Montargis, août 2007
Rencontres de subjectivités dans la médiation
Le défi de la médiation consiste, pour une tierce personne, à intervenir pour établir ou rétablir la communication entre des parties en conflit.
M. Guillaume-Hofnung (1) rappelle que la médiation se définit comme un « mode d’établissement de passerelles et de gestion des tensions sociales, grâce à l’entremise d’un tiers, neutre, indépendant et sans autre pouvoir que l’autorité que lui reconnaissent les partenaires à la médiation qui l’auront choisi ou reconnu librement ».
En mettant en place des dispositifs de médiation, il s’agit de contribuer à renouer les différentes dimensions du lien entre des personnes qui exacerbent leurs différends. Ce lien qui serait par hypothèse troublé, perturbé, entravé voire pathologique, est à l’œuvre entre les différentes parties impliquées dans la médiation, qu’elles soient ou non présentes physiquement lors des rencontres de médiation. Dans l’œuvre de la médiation, il existe des phénomènes inconscients. C’est un lien subjectif entre les vivants, un lien de vie et un lien à vivre. Il incite à reconnaître des identités et des temporalités différentes. Mettant en présence deux ou plusieurs éléments différenciés, plusieurs figures du lien peuvent se penser selon que l’on envisage le lien sous forme de mise en relation, de contrat, d’organisation, et selon la manière d’aborder les objets de liaison ou les processus. Dans la complexité intra et inter-psychique de l’humain, pris dans ses angoisses associées à la dynamique de ses propres instances intrapsychiques et de sa propre histoire revisitée, parcourue de problèmes de séparation, d’attachement, de perte, d’exclusion, de rejet, de stigmatisation, le lien est « une expérience affective qui s’intériorise » (2).
Dans sa singularité subjective, le lien et ses problématiques évoquent constamment l’éventualité de sa rupture ou de sa modifiabilité, produisant par là un vécu de souffrance, de peur ou de soulagement, et l’attrait ou la crainte de leur réitération. Il est interrogation des élaborations traumatiques. En ce sens la médiation est une expérience singulière qui nécessite de s’interroger sur son éthique même. Dans la médiation, se nouent et se dénouent des idées, des représentations, des émotions, des conflictualisations issues de vécus intersubjectifs antérieurs souvent très douloureux. La médiation opère comme réinvestissement d’un passé conditionnel toujours présent et d’un présent à venir hypothétique. L’histoire des personnes est très présente avec ses reliquats d’émotion dans l’actualité du conflit. Au-delà des rôles en tant que postures occupées par certains acteurs, la médiation œuvre à réaliser certaines fonctions afin également de rendre pérenne une forme d’organisation sociale.
La médiation vise aussi à éviter des actions violentes de personnes se pensant victimes qui chercheraient une réparation immédiate du préjudice supposé. Par cette action de mise en suspens provisoire, la médiation induit la mise en pensée. Différer, c’est se mettre à penser. Le Tiers (3) que constitue la médiation sépare les éléments pour qu’ils puissent mieux se définir. Ainsi d’une situation confuse, la médiation fait émerger et reconnaître les différents éléments de la situation dite conflictuelle. La médiation a une fonction différenciatrice contribuant à la position de responsabilité de chaque acteur. La médiation favorise cette reconstruction de l’identité de chacun, permettant alors d’œuvrer à la communication entre deux parties qui, pour échanger, ne peuvent être que distinctes. Il n’y a de médiation que de différenciation ou de séparation rendue possible. En intervenant, le médiateur individualise les acteurs en les dotant de discours singuliers et personnels qui doivent être entendus. Il restitue la particularité de la personne en permettant à chacun de s’expliquer et de s’entendre d’abord en interaction avec les autres protagonistes, y compris le demandeur de médiation quand celui-ci est un institutionnel.
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Auteur de la fiche : Bernard Gaillard, psychologue, directeur Master 2 Cliniques Criminologiques et Victimologiques Université Rennes 2. Bernard Gaillard vient de publier, avec Jean-Pierre Durif-Varembont, « La médiation, théorie et pratiques », Paris, 2007, Ed. L’Harmattan.
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(1) M. Guillaume-Hofnung, (1992), La médiation hors du champ administratif, in Revue française d’administration publique, n° 64.
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(2) F. Marty, (2002), Le lien et quelques-unes de ses figures, Rouen : PUL.
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(3) B.Gaillard, (2002) Dynamiques et Ethique des espaces cliniques de médiation, in Actes du colloque Médiation, Médiations, Université Rennes 2, France.
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Auteur de la fiche : Bernard Gaillard, psychologue, directeur du Master 2 Cliniques Criminologiques et Victimologiques, Université de Rennes 2. Bernard Gaillard est aussi auteur du livre : « La médiation, théorie et pratiques », Paris, 2007, Ed. L’Harmattan.