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Paris, 2008

Le Commerce équitable en Amérique Latine : facteur de paix sociale ?

Keywords: | | Latin America

Généralités

Les quatre grandes organisations latino-américaines travaillant sur le commerce équitable (FLO, IFAT, NEWS, EFTA) sont créées entre 1989 et 1997 et se regroupent dans un réseau en 1998 nommé FINE qui correspond à la première lettre de chaque organisation.

En 2001, ces quatre structures internationales de commerce équitable proposent une définition du commerce équitable :

« Le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleures conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionnel. »

Dès le début des années 70, « Artisans du monde » met en place un système de commercialisation alternative. 1988, c’est la création de Max Havelaar en Hollande qui débute avec le commerce du café.

L’Amérique latine est un territoire encore assez agricole. En moyenne, cela représente 12.25 % du PIB de l’Amérique Latine. Au Paraguay et au Honduras, le secteur primaire représente plus d’1/4 du PIB. L’insertion du continent dans l’économie mondiale se fait dans la seconde partie du XIXe et d’où la spécialisation et l’exportation de produits agricoles qui se retrouvent aussi dans les produits du commerce équitable.

Le café fut choisi comme un symbole du commerce équitable notamment parce qu’il était le produit le plus exporté après le pétrole et que son prix était fixé par les cours de la bourse des marchés internationaux, bien qu’il soit majoritairement produit par de petits paysans et entreprises familiales qui pour faire face aux fluctuations du cours du café et à la vente des terres agricoles faute de moyens financiers, se regroupent en coopérative.

10 des 20 principaux producteurs de café dans le monde sont latino-américains, ils représentent 56% de la production mondiale : le Brésil leader représente 30 % de la production mondiale du café, la Colombie : 4ème = 10 %, Mexique : 5ème = 4 %, Guatemala : 7ème = 3 %, Honduras : 10ème, Pérou : 11ème, Costa Rica : 12ème = 2 %, Salvador : 15ème, Équateur : 16ème et enfin le Venezuela 17ème = 1 %. La part du commerce du café dans le commerce équitable est importante (3ème rang derrière les fleurs et les bananes). Chez les grandes marques (Nestlé, Kraft, etc…) le label « commerce équitable » ne représente jamais plus de 5 % des ventes en 2007

Exportations (2003) :

  • Cuba : Sucre 72 %

  • Guatemala : Café 84.4 %

  • Honduras : Bananes 50 %

  • Panama : Bananes 65 %

I. Les 10 principes du commerce équitable appliqués à l’Amérique Latine

1. Créer des opportunités pour les producteurs qui sont économiquement en situation de désavantage.

La coopérative Oro Verde se situe dans le piémont andin. Les producteurs ont en moyenne 13 ha de terres, dont 1/3 dédié au café.

Le café est l’une des principales cultures de rente des producteurs sociétaires d’Oro Verde. Le reste des cultures est dédié à la consommation familiale. Oro verde est née suite à un programme de lutte contre la culture illégale de coca dans les années 90.

Les revenus des producteurs membres de la coopérative leur permettent d’investir dans la production agricole. Ceci permet d’augmenter encore les revenus, mais aussi d’investir dans l’éducation de leurs enfants, ce qui est perçu comme une priorité par les producteurs. La coopérative a réussi à mobiliser des fonds propres, des prêts et des dons afin de construire un magasin central avec un laboratoire de contrôle de la qualité, ainsi qu’un équipement pour faire sécher le café.

Oro Verde s’est jointe à une alliance de trois organisations de producteurs de la région nord du Pérou afin de mettre en commun certaines compétences. Une coopérative d’épargne-crédit, la Coopac, prête de l’argent aux membres des coopératives pour financer leur activité. Elle gère des fonds à hauteur de plusieurs centaines de milliers de dollars.

L’enjeu actuel reste la diversification des revenus, c’est-à-dire trouver des débouchés pour d’autres productions locales qui ne sont pas encore suffisamment valorisées : sucre de canne complet, cacao. Il faudra aussi assurer la protection du couvert forestier dans cette région.

2. La transparence et la crédibilité.

Le commerce équitable comprend la gestion de la transparence et les relations commerciales pour faire des affaires avec les partenaires commerciaux.

3. La capacité individuelle.

Le commerce équitable est un moyen de développer l’autonomie des travailleurs. Les organisations du commerce équitable procurent de la continuité durant laquelle les producteurs et les organisations de marché peuvent améliorer leurs capacités de gestion et leur accès aux nouveaux marchés.

4. Promouvoir le commerce équitable.

Les détenteurs de licences de produits labélisés et commercialisés sous une marque X doivent payer une contribution à l’association qui les accompagne dans la promotion de produits équitables. Ce que le producteur et l’importateur certifiés payent à leur organisme de rattachement englobe les frais liés au contrôle des standards ainsi qu’à la promotion des produits.

