Cyril Musila, Paris, mai 2003
La presse en danger économique en République Démocratique du Congo
La détérioration continue du pouvoir d’achat des lecteurs potentiels affecte l’industrie de la presse.
Depuis la chute du régime du président Mobutu en mai 1997, les activités économiques n’ont jamais véritablement repris en raison des guerres civiles. Au contraire, beaucoup d’entreprises ont fermé, d’autres ont été contraintes à des congés techniques en renvoyant leur personnel. Ainsi, la GECAMINES, une des entreprises qui employait le plus de monde (16.000 salariés) s’est séparé de près de la moitié de son personnel. Ce ralentissement économique associé à la suspension de la coopération avec les partenaires bilatéraux ou multilatéraux a fait sombrer plusieurs secteurs économiques nationaux tels la santé et l’éducation.
Les médias, aussi bien publics que privés ont également été affectés par les effets de cette crise. La presse congolaise, florissante à la suite de l’ouverture pluripartite en avril 1990 avec des tirages d’environ 18.000 exemplaires s’est progressivement écroulée : les tirages ont vertigineusement baissé, certains titres ont simplement disparu.
Si dans plusieurs pays le tirage d’un journal correspond plus ou moins au nombre de lecteurs, en République Démocratique du Congo un exemplaire est lu par une dizaine de personnes. Les vendeurs à la sauvette, nombreux, ont quant à eux développé une stratégie consistant à faire des bénéfices au dépens des entreprises de presse en vendant les photocopies de journaux ou en permettant la lecture de journaux sur place moyennant une somme inférieure à la moitié du prix de vente de la publication.
Ces pratiques qui ruinent les entreprises de presse traduisent paradoxalement une forte demande du public – lui aussi appauvri – d’être informé et d’accéder à la presse. La mévente s’explique par la détérioration continue du pouvoir d’achat des lecteurs potentiels. Cet état de choses montre qu’un journal pauvre proposé à un public appauvri ne peut être libre ni indépendant ; il reste à la merci des puissances de l’argent et de l’idéologie.