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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Brésil et Paris, 2008

Le Brésil, une puissance émergente qui se veut un constructeur de la paix à l’échelle mondiale

Les objectifs actuels du brésil sont de construire un ordre mondial plus juste, réduire les inégalités entre les nations, la promotion de l’égalité souveraine entre les peuples et à la démocratisation du système internationale.

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Introduction

Bien que le Brésil a vu, comme presque tous les grands pays, sa stratégie de politique extérieure évoluer significativement au cours du XXème siècle, celle-ci peut être analysée comme tournant autour de ses relations politiques et diplomatiques avec les Etats-Unis. Voici les différents grands courants de la politique étrangère brésilienne en fonction de ses relations avec les Etats-Unis, dans une double démarche de « va et vient ». Toute la première moitié du 20ème siècle a été marquée par une alliance avec les Etats-Unis, instaurée en 1902 par le Baron de Rio Branco ministre des affaires étrangères. Après la fin de la deuxième guerre mondiale et la victoire des Etats-Unis et les alliés, puis l’instauration de la guerre froide, la politique internationale du Brésil a commencé à évoluer. De 1960 à 1964 se met en place une politique d’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis du président Janio Quadros qui refuse la bipolarité du monde et veut multiplier les partenaires politiques (Afrique, Asie, Europe de l’est). En 1964, alors que Cuba vient de tomber dans les mains des guérilleros menés par Fidel Castro, que d’autres pays latino-américains commencent à connaître des soulèvements armés, et que la guerre froide s’installe, le régime militaire de Castelo Branco entame un retour à la politique de proximité avec les USA. Trois ans plus tard à peine, en 1967, les nouvelles autorités politiques brésiliennes considèrent que l’influence des Etats-Unis peut coûter une partie de la souveraineté nationale, celles-ci décident un retour à la politique d’indépendance.

En 1973 se produit une rupture : les autorités politique brésiliennes adoptent une stratégie qu’ils appellent du « pragmatisme responsable ». Posture de neutralité politique sur la guerre froide, privilégiant les intérêts économiques et politiques du pays.

Cette dernière mouvance reste encore assez présente aujourd’hui, mais elle se nuance par des volontés plus ambitieuses du nouveau président Luiz Inacio Lula da Silva élu en 2002. Depuis cette élection le Brésil se fait une place de plus en plus importante sur la scène mondiale. Il l’a démontré très vite à Cancun en 2003 sur ses prétentions internationales, ainsi que sur ses prétentions régionales de par sa volonté de devenir le moteur d’un rassemblement symbolique et stratégique de l’Amérique Latine vis-à-vis de la Communauté Internationale.

I. Politique à l’échelle latino-américaine : produire un rassemblement symbolique et stratégique de l’Amérique Latine

En Amérique du sud le Brésil s’efforce d’anticiper les foyers de tensions. Le président estime que seule une Amérique du sud apaisée et coopérative peut éviter le risque de l’ingérence extérieure. Par exemple dès le 23 janvier 2003 le président Lula a mis en chantier un groupe de pays amis du Venezuela. Il a su convaincre Caracas et Washington. Il n’y a pas eu de groupe de pays amis du président Chavez. Il n’y a pas eu non plus de tentative de coalition anti-Chavez soutenue par les Etats-Unis. Ce premier succès a été acquis avec le soutien du Chili, du Mexique, mais aussi de l’Espagne et du Portugal, préconisant le dialogue. Avec le recul ont peut néanmoins nuancer cette réussite puisque les attaques du président Chavez restent d’une diplomatie plus que douteuse. Plus d’un an plus tard, alors que le climat était au plus bas entre Caracas et Bogota, Lula a convaincu avec l’appui de Zapatero, nouveau chef de gouvernement espagnol, les présidents Chavez et Uribe, qu’il valait mieux se parler, que s’invectiver.

Toujours en 2003 le président brésilien affirmait que « L’Argentine et le Brésil ont besoin de leur relation avec les États-Unis et l’Europe, mais nous avons beaucoup plus, vraiment beaucoup plus à faire entre nous ». Chose à laquelle il a ajouté que ces deux pays sud américains étaient de bons exemples de ce que la coopération régionale pouvait apporter, et qu’il fallait se tourner les uns vers les autres avant de se tourner vers d’autres continents.

Un noyau dur sud-américain s’est donc formé entre le Chili, l’Uruguay, l’Argentine et le Brésil, poussant ainsi les autres Etats vers une économie partagée et permettant au Mercosur de survivre. Ce noyau cadre, « civilise » et associe un pôle nordiste, plus radical avec Cuba de Fidel Castro et Chavez le vénézuélien. Il accompagne et essaie d’attirer les pays andins sur le terrain de l’économie partagée.

