Philippe Mazzoni, Richard Pétris, Grenoble, mars 2006
Le manifeste de Séville sur la violence
"Il est scientifiquement incorrect de dire ..."
Réf. : le document peut être consulté sur divers sites de l'UNESCO
Type de document :
Le manifeste de Séville sur la violence a été rédigé en Espagne, en 1986, à l’occasion de l’année internationale de la paix. Des scientifiques se sont réunis pour répondre à la question : « Est-ce que la biologie ou les sciences sociales contemporaines ont mis en évidence quelques facteurs biologiques qui soient un obstacle insurmontable, ou tout au moins sérieux, à la construction de la paix dans le monde ? » .
Cinq propositions sont faites.
1. Il est scientifiquement incorrect de dire que l’on ne pourra jamais mettre fin à la guerre parce que les animaux font la guerre, et que l’homme est semblable à l’animal. Premièrement, ce n’est pas vrai car les animaux ne font pas la guerre. Deuxièmement, ce n’est pas vrai car contrairement aux animaux l’homme possède une culture et la capacité de la changer. Une culture qui a fait la guerre à telle époque peut changer et vivre en paix avec les autres cultures à une autre époque.
2. Il est scientifiquement incorrect de dire que l’on ne pourra jamais mettre fin à la guerre parce qu’elle fait partie intégrante de la nature humaine. Les controverses sur la nature humaine ne pourront jamais rien, parce que la culture humaine confère aux hommes la capacité de modeler et de transformer leur nature d’une génération à l’autre.
3. Il est scientifiquement incorrect de dire que l’on ne peut mettre fin à la violence parce que les animaux et les hommes violents vivent mieux et se reproduisent plus que les autres. Tout indique au contraire que le bien vivre est directement lié, pour les êtres humains comme pour les animaux, à la capacité de coopérer.
4. Il est scientifiquement incorrect de dire que les hommes sont voués à la violence en raison de leur cerveau qui serait « violent » par nature. En fait, celui-ci peut servir à des fins de coopération aussi bien que pour exercer la violence. Tout dépend de l’intention qui est « modelée par nos types de comportement et nos modes de socialisation » .
5. Il est scientifiquement incorrect de dire que la guerre est fondée sur « l’instinct » . Les scientifiques n’emploient guère le terme d’ « instinct » , parce qu’il n’est pas un seul aspect de comportement humain qui soit si déterminé qu’il ne puisse être modifié par l’apprentissage. Certes, chacun à des émotions : mais dans une guerre moderne, les décisions et les actions n’ont pas nécessairement un caractère émotionnel.
Conclusion : La guerre et la violence ne sont pas une fatalité biologique. Il est possible de mettre fin à la guerre et aux souffrances qu’elle entraîne. Cela suppose que tous se mettent à l’œuvre et ce travail doit commencer dans l’esprit des hommes, d’hommes confiants dans la possibilité de la paix. Si l’homme a fait la guerre, alors il est capable de construire la paix. Chacun a son rôle à jouer.
Commentaire
Une enquête a montré que 50% des jeunes du monde entier croient au mythe selon lequel la guerre et la violence seraient inhérentes à la nature humaine. Cette conviction, par voie de conséquence, les rend moins susceptibles de participer à l’action en faveur de la paix.
L’esclavage a été aboli et la domination fondée sur la race et le sexe sont combattus aujourd’hui alors qu’ils ont été autrefois justifié par la biologie. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien, tout comme pour la violence. Quand vaincra-t-on la violence ?
Notes
Ce manifeste a été diffusé par décision de la 25ème Conférence générale de l’UNESCO, le 16/11/89. Il était présenté et commenté par David Adams qui était responsable du programme « Culture de la paix » de l’Unesco.