5. Le paiement d’un prix juste.

En concertation avec les producteurs, il est définit un prix minimum d’achat pour chaque matière première. Celui-ci doit d’abord couvrir le coût de production en tenant compte du respect de l’environnement. Ensuite, il doit assurer les besoins élémentaires de la famille du producteur : nourriture, hygiène, éducation, santé… Tous ces facteurs entrent en ligne de compte pour le calcul du prix d’achat d’une marchandise.

Café moulu pur arabica 250gSystème standardSystème Max Havelaar
Prix de vente en grande surface1,80 à 3,00 €2,30 à 3,50 €
Coût d’importation (transport), de torréfaction, de distribution1,41 à 2,61 €1,50 à 2,65 €
Droit du labelNon Appliqué0,05 €
Coût d’exportation0,14 €0,14 €
Frais de gestion de la coopérativeNon Appliqué0,08 €
Intermédiaire0,06 €Non Appliqué
Petits producteurs0,19 €0,58 €

Cependant, le prix minimum est calculé au plus juste pour éviter de créer un déséquilibre important avec le voisinage. Grâce à ce plancher, le prix payé reste stable si le cours baisse, mais augmente avec lui s’il monte.

6. Égalité entre les sexes.

Les organisations issues de la filière équitable valorisent le travail des femmes : celles-ci doivent toujours être payées pour leurs contributions dans le processus de production. La présence des femmes au sein de la gouvernance de ces organisations est aussi encouragée.

7. Les conditions de travail.

Le commerce équitable signifie un environnement de travail sain et sûr pour les travailleurs tant au niveau environnemental qu’au niveau matériel. La répartition des revenus est très règlementée : les primes ne peuvent pas servir.

8. Le travail des enfants.

Les organisations du commerce équitable respectent la convention des Nations-Unies sur les droits des enfants.

9. L’environnement.

Les organisations veillent à ce que l’environnement de travail soit sain et sûr. Les standards du commerce équitable sont très précis en matière de protection de l’environnement, que ce soit pour l’exploitation du produit en lui-même ou de son conditionnement.

L’utilisation des herbicides est interdite dans la production bananière pour tous les pays, excepté pour le Costa Rica, les îles du Vent et la République Dominicaine. Dans ces pays, ils sont autorisés sous conditions particulières.

Les standards préconisent l’utilisation de techniques de production durables. Le calcul du prix minimum garanti en tient compte. Les critères minimaux des standards reprennent les principaux traités internationaux concernant le respect de l’environnement c’est-à-dire : tout ce qui concerne la production intégrée (les standards demandent une production intégrée. Les producteurs doivent établir un équilibre entre la protection de l’environnement et productivité. Ils doivent gérer l’utilisation des sols, de l’eau et du feu afin de préserver les ressources. Un suivi permanent de paramètres économiques et environnementaux est mis en place). Conversion graduelle vers l’agriculture biologique qui est un objectif à terme encouragée par une prime pour les produits qui en sont issus, absence d’OGM grâce au mode de commercialisation qui permet aux producteurs d’y renoncer tout en restant compétitif.

10. Les relations de commerce.

Généralement, les producteurs peuvent demander aux acheteurs/investisseurs d’avancer jusqu’à 60 % du prix de leur future récolte dès le début de la saison. Cela lui évite d’avoir recours à des usuriers pour financer son activité et sa vie quotidienne dans l’intervalle car dans les circuits conventionnels, il n’est pas rare de devoir attendre jusqu’à trois mois pour être payé après la livraison. L’engagement sur le long terme entre producteurs et importateurs permet d’établir une relation de confiance qui facilitera les investissements si nécessaire. Et qui facilite aussi le respect des principes.

Exemple : Café LOBODIS établi au Pérou, Mexique, Bolivie, Guatemala et Haïti. Il est le seul torréfacteur français à réaliser l’intégralité de son activité dans le cadre du commerce équitable sous le label de Max Havelaar. Quatre cafés de la gamme portent le label AB dont le cahier des charges favorise la régénération du tissu végétal. La société a mis en place des conventions de 3 ans avec les coopératives donc une vision du marché sur le long terme et permet de déterminer à l’avance la production et sa régulation.

Ces échanges durables permettent de générer un développement économique et social : nouveaux équipements et nouvelles infrastructures (routières, écoles, accès et sites Internet…). La réciprocité des échanges ne se fait pas uniquement entre le producteur et l’acheteur (visite annuelle, venue d’un représentant par pays lors de la Quinzaine du commerce équitable) mais aussi entre producteurs : septembre 2005, six membres de la coopérative bolivienne Villa Oriente ont réalisé un voyage d’étude au Pérou, dans la coopérative Cenfrocafé.