La collaboration voulue par le Brésil est un bon moteur d’initiatives, puisqu’un parlement propre au Mercosur est en discussion, qu’une sorte de FMI sud américain est en marche depuis 2007. Le Venezuela et l’Argentine sont à l’origine de ce projet. Le but est de créer une alternative latine au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale. La Banque du Sud est créée par sept pays sud-américains, soit la Bolivie, le Brésil, l’Équateur, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela et l’Argentine. Le capital de la banque devrait atteindre sept milliards de dollars. Elle ne couvrira que l’Amérique du Sud, et non l’Amérique centrale. Par ailleurs, cette nouvelle institution ne s’occupera que de développement et n’interviendra pas, comme le FMI, pour combler les déséquilibres des balances de paiement.

Le Brésil a aussi créé les conditions d’une proposition faite par le Président péruvien Alejandro Toledo en 2004, celle de créer un Communauté de nations sud-américaines. Par ailleurs il a proposé à l’Amérique latine de prendre pour la première fois la responsabilité d’une opération de paix approuvée par l’ONU. La force déployée en Haïti, rassemble des argentins, des brésiliens, des péruviens, des uruguayens. Son chef militaire est un général brésilien. Son responsable civil est un ambassadeur chilien.

Cette première diplomatique conforte l’image internationale des pays participants, elle donne au Brésil des cartes non négligeables justifiant son souhait de représenter l’Amérique latine au Conseil de sécurité des Nations Unies. Cet assemblage d’intérêts et d’alliances croisées a fait preuve de son efficacité au printemps 2005. Les pays latino-américains rassemblés à des degrés divers, sur l’une ou l’autre des initiatives brésiliennes, ont permis l’élection au secrétariat général de l’OEA, l’Organisation des Etats Américains, d’un candidat chilien qui ne bénéficiait pas initialement de la bienveillance tutélaire des Etats-Unis.

II. Politique à l’échelle mondiale : lutte contre les inégalités et pour la justice sociale

Cette culture de voisinage a eu très vite des prolongements extracontinentaux. Le Brésil cherche depuis longtemps à rompre la fatalité de l’inégalité, intérieure comme extérieure. L’ambition de Porto Alegre, du Forum social mondial, portée par le Parti des travailleurs, le PT de Lula visait bien avant les élections de 2002, à penser le monde différemment, à tendre des ponts en direction de l’Afrique, de l’Asie, voire de l’Europe. Pour casser un ordre international injuste Lula, comme à son époque de « leader » syndical animateur des grandes grèves à Sao Paulo, a fabriqué des contre-pouvoirs internationaux cette fois ci performants. En août 2003 il a porté sur les fronts baptismaux le groupe « IBAS » comme Inde, Brésil et Afrique du sud.

« Je dois faire du Brésil le leader des pays pauvres », disait le futur président brésilien lors de sa campagne en 2002. Si le projet est ambitieux, le chef de l’Etat brésilien n’a cessé de forger, ou de renforcer, des alliances avec des pays du Sud, sur le terrain économique notamment, pour accroître l’influence de son pays sur la scène internationale. L’illustration la plus spectaculaire de cette politique a été le rôle central joué par le Brésil, en partenariat avec l’Inde, dans le leadership du G20, le groupe formé par des pays en développement à l’occasion du cycle de négociations de Doha sur la libéralisation du commerce international.

Finalement, au niveau international, les objectifs actuels du brésil sont de construire un ordre mondial plus juste, réduire les inégalités entre les nations, la promotion de l’égalité souveraine entre les peuples et à la démocratisation du système internationale. Le président Lula mène depuis son élection une politique régionale et internationale ambitieuse mais qui commence à porter ses fruits. Il reconnaît que les États-Unis et l’Europe sont très importants pour le Brésil, et qu’il leur faut maintenir les meilleures relations possibles, mais il ajoute que les Etats-Unis et l’Europe doivent comprendre qu’il n’est pas possible de continuer à subventionner leurs producteurs agricoles, puisque cela représente une concurrence déloyale d’une part et, d’autre part, c’est un facteur d’appauvrissement des pays du Sud à majorité agricoles, donc de production d’inégalités, de situations de souffrance pour des millions de paysans et d’agriculteurs pauvres, de sentiments d’humiliation et de conflits potentiels à l’échelle mondiale.

D’autre part cet activisme est en totale adéquation avec ce que le Brésil sera d’ici quelques années, à savoir un des pôles économiques du XXIème siècle. S’il se dispute le leadership des pays émergents avec l’Inde, ainsi qu’une place au sein du conseil de sécurité, c’est bien parce que si le Brésil a les moyens de prétendre à une telle place, le président est bien conscient que la place ne se gagnera pas sans une Amérique du Sud forte et unie.

Notes

  • Auteurs de la fiche : Nary RASOLONJATOBO, Benoît SIMON, Emelyne MAS, Thibaud JULIEN, Thomas IDDOU, Aymeric DUPREY.