L’art de la paix. Ouvrage de Michel Rocard. Troisième condition pour construire une paix durable : négocier la paix.
Ref.: J. Garrisson et M. Rocard, « L’art de la paix », ed. Atlantica, Paris, 1997.
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Michel Rocard propose, en guise de troisième étape à la construction de cet art de la paix, la négociation, qu’il définit d’ailleurs comme un « art véritable ». Il s’agit d’un travail qui ne va pas de soi, c’est une option d’abord, une construction ensuite, une élaboration, un vrai travail de création qui se prépare.
M. Rocard distingue plusieurs conditions préalables à la négociation :
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Tout d’abord le temps : le travail de négociation peut être long, voire très long, avant de parvenir à un consensus ; bien qu’en situation de guerre la paix est toujours urgente, cela ne doit pas être quelque chose de précipité, du fait des conséquences que peut avoir un traité de paix. Les protagonistes doivent prendre le temps nécessaire, aussi long soit-il. La négociation peut par ailleurs se faire en plusieurs étapes : ceci constitue également une entreprise difficile, mais c’est un effort à fournir par les acteurs du conflit.
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Ensuite la discrétion : engager un processus de paix n’est en effet pas quelque chose de gratuit, il y a toujours un prix à payer, le compromis exige des sacrifices de la part des parties en présence. La paix est une situation qui ne va pas forcément convenir à tout le monde, de par les conditions qu’elle engage : ainsi la phase de négociation doit rester aussi secrète que possible, afin de ne pas être bloquée par les éventuels opposants au processus de paix. Évidemment cette condition de discrétion est aujourd’hui de plus en plus difficile à mettre en œuvre : le relais de l’information se fait de manière quasi-simultanée et l’opinion publique attend de la part des gouvernements et des médias la plus grande transparence. On pourrait même penser que des négociations qualifiées de « secrètes » peuvent être plutôt perçues de manière soupçonneuse. Ainsi la discrétion, si elle constitue un paramètre idéal à la négociation d’accords de paix, est difficile à imposer, mais nécessaire.
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La confiance mutuelle est également vue par Michel Rocard comme un facteur indispensable à la négociation : l’auteur évoque davantage une confiance mutuelle entre deux personnes qu’entre deux institutions, puisque selon lui c’est entre deux personnes que se crée un véritable rapport de diplomatie. Mais ces deux personnes sont forcément représentatives d’un groupe ou d’une institution. Si cette confiance entre deux individus s’avère être impossible (ce qui, pour Michel Rocard, constitue un cas rare à ce stade du processus de paix), un recours à des médiateurs est nécessaire, afin de créer ou de recréer la confiance mutuelle.
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Enfin le droit : l’auteur développe l’idée selon laquelle les dispositions adoptées dans les accords de paix doivent être conformes aux systèmes juridiques propres à chacun des camps en présence. C’est évidemment une entreprise difficile qui, pour Michel Rocard, est au cœur même du travail de diplomatie internationale : créer des niveaux d’entente possibles sur le plan juridique. Toujours est-il que pour réussir la négociation il devient nécessaire de procéder à des modifications juridiques, de réformer le droit, d’élaborer de nouvelles lois en accord avec les nouvelles perspectives. L’auteur donne à ce titre l’exemple de l’Édit de Nantes qui a réorganisé de fond en comble l’appareil judiciaire royal. Par cette action, Michel Rocard entrevoit une assurance pour l’avenir du traité de paix qui se constitue : les accords en question ne risqueront pas d’être remis en cause ultérieurement, ceci étant l’une des principales causes d’échec des processus de paix. Il y a donc un souci d’adaptation à faire partager, en incluant au besoin des règles de changement de droit.