Cyril Musila, Paris, May 2003
Renforcer les capacités locales de paix : un article de Mary Anderson
L’aide humanitaire dans les zones de conflit a des effets directs sur l’évolution des conflits, soit en les exacerbant soit en les réduisant.
Ref.: Renforcer les capacités locales de paix in Construire la paix sur le terrain, Mode d’emploi$Ouvrage collectif sous la direction de Thania Paffenholz et Luc Reychler$GRIP$Bruxelles$2000$pages 252-259
Languages: French
Document type:
Ce texte est basé sur des expériences de différents organismes qui ont dispensé de l’aide dans des zones de conflits. Malgré leurs efforts de maintenir des relations non partisanes avec les parties en conflit, ces organismes internationaux d’aide ont inévitablement un effet sur les liens et les clivages intergroupes. Ils peuvent, par exemple, exacerber ou renforcer le conflit soit en nourrissant ces clivages soit en ignorant et en minant les relations. Mais paradoxalement, ils peuvent également contribuer à atténuer les tensions et à améliorer les relations.
L’aide apportée en période de conflit affecte les conflits selon deux mécanismes :
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Les transferts des ressources ;
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Les messages éthiques implicites.
S’agissant des transferts des ressources, celles-ci représentent une richesse économique et un pouvoir politique. Soit parce que, subtilisée par les combattants, cette aide sert à soutenir les groupes armés ou à se procurer des armes ; soit parce qu’elle participe de l’économie de la guerre ou de la paix ; soit parce qu’elle peut raviver les tensions entre les groupes ou à souder les liens ; soit parce qu’elle se substitue aux ressources locales accaparées par les conflits ; soit encore parce qu’elle peut légitimer des personnes, des personnes ou des programmes en soutenant la guerre ou la recherche de la paix. C’est ainsi que son contrôle devient alors un enjeu majeur pour les acteurs en conflit afin d’assurer, grâce à elles, leur survie ou leur victoire. Tout le défi pour les acteurs engagés est d’être attentifs et de favoriser les effets qui orientent vers la paix et à encourager les efforts locaux.
Quant aux messages éthiques implicites, on en énumère sept qui exacerbent les impacts négatifs de l’aide sur un conflit. Il s’agit d’un ensemble d’attitudes ou de comportements qui sont interprétés comme favorisant un climat de violence. Ainsi, par exemple, qu’un organisme engage des gardes armés pour protéger leurs ressources ou leur équipe, est interprété par les populations que les armes déterminent qui a accès à la nourriture, aux soins de santé ou aux biens fournis par l’aide. Ou encore quand des organismes d’aide préparent des plans d’évacuation qui prévoient celle des expatriés et laissent l’équipe locale sur place en danger, le message est que certaines vies valent plus que d’autres, etc.
Des travailleurs d’organisations que leurs méthodes contribuent à attiser les conflits ou envoient des messages négatifs travaillent sur des comportements qui renforceraient l’atmosphère de sécurité, de respect de la vie et de confiance.
Commentary
Contribution à l’ouvrage dirigé par Luc Reychler et Thania Paffenholz (« Construire la paix sur le terrain, Mode d’emploi », Editions du GRIP, Bruxelles, 2000), l’intérêt de ce texte est de montrer que l’aide humanitaire en période de conflit constitue un enjeu de grande importance. En même temps qu’elle est nécessaire pour pallier aux dégradations qu’entraînent les conflits, elle est susceptible de porter des effets désastreux et pervers dans les sociétés concernées. Ces efffets dépendent en grande partie de la responsabilité du personnel des organismes dispensateurs.
Notes
Le texte est issu d’enquêtes menées par l’auteur auprès des organismes internationaux chargés de l’aide humanitaire dans les zones de conflits.