Paris, juin 2007
Les pays nordiques et la promotion de la paix
Réf. : Revue Nordiques N°11 - Automne 2006 - Editions Choiseul
Langues : anglais
Type de document :
Connus pour leur fort engagement international en faveur de la paix, surtout au travers du prestigieux prix Nobel de la paix, les pays nordiques ont développé des actions de promotion de la paix dont les particularités restent néanmoins méconnues. L’objet du présent ouvrage consiste à montrer les différentes facettes de l’approche nordique de la paix qui toutes traduisent la conception très pragmatique que les pays nordiques ont du pacifisme.
L’ouvrage débute par une interview de Madame Alyson Bailes, directrice du SIPRI, le Stockholm International Peace Research Institute, qui vient de fêter ses quarante ans. Madame Bailes y présente notamment le travail du SIPRI, particulièrement connu pour la publication de son annuaire sur les questions de sécurité dans le monde, et publié annuellement depuis 1969. Elle y expose également le sens de la peace research telle qu’elle est pratiquée dans les pays nordiques, ainsi que quelques spécificités au sujet de leur rapport à la paix et aux conflits - neutralité, retenue militaire, aptitude au compromis, tradition de médiation - mais également quelques paradoxes tels qu’une grande diversité d’approches concernant leur propre sécurité et les questions régionales et internationales, malgré des croyances et politiques communes en matière de sécurité.
Un autre article de Halvard Leira, chercheur à l’Institut norvégien pour les questions internationales (NUPI), retrace la naissance des discours pacifistes scandinaves à la fin du XIXe siècle. Autrefois très liés, ces discours ont néanmoins engendré des trajectoires pacifistes différentes au Danemark, en Suède et en Norvège ; ceci en raison de conceptions divergentes sur la relation entre l’Etat et le peuple, et sur la place de l’Etat sur la scène internationale. L’auteur souligne ainsi quelques caractéristiques du discours pacifiste des pays nordiques qui a marqué leur action internationale dès le XIXe : libre-échange, neutralité, arbitrage, paix par le droit, ainsi que l’idée d’une mission pacifiste des petits peuples et l’accent mis sur l’idée de gouvernement par le peuple. Au final, il démontre que l’impact du pacifisme sur la politique étrangère, plus fort en Norvège qu’au Danemark et en Suède, s’il est lié à différentes formes de nationalisme, s’explique aussi par des contraintes géopolitiques inégales.
Le cas spécifique du Danemark aux Nations-Unies et au Conseil de Sécurité est ensuite exposé par Norbert Götz, maître de conférences à l’université de Greifswald et chercheur à l’Institut suédois des affaires étrangères. Auparavant marquée par une attitude précautionneuse et de profil bas héritée de l’après-guerre en 1945, la politique étrangère et de sécurité du Danemark devient plus active au début des années 60. Toujours empreinte de pragmatisme et basée sur son rôle de modérateur et de médiateur dans les relations internationales, elle passe ainsi d’une « politique de notes de bas de page » encore prudente dans les années 80, à un internationalisme plus actif après la fin de la guerre froide : participation aux opérations de maintien de la paix et politique d’avant-garde vis-à-vis des Républiques Baltes dans les années 90 en sont quelques illustrations.
Enfin, Nathalie Blanc-Noël, maître de conférences en science politique et chercheur au GAPCGRI de l’université de Bordeaux IV, s’interroge sur le pacifisme nordique en soulignant les ambiguités de la culture de la paix dans les pays nordiques. Elle démontre en effet que leur engagement en faveur de la paix s’accompagne, sur le plan national, d’un militarisme tout aussi enraciné dans les sociétés nordiques, très attachées à la chose militaire. Ce paradoxe s’inscrit toutefois dans un fort pragmatisme nordique qui lie cultures stratégiques et culture de paix : la défense ne sert qu’à crédibiliser ou à relayer une diplomatie de la paix qui a la primauté dans ces sociétés profondément pacifistes. Elle souligne ainsi quelques traits marquants de l’action de ces champions de la paix : engagement de longue date en faveur du désarmement, lutte active contre la pauvreté comme source de conflits dès les années 70, implication au sein des organisations internationales et dans les missions de médiation.
La seconde partie de l’ouvrage présente deux articles, une analyse d’Yves Plasseraud, docteur en droit et président du Groupement pour le droit des minorités, sur « l’Estonie et le monde nordique », dans laquelle il dévoile les relations historiques et culturelles qui lie l’Estonie au monde nordique ; quant à Aladin Largueche, doctorant à l’université de Toulouse Le Mirail et chercheur à l’université d’Oslo, il nous livre les clés du modèle norvégien dans un article intitulé : « La version norvégienne du monde nordique : archétype ou exception ? » dont la lecture nous éclaire notamment sur la question du lien entre identité nationale et modèle économique et social.
Commentaire
La lecture de ces articles fait bien ressortir la psyché et culture des pays nordiques qui sous-tendent leur action en faveur de la promotion de la paix. L’élément marquant, à mon sens, reste le pragmatisme nordique, qui a permis à ces petits pays de s’adapter remarquablement aux changements de leur environnement. Comme le souligne Nathalie Blan-Nöel dans son article, « ils ont ainsi converti leur impérialisme en un internationalisme militant », utilisant les instances internationales pour faire entendre leur voix sur la scène mondiale, tout en s’engageant très concrètement sur le terrain.
Cet aspect remarquable des sociétés nordiques fait ressortir un second aspect essentiel de la culture nordique, incontestablement empreinte d’une solide culture de la paix : le règlement des conflits se fait traditionnellement par le recours à la négociation et au droit, la recherche du compromis et du consensus ; des éléments qui incontestablement prédisposent à la défense des idéaux pacifistes.
Notes
Revue Nordiques N°11 - Automne 2006 - Editions Choiseul