Matthieu Damian, Delphine Leroux-Astier, Grenoble, France, novembre 2005
Le Bal rouge de Yezid Campos Zornosa
Mémoire des silencieux
Dans le cadre du Festival Colombien organisé à Grenoble et ses environs en mai 2005, le documentaire « Le Bal Rouge » fait partie de la sélection. Par la suite, le Festival 100% Colombie documentaire, qui a eu lieu du 28 septembre au 4 octobre 2005 à Paris, a été l’occasion pour l’Ecole de la Paix de rencontrer le réalisateur de ce documentaire, Yezid Campos Zornosa. Ce festival présente la production documentaire colombienne récente en France, dans le but de faire découvrir plusieurs regards sur la Colombie ainsi que de contribuer à créer des liens entre ces deux pays. Forte de cette rencontre, l’Ecole de la Paix invite Yezid Campos Zornosa à venir à Grenoble pour la diffusion de son documentaire à la Cinémathèque en octobre 2005.
Le documentaire s’ouvre sur une session de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) qui enquête, depuis qu’elle a été saisie en 1993, sur plus de 1.160 assassinats de personnes membres de l’Union Patriotica en Colombie. (S’il y avait 1.160 cas soumis en 1993, ce chiffre a été réévalué de manière significative pour atteindre 3.000 quelques années plus tard. En outre, le délai entre la saisine en 1993 et la réunion effective de la CIDH en 1997, a été de 4 ans).
La Union Patriotica est un parti né en Colombie en 1985 sous le gouvernement de Belisario Bettancourt. A sa création, il suscite immédiatement un grand espoir de la part des habitants qui y voient un dépassement des partis traditionnels. Dès 1986, aux premières élections, ses membres obtiennent un certain nombre de sièges.
Imelda Daza témoigne que la proposition du président Bettancourt les a charmés. Il s’agissait de donner aux FARC la possibilité d’accomplir un retour à la vie civile.
Alors, l’opération « Baile rojo » , Bal rouge, se met en place. Il s’agit de la volonté des gouvernants d’éliminer systématiquement les membres importants de ce parti et ce, dès 1985 . Il est ainsi mis en évidence dans le film que deux petits paysans sont assassinés dès 1985 car ils ont accueilli des délégués FARC qui souhaitaient se reconvertir politiquement dans l’Union Patriotica.
Il est souligné le fait que ces actions sont perpétrées par un régime qui se dit démocratique. Cet aspect pêche un peu dans le sens où les auteurs stigmatisent cette politique sans mentionner sous quel président cette décision est prise, si elle bénéficie de l’aval des Etats-Unis (etc.).
Suite à la vague d’attentats qui déciment les cadres du parti de 1985 à fin 1987, un certain nombre d’entre eux décide de se tourner vers la violence et d’entrer à nouveau dans la clandestinité. Par conséquent, ils se détournent de l’UP qui perd de sa légitimité à représenter les guérilleros. Un contingent conséquent est également poussé au départ par ces attentats à répétition.
La violence se poursuit et, lors de la campagne aux élections présidentielles de 1998, trois candidats sont exécutes par des sicarios dont Bernardo Jaramillo, président de la UP, Luis Carlos Galan et Pizarro. Carlos et Fidel Castaño seront condamnés pour l’assassinat de Bernardo Jaramillo. La connivence entre l’Eglise et l’armée est stigmatisée notamment lorsque, suite à l’assassinat de Jaramillo, l’évêque Pimiento refuse de célébrer la messe en son honneur et interdit un tel exercice aux prêtres sous sa direction du fait qu’il était un communiste engagé.
Si quelques fois, l’armée accepte de reconnaître sa responsabilité dans les morts extra-judiciaires, cela entraîne la reconnaissance et le versement d’indemnités (certes minimes) aux familles victimes de ces actes. Cependant, il arrive également que les avocats qui se font défenseurs de ces injustices soient eux-mêmes assassinés.
Commentaire
On recommandera ce documentaire pour la description de l’impossibilité de la conversion politique des FARC en parti politique par le biais de l’expérience UP au milieu des années 1980. Ces assassinats sélectifs prouvent à la UP qu’il est impossible de traiter les problèmes colombiens par la voie légale. On regrettera cependant la part trop prégnante des témoignages sur les assassinats – le parti pris est celui de la mémoire des victimes - au détriment d’un peu plus d’analyse ou d’éléments de contexte.