Le risque antiterroriste

En apportant une réponse essentiellement sécuritaire, l’Europe a opté pour une stratégie de répression qui montre non seulement ses limites mais contribue aussi à développer la menace et à en générer une nouvelle forme, le terrorisme intérieur.

I. L’Europe dans le champ de bataille

Anne Giudicelli essaye de comprendre avec ce livre comment l’Europe, initialement exclue du champ de bataille originel d’une guerre qui ne la concernait pas a pu se retrouver comme étant la cible du terrorisme international d’Al-Qaïda et comment sa stratégie antiterroriste a contribué à l’exposer d’avantage à l’action de ces groupes, en favorisant l’émergence d’une composante « nationale » de la menace, intégrée à la population et donc plus difficile à détecter.

II. L’islamisme radical

Giudicelli présente une brève analyse de l’islamisme radical de type qaïdiste. Elle observe que son caractère internationaliste et déterritorialisé, inhérent à sa stratégie comme à son mode opératoire, lui confère un statut inédit dans l’histoire de l’extrémisme d’inspiration islamique et du terrorisme international.

De fait, les kamikazes de Londres étaient d’origine étrangère, mais nés et élevés en Grande-Bretagne. Ils n’avaient pas d’activités prosélytes, ne fréquentaient pas de mosquées « subversives », n’avaient pas été en Afghanistan ni séjourné en prison et ils n’étaient pas en marge de la société britannique.

Les attentats de Londres placent donc les responsables européens de la sécurité devant un nouvel impératif, celui de l’adaptabilité. Ils montrent les limites de l’approche essentiellement sécuritaire du phénomène terroriste puisqu’elle génère des mutations en réponse aux tentatives de la contrer.

Ils montrent surtout l’échec des politiques d’intégration. Les gouvernements européens sont mis au défi d’assumer le fait d’avoir permis à une partie de leurs concitoyens de vivre en parallèle de leur société sans en partager les valeurs.

III. Une stratégie préventive

Selon l’auteur, renforcer l’efficacité du renseignement doit prévaloir sur l’accroissement des mesures de sécurité et la répression policière et judiciaire : une stratégie préventive d’apaisement, soutenue par une politique de contre influence est sûrement plus efficace en termes de résultats qu’une réponse défensive arc-boutée sur le terrain des valeurs, terreau fertile des idéologues de cette mouvance.

En ce sens, elle envisage une grande consultation nationale menée par chacun des pays européens réunissant des communautés musulmanes, des enseignants, des entrepreneurs, des policiers, des juges, des journalistes, pour interroger chaque société sur ses dysfonctionnements.

Commentary

Avec cet ouvrage, Giudicelli observe essentiellement, comme l’Europe a réagi aux attentats d’origine « alqaïdiste » de Madrid et de Londres. Très intéressante est l’analyse que l’auteur fait du profile du « djihadiste européen ». Contrairement à ses parents ou à sa famille, le jeune activiste n’a plus de liens avec son pays d’origine et il ne se reconnaît pas dans les structures religieuses existantes : le sentiment de discrimination est donc vécu avec plus d’amertume. Paradoxalement sa radicalisation se concrétise avec l’éloignement de la famille et du quartier.

En prenant en considération le fait qu’une plus grande intégration de la communauté musulmane est à la base de toute action de prévention, les Etats européens ont décidé de mettre en place des initiatives qui allaient dans cette direction. Malgré cela il est évident que le processus est encore long ; le problème reste complexe et très délicat.