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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Fiche de document Dossier : Du désarmement à la sécurité collective

, Grenoble, France, octobre 1996

Oser prévoir « la fin de l’ordre militaire » .

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Malgré l’ampleur du bouleversement géopolitique de la fin de la guerre froide symbolisé par la chute du Mur de Berlin et alors que “ tout changerait autour de nous “, il est couramment admis que “ la guerre reste un phénomène éternel lié à la nature humaine et à la structure de la société “ et “ prétendre qu’un régime de paix universelle pourrait être bientôt instauré relèverait donc de l’utopie “. La thèse que soutient le livre de Maurice Bertrand est que “ cette opinion commune est erronée “, qu’il s’agit “ d’une croyance qui est déjà en train de perdre de sa force ; que le phénomène de mondialisation concerne au premier chef les questions de sécurité ; qu’une révolution intellectuelle est en cours de préparation dans ce domaine et qu’elle sera d’une ampleur inégalée dans la mesure où elle entraînera une transformation profonde de la structure politique de la planète “.

Après avoir rapidement identifié les traits communs aux révolutions qui ont fait progresser la civilisation occidentale, l’auteur s’appuie sur l’exemple de deux révolutions intellectuelles et politiques qui se sont produites depuis 1945 et qui montrent que “ ce qui était hier considéré comme impossible ou impensable devient soudain lieu commun et réalité “ : la décolonisation et la construction de l’Union européenne qui ont abouti à “ la transformation de la carte du monde “, pour la première, au “ changement fondamental du paysage de la paix et de la guerre, non seulement au niveau européen, mais mondial “, pour la seconde.

Selon l’auteur, la révolution qui concerne aujourd’hui la planète entière se présente exactement dans les mêmes termes :

  • elle doit aboutir à une transformation profonde de la configuration des unités politiques territoriales,

  • elle est rendue inévitable par la transformation du système de sécurité et par la force croissante de l’idée de démocratie et des exigences en matière de droits de l’homme,

  • elle bouscule les idées reçues sur l’éternité et la souveraineté absolue des Etats-nations, sur le devoir de défense des territoires, sur la nécessité des armées,

  • elle suscite des résistances farouches des gouvernements, des peuples, des groupes d’intérêts, et des structures politiques existantes, qui entraîneront des catastrophes de types divers,

  • elle contraindra à choisir entre la répression et la prévention, entre l’oppression et la démocratie.

Pour lui, les signes sont nombreux qui démontrent que le phénomène de mondialisation politique correspond bien à une transformation intellectuelle et politique de l’ampleur décrite :

  • l’idéologie qui règne aujourd’hui dans le domaine de la sécurité s’explique par des circonstances dont l’effet combiné disparaîtra dans quelques années,

  • le niveau d’irrationalité des politiques militaires actuelles ne pourra se maintenir encore longtemps,

  • il deviendra indispensable de répondre par d’autres méthodes aux menaces réelles contre la sécurité,

  • les idées reçues sur le problème seront irrémédiablement bousculées puis détruites et remplacées par d’autres,

  • un nouveau système politique, dont les structures découleront logiquement d’une analyse plus correcte de la situation mondiale sera en conséquence institué.

Commentaire

Il ne peut suffire d’évoquer le premier des sept chapitres de l’ouvrage de Maurice Bertrand pour démontrer le bien fondé de sa thèse. Il faudrait aussi citer celui qui décrit “ la naissance d’une autre logique “ et notamment “ la rupture entre la logique territoriale et la logique planétaire “, “ la fin de la guerre potentielle permanente entre tous les peuples du monde “, “ la prévisibilité des menaces “,... En tous les cas, dans un domaine où la prudence est de mise, par définition, et où l’on rencontre plutôt le scepticisme, voire un certain alarmisme garant d’un meilleur succès de librairie (cf. “ Le bel avenir de la guerre “ de Philippe Delmas), cela fait du bien de desserrer un peu le carcan.

Habitués à la sévérité des critiques de l’auteur à l’encontre du fonctionnement du système des Nations Unies en particulier on comprend mieux ici que c’est bien une organisation qui est en cause et non la capacité des hommes à nouer des relations constructives et de la société mondiale à évoluer pacifiquement.

L’essai est courageux et salubre. Salubre, car prendre le recul de l’histoire est nécessaire pour raisonner sur l’évolution des relations internationales, pour mesurer le chemin parcouru et s’inspirer des expériences traversées pour orienter l’action. Courageux, car la conversion des mentalités, des stratégies et des systèmes implique un changement d’attitude intellectuelle sans lequel il ne peut y avoir de changement politique. Ceci fait totalement partie du passage de la culture de guerre à la culture de paix.

Notes

Maurice Bertrand est conseiller maître honoraire à la Cour des comptes. Il a été membre du corps commun d’inspection des Nations Unies de 1968 à 1985, puis expert sur la restructuration des Nations Unies en 1986.

“ La fin de l’ordre militaire “ (130 p., 1996) est le premier ouvrage d’une nouvelle collection, La Bibliothèque du citoyen, des Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, dont l’ambition est “ d’oeuvrer concrètement à la construction d’une cité réellement participative “.