation qui allait suivre.

Le sionisme, né dans le contexte des persécutions en Europe, est alimenté par une mythologie et un idéalisme de la terre sainte comme terre vide et sans peuple. Les Palestiniens sont à peine considérés comme des nomades ayant décidé de s’installer et qu’il faut tout simplement remettre en mouvement pour libérer la terre sainte de leur présence.

II. La deuxième figure : Arabes de Palestine

L’ambiguïté est le trait marquant de cette deuxième figure du palestinien dont les caractéristiques et les particularités émergent entre la constitution du mandat britannique en Palestine et la naissance de l’Etat d’Israël.

Sanbar souligne l’ambiguïté du langage officiel, des communications officielles, des accords et des documents (caractéristique qui accompagnera tous les accords de paix depuis les accords de Madrid de 1991). Le registre employé dans ces accords nie presque le nom des Palestiniens pour définir les populations autochtones : ce sont les Arabes de Palestine ou « les arabophones à l’ouest du Jourdan ». Balfour définira les Palestiniens comme des « communautés non-juives présentes en Palestine ». Cette approche confirme ainsi l’argumentation sioniste qui définit les uns comme « communauté du peuple juif » et les autres comme « une mosaïque indéfinie des communautés palestiniennes ». Pour les juifs donc “le Foyer national n’est pas une création, mais une reconstitution car les juifs ne vont pas en Palestine, ils y reviennent”.

L’objectif de ce langage, avec d’autres moyens, comme l’acquisition des terres et des propriétés des autochtones de la part du fond national sioniste, est le contrôle du territoire. Les colonies juives font partie du même plan.

III. La troisième figure : le Palestinien invisible, l’absent

À la négation de la tradition suit l’expulsion du territoire. Ainsi, en 1949, le problème de la Palestine n’existe plus et il est remplacé par le problème des réfugiés arabes car les palestiniens n’existent guère.

Les Palestiniens apprennent vite que “quiconque est mis à la porte du lieu est également renvoyé du temps.” Les Palestiniens ainsi privés de la possibilité d’un Etat national, subissent une sorte d’expulsion de l’histoire. Selon Sanbar “la figure de l’Absent se trouve-t-elle modelée par un couple indissociable, temps et lieu, histoire et territoire.”

Le Palestinien absent, réfugié dans un pays arabe proche, et la Palestine silencieuse et invisible qui reste à l’intérieur du territoire sont les victimes d’une escalade réciproque et radicale de violence entre Israël et ses voisins. Dans ces conditions, les réfugiés de l’UNRWA cultivent une idée nostalgique du territoire et de la patrie qui transforment la Palestine en une sorte de « territoire en relation », prémisse d’une volonté retourner dans l’histoire.

Le nouvel Etat d’Israël assigne le statut d’absent aux palestiniens avec l’expropriation et l’administration des territoires et grâce à l’utilisation d’un droit inventé pour cela. Les propriétés des Palestiniens sont ainsi considérées comme des « biens des absents » et cela confirme indirectement que « les Palestiniens, ça n’existe pas ». Le paysage est ensuite transformé, jour après jour, les noms sont inventés pour une transformation calculée et stratégique.

Ce processus d’israélisation du territoire montre la poursuite de l’oeuvre centenaire des voyageurs occidentaux en Palestine. Il s’agit pour l’auteur de l’éradication des noms et “d’une expropriation de la mémoire des lieux.”

La lutte du peuple palestinien et une lutte pour rentrer dans l’histoire, dans le temps. Cela est possible uniquement par : l’Etat-nation.

Commentaire

Tradition, langage et territoire, font partie des caractéristiques avec lesquelles on définit l’unité nationale d’un peuple. Elles ressemblent aux trois figures de l’identité décrites par l’auteur. La négation de ces trois figures a causé pour longtemps l’exclusion du peuple palestinien de l’histoire.

Cette forme d’identité collective a été pour les Palestiniens une conquête progressive qui s’est formée en relation avec et contre Israël et les pays Arabes.

Notes

  • Fiche traduite de l’italien par Simone GIOVETTI.