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En librairie

Transformation de conflit, de Karine Gatelier, Claske Dijkema et Herrick Mouafo

Aux Éditions Charles Léopold Mayer (ECLM)

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Cheffi Brenner, , janvier 2006

Quelle instance serait en charge de recevoir les communications ?

Mots clefs : Méthodes de décision politique pour maintenir la paix

Le séminaire s’est refusé à quelque tabou que ce soit et a évoqué aussi la question très politique de savoir si ce devrait être l’actuel Comité des droits économiques, sociaux et culturels à qui cette nouvelle fonction de traitement des communications collectives et individuelles devrait être confiée.

Parmi les arguments négatifs, deux sont principalement mis en avant :

  •  

    • Sa fragilité institutionnelle, et de ce fait politique, du fait d’une création postérieure à l’adoption du traité dont il a la charge de la vérification, contrairement à tous les autres comités, et ce par le Conseil économique et social et non par l’Assemblée générale des Nations Unies ;

    • Sa composition qui, au regard d’autres comités, apparaît, pour certains membres, plus faible en termes de compétences techniques, ce qui fait peser sur lui un soupçon insistant de politisation.

A ces questions ont été données des réponses divergentes dont la pluralité est, en soi, intéressante, concernant tant le statut que la composition.

Un statut qui peut évoluer

  • Le débat autour de la création d’un Comité spécifique en charge de recevoir les communications

Le mécanisme d’adoption du protocole devrait traiter ipso facto le problème de la légitimité moindre du Comité des droits économiques, sociaux et culturels par rapport à ses confrères : c’est l’Assemblée générale des Nations Unies qui devrait adopter ce nouveau traité, lequel évoquera l’organe chargé de recevoir les communications, adoubant ce faisant ce dernier.

La création d’un nouveau comité, distinct de l’actuel a toutefois ses partisans. A ceux-ci répondent ceux qui pensent que le travail d’analyse des communications individuelles et collectives se fera d’autant mieux qu’il s’inscrira dans le prolongement des réflexions de l’actuel comité et des observations générales et particulières, embryon de jurisprudence qu’il convient d’approfondir. « Si le comité interprète les droits économiques, sociaux et culturels de façon assez abstraite actuellement, le fait de travailler sur des cas concrets le poussera à un plus grand réalisme ». (Virginia Bras-Gomez)

C’est le meilleur organe pour prendre en charge la procédure de communications, du fait de l’expérience qu’il a déjà acquise à travers l’examen des rapports périodiques. (Yozo Yokota, Simon Walker)

Le protocole apportera de la cohérence et de la légitimité aux travaux du Comité. (Nicalos Espejo)

Les autres comités exercent avec succès les deux métiers et on trouve la même situation dans certains pays : en Belgique, la juridiction traitant du Pacte des droits économiques, sociaux et culturels (qui est exigible) apprécie le contentieux objectif, celui de la norme, et subjectif, à partir de situations précises. (Jacques Fierens)

  • La question de la réforme de l’ensemble des comités conventionnels

Interfère avec ce débat, naturellement, la question de la réforme de l’ensemble des comités conventionnels, dont l’idée a été lancée par la Haute commissaire. Certains ont plaidé pour une vision prospective qui commencerait par la fusion du Comité des droits économiques, sociaux et culturels avec le Comité des droits de l’Homme, rétablissant ainsi, au niveau décisif de l’organe quasi-judiciaire suprême, l’indivisibilité des droits de l’Homme.

Une composition qui doit évoluer

Certains voient dans la nouvelle compétence qui serait donnée à l’actuel comité un défi qui l’obligerait à se transformer lui-même.

  • Une diversification des membres du Comité notamment en termes de représentativité des genres

L’existence d’une procédure de communications entraînera une amélioration des compétences du Comité en matière d’analyse légale et d’interprétation des traités et vers une plus grande indépendance de ses membres. […] Cela n’implique pas que l’organe doive être composé uniquement de juristes – une solide culture en termes de droits de l’Homme nécessite également d’autre domaines d’expertise comme ceux relevant des sciences sociales […]. La référence à l’article 29 paragraphe 2 du Pacte sur les droits civils et politiques selon lequel chaque Etat pourrait proposer 2 candidats à l’élection , bien qu’un seul ne puisse être élu, évoqué par Martin Scheinin pourrait être une piste dans la réflexion sur une diversification des membres du Comité notamment en termes de représentativité des genres.

Pour éviter les interférences politiques, certains insistent sur la nécessité de recruter des membres vraiment indépendants et de définir des règles déontologiques internes exigeantes (Victor Oware Dankwa)

Un avis assez général qui a ses exceptions : « Le Comité recevant les communications individuelles ne devrait pas être composé seulement de juristes, mais aussi de représentants de la société civile, y compris de femmes. » (Bruce Porter)

L’amélioration de la procédure de recrutement apparaît comme une voie possible pour améliorer la composition.

Désormais, l’invitation devrait être faite aux États de nominer deux candidats représentatif en termes de genre mais aussi d’expertise tant dans le domaine des droits civils et politiques qu’économique et social (1). Cette approche éviterait le monopole de juristes. Un mode de recrutement après audition a également été proposé.(Martin Scheinin)

  • Des membres expérimentés, capables d’examiner des questions complexes

« Certains ont interrogé, récemment, la capacité des membres du Comité à examiner avec l’expérience voulue des questions complexes telles que l’adéquation d’une politique de santé, d’éducation, ou de stratégies de lutte contre la pauvreté ou contre la malnutrition (2). Cet argument […] ne tient aucun compte de l’expérience acquise par le Comité depuis vingt ans, sur la base de l’examen des rapports étatiques périodiques, ni du souci constant du Comité de collaborer avec les institutions spécialisées des Nations Unies telle que l’UNESCO, l’OMS ou la FAO, ainsi qu’avec l’Organisation Internationale du Travail, pour le développement des standards du Pacte. » (Olivier de Schutter)

Le débat a été lancé.

Notes :

1. Notably, article 28 of the CCPR requires from HRC members “recognized competence in the field of human rights” (not “civil and political rights”).

2. M. J.Dennis et D.P. Stewart, « Justiciability of Economic, Social and Cultural Rights : Should There Be an International Complaints Mechanism to Adjudicate the Rights to Food, Water, Housing and Health?”, pp.506-507.