Mouna Chidiac, Paris, janvier 2005
Les défis en matière économique pour l’avenir de l’Argentine au seuil du XXIe siècle : nouvelle politique et reprise économique
Le défi majeur pour l’Argentine aujourd’hui consisterait à réussir une amélioration conjoncturelle qui se transformerait en une croissance durable. Il convient de mener à bien un programme de réformes structurelles comprennant notamment la refonte du système fiscal, la restructuration du système bancaire et de la dette publique obligatoire et enfin la question de la négociation des contrats de concession des services publics.
Nouvelle orientation politique
Premier Président élu par les urnes après la crise de 2001 (élu seulement par 22 % des argentins le 27 avril 2003), Nestor KIRCHNER impose une attitude nouvelle et veut faire de l’Argentine un pays sérieux en redonnant leur place aux institutions politiques, syndicales et judiciaires. La politique économique, menée par le gouvernement Kirchner depuis son l’arrivée de celui-ci au pouvoir en 2003, est axée sur des objectifs de court terme de stimulation de la demande avec des hausses salariales, le gel des tarifs publics, des mesures en faveur de la consommation, une politique monétaire de baisse des taux d’intérêt, la hausse des dépenses primaires. Après un an de pouvoir, il a su consolider son assise politique. Son activisme sur le plan institutionnel (« purges » effectuées dans les forces armées et la police, offensive réussie contre la Cour Suprême « ménémiste », etc.), son attitude empreinte de fermeté dans les négociations avec le FMI, avec les créanciers privés et les entreprises de services publics, dites privatisées, sa propension à un fort centralisme dans la prise de décision, constituent quelques caractéristiques d’une nouvelle manière d’exercer la présidence de la nation. De plus, il dispose d’un important appui populaire.
Mais la longévité de la popularité de Kirchner va toutefois dépendre de sa capacité à trouver des solutions concrètes aux problèmes socio-économiques du pays.
Comme première étape, il a déjà lancé quelques nouveaux programmes d’aide sociale, tels que « Plan Mayores » (pour les personnes âgées), « Mas y mejor trabajo » (qui promeut la création d’emplois) et « Main d’œuvre » (micro-crédit pour les petites entreprises) et il a réactivé les opérations du Fonds national de l’habitation. Il a également prévu dans le budget 2004, des augmentations des dépenses publiques dans les domaines du développement social, de l’éducation, de la santé et de la sécurité sociale. Cette politique laisse apparaître ses premiers effets bénéfiques.
La situation économique et financière à la sortie de la crise de 2001
Actuellement, la conjoncture en Argentine est prometteuse. La situation économique de 2003 permet de constater une amélioration sensible par rapport aux années précédentes. Mais la croissance du PIB avait déjà commencé en 2002. Au cours des deuxième et troisième trimestres de 2002, la progression du PIB était due avant tout à la performance des exportations et à l’industrie de substitution aux importations provenant de la compétitivité du taux de change. Au cours des trimestres suivants, c’est l’absorption interne (investissement et consommation) qui a été le déterminant essentiel de la hausse de l’activité. Au troisième trimestre 2003, le PIB enregistre une croissance de 2,8 % et avec un PIB de 129,74 milliards de dollars en 2003, l’Argentine retrouve sa troisième place traditionnelle en Amérique latine, cédée un an plus tôt au Venezuela (premier : Mexique et deuxième : Brésil).
L’Argentine respecte même certains équilibres macro-économiques de base : l’inflation est contenue en dessous de 3 % dans un contexte de fluctuation des changes. L’État dispose en outre d’un excédent primaire sans précédent pour le pays. L’économie passe d’un déficit des comptes courants de 5 % en 2002 à un excédent de 14 % en 2003.
Du point de vue du commerce extérieur, en 2003, les exportations ont progressé de 14,2 % par rapport à 2002. Quant aux importations, elles ont progressé de 53,6 % sur l’année.
L’excédent économique atteint un niveau important à près de 9 milliards de dollars pour les neuf premiers mois de 2003. Sur le plan monétaire et financier, le peso a récupéré à ce jour 25 % de sa valeur. Depuis mai 2002, les finances publiques ont amorcé leur redressement. L’emploi repart malgré un taux de chômage encore préoccupant.
Les indicateurs économiques continuent leur tendance à la hausse en 2004. En effet, cette conjoncture favorable s’est confirmée en début d’année 2004 avec une activité industrielle qui continue à être croissante (+ 0,9 % en février par rapport à janvier 2004 et + 13,3 % par rapport à février 2003).
On assiste également à un prélèvement de recettes qui marque un record historique et permet au gouvernement de largement dépasser les objectifs d’excédent primaire convenus avec le FMI. Les politiques monétaires et budgétaires prudentes ont contribué à réduire les tensions sur les variables monétaires et sur les finances publiques. Toutefois, les restructurations de la dette publique en défaut viennent à peine de s’amorcer. De plus le peso argentin s’est stabilisé à partir de juillet 2002 avant de s’apprécier fortement depuis la fin 2002. Cette appréciation du peso est la conséquence d’une bonne demande de peso liée à l’évolution favorable des dépôts bancaires, et d’une offre dynamique de dollars en provenance d’exportations soutenues.
Cette réactivation de l’économie devrait se poursuivre mais demeure précaire. Les bons résultats s’expliquent principalement par des facteurs exogènes. La croissance locale résulte en grande partie de l’excellente conjoncture mondiale et en particulier de la forte hausse des cours internationaux du soja dont l’Argentine est le troisième producteur mondial et de la compétitivité de l’industrie depuis la dévaluation de la monnaie.
Certes, des questions restent encore non résolues, notamment sur le plan de la dette extérieure. Toutefois, en janvier 2003, un accord transitoire entre l’Argentine et le FMI porte sur l’octroi d’un crédit de 2,9 milliards de dollars et sur le rééchelonnement de la dette argentine, soit 6,6 milliards de dollars d’ici 2003. De plus, le 20 septembre 2003, l’accord signé entre l’Argentine et le FMI scelle la reprise des relations entre les deux avec un crédit de 12,5 milliards de dollars.
Pour que cette amélioration conjoncturelle se transforme en une croissance durable, il convient que le Président Kirchner mène à bien le programme de réformes structurelles convenu. Ce programme comprend notamment la refonte du système fiscal, la restructuration du système bancaire et de la dette publique obligatoire et enfin la question de la négociation des contrats de concession des services publics.