Virginie Rouquette, Paris, décembre 2005
Sur le chemin de la paix avec l’ONU au Salvador.
Michel Lelièvre est un officier de la gendarmerie nationale française, qui a pris part, à l’occasion d’un appel à volontaires lancé en 1991, à la mission internationale d’observation des droits de l’homme en République du Salvador. L’ouvrage "Sur le chemin de la paix" est à la fois un récit sur la mission de l’ONU, dans ses actions de restauration et de maintien de la sécurité publique au Salvador, mais aussi le retour sur une expérience humaine, avec toutes les réflexions et la portée générale que peut susciter un tel engagement.
Mots clefs : Intervention étrangère pour la paix | Accord de Paix | Corps de police pour le respect de la paix | Gouvernement salvadorien | Mission d'Observation des Nations Unies au Salvador | Démilitariser et désarmer des groupes hors la loi | El Salvador
Réf. : Michel Lelièvre, Culture de paix, Desclée de Brouwer, 1995, Paris
Langues : français
Type de document : Ouvrage
Composée de près de 380 observateurs militaires, 8 médecins et 631 observateurs de police, la fonction de l’ONUSAL, définie au terme de la résolution 693 du Conseil de sécurité de l’ONU le 20 mai 1991, est de vérifier l’application de tous les accords négociés par le gouvernement salvadorien et le Front Farabundo Marti pour la libération nationale (FMLN), en vue de mettre un terme à dix ans de guerre civile. Ces accords portaient sur le cessez-le-feu et les mesures y afférant, la réforme des forces armées et la réduction de leurs effectifs, la création d’une nouvelle force de police, la réforme des systèmes judiciaire et électoral, les droits de l’homme, le régime foncier et d’autres questions d’ordre économique et social.
Sans entrer dans le détail minutieux des opérations, l’ouvrage relate l’histoire du déploiement de cette mission en insistant sur le choix des méthodes retenues au cours de l’expérience. Les objectifs poursuivis sont en effet multiples mais la restauration d’un climat de paix dans le pays nécessite pour les responsables de la mission d’acquérir la confiance des populations avec lesquelles ils travaillent. Il s’agit donc d’apporter les gages de neutralité et de professionnalisme des agents de la mission, afin de garantir la légitimité de celle-ci à concourir à la restauration de la paix au Salvador. Une phase d’observation et d’évaluation des besoins a donc été le préalable au déploiement de la mission. Cette première étape fut déterminante : elle permit d’établir avec précision un état des lieux de la situation et de définir en conséquence l’organisation de la mission. À cette occasion, l’auteur a remarqué combien le contexte d’intervention était délicat : la mission suscitait de la part des salvadoriens un espoir immense ; parallèlement, les factions en guerre manifestaient ouvertement leur méfiance à l’égard des corps étrangers dont l’intervention était perçue comme une ingérence et comme un lieu de condamnation de leurs actions passées et présentes.
Aussi, après la signature des accords finaux de paix à Chapultepec (Mexico), le 16 janvier 1992, la mission de l’ONU, initialement centrée sur l’observation du respect des accords de paix voit son mandat s’élargir. Il s’agit désormais pour l’ONUSAL d’une part, de veiller à la cessation des actes de combat (il est précisé que les Nations unies devront vérifier la réalité du cessez-le-feu, la séparation et le regroupement des forces), et d’autre part, de dissoudre les anciens corps de police (issus des forces armées) et de créer une nouvelle police entièrement civile sous le contrôle des Nations unies qui devra assurer la vérification du maintien de l’ordre public jusqu’au déploiement total de ne nouveau corps.
Aussi, la mission se décline en trois divisions. La division des droits de l’homme poursuit le travail entrepris précédemment et conserve la responsabilité de la vérification du respect des accords de paix (accords de San José, juillet 1990) concernant le respect des droits de l’homme.
La division militaire est en charge la responsabilité de la vérification du "cessez-le-feu", de la part des forces gouvernementales comme des unités de la guérilla. Parallèlement, la division organise le désarmement progressif des combattants et contrôle la circulation des armes.
Enfin, la division de la police, innovation en terme de mission de rétablissement de la paix, a pour objectif essentiel de remplacer les trois corps de police existants (Garde nationale, Police financière et Police nationale) en une force unique entièrement nouvelle, la Police nationale civile, aux effectifs et au commandement totalement indépendants des forces armées, à la différence de la situation antérieure où les anciens corps de sécurité publique étaient en fait des unités militaires. L’enjeu de la réussite de cette mission est fondamental : refondée, la nouvelle police ne doit plus être perçue comme la main armée du gouvernement salvadorien, qui, dans un contexte de guerre civile, fait fi du respect des droits de l’homme, mais au contraire, comme une force au service de la population civile, dans une mission globale de protection et de service public, dans un contexte de paix. Associé à la division de la police de l’ONUSAL, l’auteur a donc participé à la formation des nouveaux agents de la police et veillé à l’autonomisation progressive de la nouvelle police salvadorienne de sa supervision onusienne. Soucieux d’organiser un corps de police à même de servir et de protéger les salvadoriens, le choix a été fait d’investir le terrain de façon la plus étendue possible, afin de rester à l’écoute et au service des populations. Cette volonté de travailler en étroite collaboration avec les salvadoriens se traduit par un souci quotidien de décliner dans les faits les valeurs de paix portées par la mission : à titre d’exemple, les membres de la mission ont ainsi accepté dans la plupart de leurs missions de ne pas porter d’armes, de rester disponibles de jour comme de nuit, de consulter les populations dans la mise en place de leurs actions ponctuelles…
Mais, au-delà de la mission de reconstruction de la paix, l’ONUSAL participe, d’une certaine façon comme un aboutissement, à l’organisation des élections générales (présidentielles, législatives et municipales). Celles-ci se tiennent en mars 1994 et constituent la première consultation depuis le retour à la paix et la première occasion de mettre en présence l’ensemble des courants politiques depuis l’extrême droite jusqu’au FMLN. Le bon déroulement du processus électoral et l’analyse des résultats de ces élections témoignent du chemin parcouru depuis les accords de paix et présentent, en dépit de quelques incidents, des gages de l’engagement du pays sur une voie démocratique.
Le mandat de l’ONUSAL s’achève le 30 avril 1995. Le chemin de la reconstruction est encore long : l’appui financier, économique et politique de la communauté internationale est déterminant pour s’assurer de la pérennité des efforts de l’ONUSAL. La mission des Nations unies au Salvador (MINUSAL), composée d’un petit groupe de civils des Nations unies est restée au Salvador pour fournir ses bons offices aux parties et contrôler l’application des points non réglés des accords.
Commentaire
Souvent abordée en termes politiques et sociaux, la question du retour de la paix au Salvador est, dans cet ouvrage, examinée sur les plans de la sécurité et de la justice. Ce parti pris oblige donc le lecteur à apporter à ces dimensions de la restauration de la paix toute l’importance qu’elles requièrent. Au-delà de la question de la restauration de la paix dans un pays en guerre, c’est ici le rôle et les modalités d’action des forces de police que l’on interroge, en englobant dès lors des problématiques particulièrement actuelles et universelles.