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Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Montargis, 2000

Vers une coparentalité après la rupture

La médiation familiale en matière de séparation et de divorce est un processus de gestion des conflits dans lequel les membres de la famille demandent ou acceptent l’intervention confidentielle et impartiale d’une tierce personne, le médiateur familial. Son rôle est de les amener à trouver eux-mêmes les bases d’un accord durable et mutuellement acceptable, tenant compte des besoins de chacun, et particulièrement de ceux des enfants, dans un esprit de coparentalité.

Mots clefs : Education à la non-violence | Travailler la compréhension des conflits | Mettre en oeuvre des initiatives de médiation

La médiation aborde tous les enjeux de la rupture, notamment relationnels, économiques et patrimoniaux, etc. Par extension, ce processus peut être accessible à l’ensemble de la famille (ascendants, descendants, collatéraux) concernée par une rupture de communication dont l’origine est liée à la séparation : les nouveaux conjoints ou compagnons, les placements familiaux, la succession. Cette définition est celle de l’APMF (Association pour la promotion de la médiation familiale, qui est également à l’origine du code de déontologie sur la pratique de la médiation familiale). Bien que pouvant être adaptés à tous les champs de la médiation les propos de cet article se réfèrent plus spécifiquement à la médiation familiale dans le champ de la séparation et du divorce.

Dans ce contexte bien spécifique le médiateur accompagne les participants à passer d’une logique de guerre à une logique de négociation qui prendra en compte les besoins de chacun, parents et enfants. Il favorise très tôt une attitude de coopération, qui est souvent très différente des relations antérieures des ex-conjoints, plutôt axées sur la confrontation et les prises de position trop rapides et intransigeantes, avec des attitudes de gagnants-perdants ou encore des silences éloquents. N’oublions pas que c’est au moment où un couple se sépare, c’est-à-dire au moment où il a le moins de dialogue, qu’il doit prendre des décisions, donc se parler. Or, ces décisions sont souvent des décisions gagnants-perdants où il n’est pas possible d’imaginer plusieurs options. Le médiateur va donc prendre le temps, avec le couple, de faire ressortir tous les besoins des parents et des enfants avant de les accompagner dans l’élaboration de toutes les solutions possibles.

Le médiateur prend en charge les sujets de discussion et la manière de les discuter, mais non le contenu des décisions qui appartient au couple. Il doit encore arrêter les discussions au moment où le blâme et les menaces prennent le dessus. La médiation offre un cadre de négociation structuré où le médiateur fixe les règles du jeu, détermine l’agenda, le temps et l’ordre des discussions. Si on commence à discuter, par exemple des enfants, on ne discutera pas en même temps des aspects financiers. Bien que les deux soient inextricablement liés, on ne peut pas parler en même temps de deux choses, sinon on n’arrive pas à bout des contradictions.

Une fois que tous les sujets auront été abordés, une discussion portant sur l’ensemble des points abordés aura lieu. Le médiateur doit redéfinir, reformuler de manière positive les points de vue, ou encore aller chercher des commentaires d’un partenaire qui ne s’exprime pas. Bien souvent, les parents qui sont en conflit ne se rendent même plus compte qu’ils ont des points d’accord. Ils sont seulement en train de se bagarrer alors que la solution est entre leurs mains, mais ils ne la voient plus. Le médiateur a encore pour rôle d’équilibrer le pouvoir en favorisant l’échange d’informations sur les données financières du couple et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. Comme il n’est ni avocat, ni notaire, ni fiscaliste, le médiateur peut, et doit, renvoyer aux professionnels appropriés, lorsqu’une question relève d’autres compétences, comme, par exemple, lorsqu’il s’agit de connaître les répercussions fiscales d’une décision.

L’ensemble du processus de médiation requiert en général de trois à dix entretiens s’étalant sur une période variant de deux à six mois ; chaque rencontre dure entre une heure et demie et deux heures, temps nécessaire pour qu’un cycle de négociation sur un aspect de la rupture aboutisse. La tristesse, la colère, inévitablement réveillées peuvent se pacifier, les positions de chacun peuvent être dépassées et le travail de négociation aboutir à un accord.

Une médiation se déroule en plusieurs étapes

La première étape est l’occasion de poser les fondements de la négociation à venir :

Le médiateur cherche à connaître le profil du couple, ce qu’il est au niveau social, matériel et psychologique en utilisant une représentation graphique de la famille (génogramme) et en inscrivant toutes les informations données par les participants. Ces différents éléments sont représentés sur un tableau de papier, outil indispensable du médiateur familial, qui permettra qu’à tout moment l’ensemble des informations données par les participants soient disponibles à tous, y compris au médiateur qui pourra utiliser ces informations comme dossier.

