Fiche de document Dossier : L’engagement actuel de la société civile pour la paix : ses réussites sur le terrain et ses défis pour l’élaboration d’une culture de paix. Présentation d’un ensemble de documents sur des initiatives de construction de paix par les relations entre économie et justice sociale.

, Paris, avril 2006

Histoire de l’autre, ouvrage collectif élaboré par des historiens israéliens et palestiniens à l’initiative du Peace Research Institute in the Middle East.

Une initiative originale d’un institut de recherche pour la paix au Moyen-Orient à destination des élèves israéliens et palestiniens : la confrontation dans un même manuel de deux points de vue sur les origines du conflit israélo-palestinien, celui d’historiens israéliens, celui d’historiens palestiniens.

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Réf. : Histoire de l’autre, LEVI Liana (Ed.), Peace Research Institute in the Middle East (PRIME), Paris, 2004.

Langues : français

Type de document : 

Chaque page de ce manuel d’histoire est divisée en deux colonnes, livrant en parallèle la vision israélienne et palestinienne de trois événements qui marquèrent l’histoire du conflit israélo-palestinien :

  • la déclaration Balfour ;

  • la guerre de 1948 ;

  • l’Intifada.

L’écart entre ces deux regards ne porte pas tant sur la réalité objective, les faits ou les chiffres mais plutôt sur le choix des événements significatifs. On sent un même souci d’exactitude, une certaine sobriété dans l’exposition des faits, une volonté d’éviter tout reproche de mauvaise foi, qui donne paradoxalement à chaque récit une crédibilité troublante.

En effet, en lisant une version puis l’autre, on n’a aucunement l’impression de lire une chose et son contraire mais plutôt le sentiment de lire deux textes à trous qui, superposés, racontent l’histoire complète.

I. Les origines du sionisme

Ainsi sur les origines du sionisme dans le récit israélien l’accent est-il mis sur les souffrances des juifs comme peuple et la nostalgie séculaire de leur terre, tandis que le récit palestinien insiste sur l’appui de la Grande-Bretagne et la politique anti-arabe des puissances coloniales. De ce fait, la version palestinienne écorne un peu l’évidence du « retour » des juifs en Israël, et l’idée même de l’existence d’une nation juive aux débuts du sionisme, idée discutable pour un peuple ayant vécu 2000 ans de diaspora et un destin mêlé à quantité d’autres nations. De leur côté, les israéliens, en énumérant les bonnes raisons ayant poussé les juifs à venir s’implanter en Palestine, passent sous silence le fait que cette terre soit habitée, et que se pose dès l’origine le problème d’un État dans l’État.

II. La victoire des juifs en 1948

Autre exemple plus attendu : la victoire des juifs en 1948. Celle-ci est imputée d’un côté au courage des soldats de Tsahal, et de l’autre à la pauvreté des palestiniens en moyens et en soutiens, notamment à une aide insuffisante des pays arabes. Le récit palestinien se montre ainsi assez sévère vis-à-vis de la réaction arabe à la création d’Israël, entendue comme entreprise occidentale de contrôle et de déstabilisation du Moyen-Orient.

III. L’Intifada

En ce qui concerne l’Intifada, les deux versions s’accordent sur le caractère spontané de cette révolte et la confusion qu’elle a provoquée chez les autorités des deux parties. Chacun lui reconnaît un mérite dans l’avancement du processus de paix. On aimerait connaître les deux interprétations de l’arrêt de ce processus et de la politique d’Ariel Sharon qui lui a succédé... Mais ce serait demander à un livre d’histoire d’expliquer l’actualité.

Commentaire

On se doute bien que les israéliens et les palestiniens n’ont pas exactement la même lecture du conflit qui les oppose. Cette guerre qui endeuille notre passé et notre avenir, à qui la faute ? À « l’autre », répond bien sûr chacune des parties opposées, à l’ennemi d’autant plus haïssable que son agression est montrée comme une pure injustice.

Dans une situation de guerre, l’histoire que chaque partie enseigne aux nouvelles générations revêt un enjeu politique majeur : elle est le véhicule de l’indignation d’un peuple, de la justification du combat, de la glorification des martyrs, d’une auto-victimisation. Cette juxtaposition des récits fait prendre au lecteur la mesure d’une situation d’impasse où chacun se ressent comme dans son droit. Sans chercher à les réconcilier, le PRIME fait déjà un grand pas pour la paix en éditant un manuel qui admet tacitement la partialité de chacun des points de vue, et qui prend le risque que l’ennemi soit mieux compris, et donc moins haït.

Plus généralement, ce livre constitue un document historiographique unique qui suscite des questions très profondes sur le sens de l’Histoire, son rôle politique et symbolique, et ses limites épistémologiques : qu’est ce que l’objectivité en histoire ? En quel sens l’histoire est-elle un instrument politique ? L’histoire a-t-elle un rôle à jouer dans la solidarité entre les membres d’une communauté ? Etc.

Outre sa vertu pédagogique et son noble objectif, ce livre est enfin un très bon manuel d’histoire, probablement le meilleur sur la question israélo-palestinienne, puisqu’au moins tout est dit.