II. FLO : LE partenaire du commerce équitable

FLO Regroupe 20 associations principalement basées en Europe mais aussi au Japon, en Nouvelle-Zélande et aux USA

En 2004, il se sépare en 2 organismes :

  • 1. L’un se charge de d’assister les producteurs dans tout le processus de certification.

  • 2. L’autre d’inspecter les producteurs pour s’assurer du respect des standards qui conduisent ou ont conduit à la certification.

Un label principal : Max Havelaar. Les produits qui peuvent bénéficier de ce label de commerce équitable sont le café, le thé, le chocolat, la banane, le jus de fruits, le riz, le sucre et le miel. Depuis 2005, Max Havelaar certifie du coton équitable en tant que matière première. Le label Max Havelaar est attribué à un produit, mais pas à une entreprise.

Ce sont 358 producteurs certifiés FLO en Amérique Latine en 2007.

Argentine 10, Belize 1, Bolivie 26, Brésil 18, Chili 6, Colombie 48, Costa Rica 13, Cuba 10, République Dominicaine 24, Équateur 22, El Salvador 6, Guatemala 23, Haïti 8, Honduras 20, Mexico 50, Nicaragua 20, Panama 1, Paraguay 6, Pérou 44, St. Vincent and the Grenadines 1, Venezuela 1.

Conclusion : attitude des consommateurs face au commerce équitable

Grâce au multimédia, les moyens de communications (Internet, journaux et magazines, Télévision, radio…) sont les premiers relais d’informations du commerce équitable. Les consommateurs des pays industrialisés sont majoritairement au courant de ce qu’est le commerce équitable et des différentes catégories qui le composent (artisanats, boissons/alimentaires, textiles…) cependant les manifestations faisant la promotion de ce type de commerce ne sont encore connues que d’un petit nombre de personne.

Le commerce équitable rentre dans les habitudes d’achats principalement par le biais des produits alimentaires, le café en tête. Les magasins spécialisés sont le premier endroit où les consommateurs ont le réflexe d’aller acheter les produits « Commerce Équitable » suivis des grandes surfaces. Les différents labels misent principalement sur ces 2 types de magasins plutôt que sur les magasins de hard-discount car les consommateurs selon leurs revenus et catégories sociales ne fréquentent pas les mêmes types de magasins.

Selon l’enquête Socecom-sprl / Fair Trade Center (BTC) réalisée en septembre 2005 sur les habitudes des Personnes Responsables des Achats (PRA) au sein des ménages. La connaissance du Commerce Équitable s’explique principalement par un niveau élevé d’études et le fait de vivre dans une ville de province. Alors que la non connaissance du CE s’explique principalement par un niveau d’études faible et le fait d’effectuer ses achats dans les hard discounters plutôt que dans des supermarchés ou hypermarchés. En termes de cibles pour la politique de promotion du Commerce Équitable, il y a trois profils de PRA qui correspondent à des niveaux différents d’implication vis-à-vis du commerce équitable :

  • Les PRA convaincues : à conforter dans leur orientation ;

  • Les PRA informées mais non actives : à mobiliser ;

  • Enfin, les PRA très éloignées de cette problématique: à sensibiliser et informer.

L’image du commerce équitable est positive dans les pays industrialisés. La qualité, le prix, l’impact sur la santé, la bonne cause ainsi que le respect des producteurs sont les principaux critères d’achats de produits « Commerce Équitable ».

Les préoccupations en ces temps de crises économiques sont de savoir si le commerce équitable aide réellement les producteurs à s’intégrer dans le commerce mondial en utilisant une filière différente de ce que peuvent proposer les politiques économiques des différents gouvernements ou s’il s’agit d’un assistanat déguisé, une façon qu’ont les pays industrialisés de s’ingérer dans l’économie de ces pays.

Les enjeux qui se posent semblent faire appel aux questions d’hier en termes « Nord/Sud », ou à des questions d’avant hier en termes « Premier Monde/Tiers Monde ». Autrement dit, le commerce équitable constitue-t-il une initiative pour réformer en profondeur les échanges marchands à l’échelle mondiale, tachés d’immenses injustices ? Ou s’agit-il, plutôt, de tentatives de pratiques alternatives périphériques ayant comme utilité ne pas mettre en question le système mais le légitimer de façon indirecte en favorisant efficacement la reproduction du statu quo ?

Dans un contexte de mondialisation, où les populations les plus démunies sont encore appauvries, il s’agit de chercher et de mettre en œuvre des initiatives venant remplacer les inégalités extrêmes dans les échanges Nord/Sud par des modèles et des pratiques nouvelles capables de répondre aux besoins des populations les plus pauvres : le commerce équitable peut-il répondre à ce défi ?

Notes

  • Auteur de la fiche : Marie CHALIFOUR.