Après cette recherche d’informations générales, le médiateur proposera au couple un retour sur le passé en lui indiquant que ce sera le seul moment où, dans le processus de médiation, ils pourront en parler puisque la médiation a pour objectif de prendre en compte le présent afin d’imaginer et de construire le futur. Tout d’abord, chacun en parlant pour lui-même et sans blâmer l’autre, donnera des informations sur ce qui, pour lui, a conduit leur couple à la situation d’aujourd’hui. Ce sera l’occasion de faire un bilan au niveau personnel, conjugal et parental des années passées ensemble et de tenter de sortir des rôles stéréotypés de victime et de bourreau pour reparler de la décision de rupture et décider de la maintenir ou pas.}} Mais il convient de ne pas s’appesantir sur ce sujet, pour ne pas transformer ces rencontres en séance de thérapie familiale. En effet la médiation ne vise pas la réconciliation, elle part d’un état de fait, la décision de séparation, pour rechercher ensemble des solutions aux désaccords liés aux différents enjeux de la rupture. À l’issue de cette première étape, si les personnes décident de poursuivre le processus, elles signent un contrat de médiation ou sont précisées les règles du processus, les points d’accord déjà trouvés et les points qui seront à discuter pendant le cours de la médiation.

La deuxième étape concerne la négociation sur les enjeux de la rupture :

Le ou les lieux de vie principaux des enfants, le temps passé avec chaque parent, la manière dont les parents continueront à être responsables ensemble de leurs enfants, le coût des enfants et la répartition de ce coût entre eux, les questions d’autonomie et d’indépendance financière des ex-conjoints et enfin le partage des biens. Lors d’une rupture, les aspects parentaux et les aspects financiers sont interdépendants. Le médiateur explorera donc avec les parents de multiples aspects économiques. Par exemple, lorsqu’il sera question de la contribution financière pour les enfants, il pourra demander à chacun des parents : « Savez-vous combien vous coûtaient vos enfants quand vous viviez sous le même toit ? » ; « Maintenant que vous vous séparez combien voulez-vous qu’ils vous coûtent ? » (s’ils sont déjà séparés, le médiateur pourra demander « Savez-vous combien ils vous coûtent à chacun ? »). Les parents sont ainsi amenés à décider quel poste subira des réductions, le budget des enfants, les revenus du père ou ceux de la mère. Ce travail peut être source d’émotions très fortes : angoisse, colère ou culpabilité, le médiateur devra alors fortement soutenir le couple.

La discussion sur les aspects financiers amène naturellement à parler de ce que chaque parent met derrière la notion de besoins des enfants et sur la manière dont chacun veut et peut investir par rapport à ces besoins. Le médiateur les accompagne alors vers la recherche d’un maximum d’options envisageables par rapport aux lieux de vie des enfants et du temps passé avec l’un et l’autre de ses parents. Ceci permet de leur faire découvrir des solutions auxquelles ils n’avaient pas pensé, d’ébranler des positions, parfois trop rigides, qui bloquent toute négociation, de ne pas avoir à perdre la face devant l’autre en renonçant à sa position.

Quand un certain nombre d’options auront été trouvées par rapport à ces différents enjeux, ce sera ensuite le moment de la négociation finale de ces dernières et des prises de décision. Il s’agira pour le médiateur de tenter de maintenir le cap sur une utilisation positive des conflits. Pour cela sa tâche sera de faire valoir aux yeux des parents l’importance de la satisfaction de leurs besoins et intérêts mutuels, alors que ceux-ci ont plutôt tendance à s’en tenir à leurs positions respectives : c’est seulement par le dépassement de ces positions que les négociations pourront s’élaborer et que les décisions qui seront prises tiendront compte des besoins et intérêts de chacun et de ceux de leurs enfants. C’est à ce moment-là, entre autres, que le médiateur pourra demander aux parents de consulter chacun son avocat ou son notaire s’ils ne l’ont pas déjà fait ; ces derniers pourront alors voir avec leurs clients si les accords respectent les droits de chacun.

Vers un projet d’entente

L’issue de ce travail est la rédaction d’un « projet d’entente » ou « d’accords d’intention » ; un des objectifs de la médiation est de produire ce document qui reprend fidèlement les intentions, les principes et les décisions que les parents auront discutées et définis au cours du processus de médiation. Tous les aspects de leur vie future pourront y apparaître et plus particulièrement les arrangements concernant les enfants et les aspects liés à la rupture ; ce document sera remis à chaque parent à qui il appartiendra de décider de l’utilisation qu’il souhaite en faire, soit le considérer comme un contrat moral entre eux, soit le faire reconnaître par une procédure judiciaire.

Une troisième étape « optionnelle » :

Pour les couples qui souhaitent officialiser leur rupture, une troisième étape pourra prendre plusieurs formes selon le type de médiation indépendante ou judiciaire : l’intégration à une décision de justice ou l’éventuelle homologation judiciaire ; dans les deux cas, il pourra y avoir l’intervention d’un ou plusieurs avocats selon ce que décideront les membres du couple.

Afin que les conflits autour des ruptures trouvent des solutions pacifiques prises dans l’intérêt de chaque parent et de leurs enfants, on ne peut que souhaiter que la pratique de la médiation familiale se développe et, qu’à l’image d’autres pays pionniers une information obligatoire sur cet autre chemin de résolution des conflits soit rendue possible. Ce premier pas permettrait aux individus d’avoir le choix du moyen de régler leur conflit et d’en rester « maître et responsables » s’ils le désirent.

Annie Babu, médiatrice familiale et directrice de l’Institut européen de médiation familiale (IEMF)

Sources :

  • Livre collectif coordonné par Annie Babu, Médiation familiale : Regards croisés et perspectives, Éd. Érès, 1997.

  • Les médiations, la médiation, livre collectif, Éd. Érès, 1999.

  • Jacqueline Morineau, L’esprit de la médiation, Éd. Érès, 1999.